Meurtre au Saint Graal

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L'été laissait lentement place à l'automne. Les arbres se paraient de couleurs flamboyantes, rouge, jaune, orange. Le vent hurlait entre les branches tel le fantôme des souvenirs passés. Nolan Roy, un inspecteur à l'air sombre, slalomait entre les grands arbres d'un parc vide. Ce sentiment de solitude semblait lui coller à la peau. La sonnerie de son téléphone retentit, étouffée dans la poche de son lourd manteau brun. Mais Nolan Roy n'y répondit pas, il ne lui lança même pas un regard, car Nolan Roy savait pertinemment ce qu'il se passait.

Ce jour-là d'automne, l'inspecteur fit marche arrière, enjambant une grosse pierre grise, et se dirigea assurément vers son véhicule. Une lueur de malice dans son regard, il s'installa confortablement. Un coup d'œil à son téléphone suffit à lui donner l'indication du lieu de rendez-vous. À vive allure, Roy parcourut les quatre kilomètres qui le séparaient du « Saint Graal – Bar Breton ». Le temps se dégradait à vue d'œil. Le ciel se voilait de gros nuages gris menaçants et le vent emportait avec lui des amas de feuilles mortes. Roy eut un frisson. Le froid commençait à s'insinuer dans chaque partie de son corps.

Une vieille bâtisse en pierres grises - qui devaient, il y a bien longtemps être blanches- s'élevait face à lui. « Le Saint Graal – Bar Breton » était inscrit sur la devanture dans une écriture calligraphiée à la couleur ocre passée. L'ombre du bar surplombait toute la ruelle, obscurcissant les environs. L'inspecteur était arrivé.

Il replaça adroitement le col ainsi que les manches de son manteau. Les sens aux aguets, Roy analysa l'environnement comme il savait si bien le faire et retroussa son nez. Le parfum des hortensias embaumait l'air et se mélangeait en une fragrance amère avec l'odeur de la mer. Cette dernière s'infiltrait même dans sa bouche, l'iode brûlant sa langue desséchée. Il regarda ensuite le ciel, toujours aussi gris qu'à son arrivée. Pas un passant ne flânait, pas un chat ne chassait de souris. Pas une grand-mère ne pointait le bout de son nez à la recherche d’un ragot alléchant.

Personne. Une véritable ville fantôme.

Roy sursauta. Au loin un volet battait frénétiquement l'allure contre la paroi d'une maison. Tandis que le rire macabre des mouettes, partant sûrement à la chasse d'un chalutier, résonnait entre les murs des bicoques bretonnes. Cette cacophonie lui fit grincer des dents.

Charlotte Moreau ouvrit dans un grand fracas la porte du bar faisant s'affoler la clochette à l'entrée. La grande blonde s'avança de sa démarche féline. Ses grands yeux bleus cristallins se posèrent immédiatement sur la seule âme qui vive de toute la ruelle, l'inspecteur Nolan Roy. La jeune femme le trouvait imposant dans son long manteau qui l'affinait. Son borsalino posé sur la tête ne le rendait que plus mystérieux et intriguant. Ses yeux sombres semblaient vous sonder l'âme.

Sur ses hauts talons, elle s'approcha de lui, effleurant son bras au passage. Ils se regardèrent un instant, sans un mot puis elle rompit le silence.

  • Le propriétaire de ce bar est Erwan Morvan. Homme, grand, quinquagénaire. Il a entendu sa fille hurler depuis le jardin de leur maison, énuméra-t-elle. Il y a découvert une scène abominable.
  • Leur maison, c'est elle là bas ? demanda Roy impassible en pointant du doigt la maison collé au bar.
  • En effet, Inspecteur.

Tous deux passèrent l'entrée de la maison. L'ambiance était morbide. La petite fille de Morvan était en larmes, le nez dégoulinant de morve. Une femme d'un âge avancé, que Roy apprit être la voisine, essayait tant bien que mal de consoler l'enfant apeuré. L'inspecteur et sa partenaire continuaient leur chemin dans le long couloir qui menait à la scène de crime. Charlotte regarda un instant la petite avec tristesse, mais elle détourna le regard pour rejoindre son patron. La scène qu'ils allaient devoir affronter était bien pire.

« Bien pire » était en euphémisme. Le tableau qui se peignait devant l'inspecteur était ignoble. Pourtant il ne pouvait détourner le regard. Était-ce par devoir ? En partie. C'était son travail de voir de telles horreurs. Mais au fond de lui, il savait que c’était aussi par pure fascination morbide.

Nolan se replongea dans l'enquête. La victime gisait par terre entièrement nue, inerte, sans vie, à l'évidence. Son bassin était sectionné, sûrement par une lame affûtée au vu de la profondeur de la plaie. Et un large sourire cisaillé fendait son visage.

  • Je reconnaîtrais cette scène n'importe où, murmura-t-il. Ce ne peut-être que L'Hortensia Noir.

Charlotte se retourna surprise.

  • C'est impossible ...

Et pourtant, l'inspecteur en était certain. Il fallait mettre la main sur cet assassin. Mais comment ? C'était la question que se posait Nolan en partant de la scène de crime. Il laissa derrière lui son équipe s'occuper du reste. Le légiste notait les différents éléments à propos de la victime sur un calepin.

- Entaille au bassin.

- Sourire cisaillé en dessous du museau.

- Victime: Ourson en peluche, brun, pelage doux.

L'inspecteur Nolan Roy enfourcha son véhicule: un vélo vert crasseux dont la sonnette était cassée. En pédalant, il eut une pensée pour la victime. Avec L'Hortensia Noir, les temps étaient difficiles pour les peluches de Bretagne.

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