Verdun, entre juin et septembre 2008.
Je t'écris ce soir, quelque 11 ans plus tard... Te dire que je ne t'ai jamais oublié. Que chaque fois que je croise un camion de pompiers, et ou ses occupants, je pense à toi.
Ma logique me rappelle toujours à l'ordre. Comme quoi la façon dont j'ai vécu cet instant magique divergeait peut-être complètement de la réalité. De ta réalité. De tes propres perceptions
Me répéter que tu pouvais être marié... Avoir déjà des enfants... Aimer le heavy metal... Être trop rock'n'roll pour moi...
Lorsque je songe de nouveau à toi, c'est toujours telle que j'étais alors, dans la situation dans laquelle j'étais alors.
Je ne mentirai pas. Tu es beau. Tu es musclé, bien bronzé, et avec un tel regard, une belle machoire... Mais c'était bien plus que cela; je ne suis pas du genre à courir après les M. Univers...
C'est la profondeur de ton regard qui a laissé une trace indélébile. J'y ai perçu une douleur telle, que j'ai imaginé que tu avais déjà connu le feu, que tu avais peut-être déjà perdu des camarades de travail de façon tragique...
Mais c'était peut-être juste mon regard que tu me retournais, éprouvée que j'étais alors à ce moment-là.
J'ai en tête l'image de vaillants bons vivants qui sauvent des vies, et qui donnent si généreusement de leur temps, de leurs compétences... Des gens qu'on gagne à connaitre et à garder près de soi...
Mais j'ai eu ouï-dire aussi que c'était un milieu macho et parfois hard...
Je sais que je regretterai toujours de pas être descendue du 524 pour venir te voir devant le 534. Je me demanderai toujours ce que cela aurait pu donner...
La fin de ma relation avec le père de mon enfant arrivait. J'avais tout tenté pour que l'on demeure ensemble. Il me restait à nommer l'évidence à voix haute, à savoir que le foyer que l'on avait édifié allait bientôt tomber aux bourrasques qui nous faisaient tanguer. Il me restait à partir seule avec mon fils, et à tellement m'impliquer pour que cela marche entre mon fils et son père.
C'était fini. Les regards que l'on s'échangeait ne savaient plus mentir. Être descendue te demander ton numéro aurait peut-être pu tout changer de ce qui allait suivre, mais je me serais sentie traitre à la mémoire de ce que mon ex et moi avions été.
J'ai encore tenté pendant un an de faire tout fonctionner. J'étais jeune alors, ma première relation, mon premier break-up. L'expérience m'a appris que lorsqu'on atteint ce constat, il n'est plus vraiment possible de faire marche arrière.
Je vis seule depuis 10 ans. Je me suis consacrée à moi-même et à mon fils. J'ai choisi une route, elle m'a beaucoup apporté, tellement de positif, quelques épreuves aussi...
L'un de tes collègues était passé chez moi un an plus tard. La collecte annuelle des pompiers. J'avais fait mine de regarder si tu n'étais pas en bas... Cela avait fait sourire celui qui était venu cogner à ma porte...
Je me dis toujours que tu avais peut-être envoyé un de tes amis pour voir si j'y étais encore... c'est flatteur et cela me fait toujours sourire... J'aurais préféré que cela soit toi, thought... Une discussion formelle, cela aurait sans doute été, où j'aurais appris à quel poste tu travaillais...
J'ai quitté mon ex quelques temps après. Serais-tu venu cogner à ma porte ce jour-là, mon parcours aurait pu être différent.
Je serais venue à ta caserne 4-5 mois plus tard. Nous serions sans doute allés au restaurant, et on aurait marché un peu après. On aurait appris à bien se connaitre, et je t'aurais parlé de tout ce que j'avais traversé avec mon ex, de tous mes espoirs aussi, tous mes rêves... Ma vie se serait adaptée à ton tempo, et en retournant aussi rapidement dans le bonheur... Je t'aurais présenté mon fils, et tout aurait été différent...
Je t'écris ce soir ce que j'aurais voulu te dire. Parce que j'ai eu le courage de faire ce long chemin toute seule, et qu'à quelque part, je me suis toujours encouragée en me disant qu'un jour, on pourrait se recroiser, et apprendre à se connaitre...
Mais voilà. C'était il y a 11 ans. Ou 10, si on compte la visite de ton ami. I know i have a lot to offer. Je sais que cela ne saute pas tout de suite aux yeux
Et je sais que c'est une question de tomber sur la bonne personne, et au bon moment, tout simplement.
Je ne me vois toujours pas entrer dans une caserne pour demander qui était là cette journée-là. Parce que depuis 10 ans. Je les entend me dire ce que ma logique me dit déjà à chaque fois. Que c'est insensé, qu'on a pas d'atomes crochus. Que cela aurait juste créé un moment bizarre. Awkward. Un moment de gêne que je ne souhaite pas vivre.
Je t'écris ce soir... Parce que.
Parce que tu n'étais peut-être pas de l'équipe de Verdun. T'étais peut-être de NDG, de Ville-Émard, ou de Pointe-St-Charles. Parce que t'as peut-être changé deux fois de lieu depuis... Et cela revient, à mon grand dam, à chercher une aiguille dans une botte de foin.
Alors je me dis que t'étais pas celui qui me fallait. Que tu écoutes du heavy metal, que tu es macho et que tu n'aimes pas les enfants. Que je ne t'ai pas tapé dans l' œil parce que quand une fille te plait, tu n'es pas du tout gêné d'aller lui demander son numéro de téléphone, et donc, que je ne t'ai pas tapé dans l'oeil ce jour-là. Et je finis le portrait en me disant que tu n'es qu'un coureur de jupons.
Mais chaque fois que je songe à toi. je suis toujours sur ce balcon à te fixer de mon regard, et ton regard demeure toujours pour moi aussi éloquent.
Je me dis que si t'avais pas femme et enfants alors, 10 ans plus tard, tu as tout cela...
À quelque part, c'est ce que je te souhaite, un très heureux mariage, une très bonne union. Mais par ailleurs aussi, je souhaiterais que tu sois à la veille de la quitter, comme moi alors, et que ce message te parvienne et que tu saches me localiser...
10 ans plus tard, je me sens prête à me remettre en couple, si je trouve le bon...
À quelque part, je me dis que ce serait croire encore au Père Noel... Il existe, assurément. Je l'ai juste pas rencontré en live... Je ne suis juste pas descendue à sa rencontre...
Somehow, I hope that this letter will come to you... As I want to believe I will find the right one for me.
Oui, je crois encore au Père Noel... Guess I still need to believe in it...
Parce qu'au final, même si je me dis ces choses pour croire que cela n'aurait pas été entre nous, I still want... Je me vois toujours descendre et faire mine d'aller parler à mon voisin pour voir si tu ne m'apostropheras pas, et découvrir que, comme moi, t'aimes la pop et le country, que non seulement t'aime les enfants, mais tu as le tour avec eux, et que tu es quelqu'un de sincère, bienveillant, chaleureux et attentionné.
Tu demeures "mon" pompier... Je ne sais pas où tu es rendu, mais lorsque je pense à toi, c'est comme si tu demeurais encore tout près... C'est à la fois porteur d'espoir et impossible à croire avec mon hypervigilance...
Tu continues d'exister pour moi... Lorsque je regarde des vidéos concernant les pompiers, ce sont des morceaux de toi que je récupère, et que j'introduis dans mon quotidien, lorsque le besoin d'y croire et d'en rêver se fait sentir...
Je crois t'avoir vu dans le calendrier des pompiers de 2011 en 2010, mais je ne peux en être sûre, car si tu y es, je ne t'ai qu'entre aperçu alors que 2 filles le feuilletaient au resto...
Pour les mêmes raisons qui m'ont fait ne pas partir à ta recherche, j'ai refusé de m'en assurer. J'ai refusé d'aller l'acheter.
Pour pas avoir sous les yeux tous les jours les regrets et les questionnements à propos de ce qui aurait pu être.
Alors voilà. 11 ans plus tard, je lance une bouteille à la mer.... Ma bouteille, si anonyme et infime, si grande et si "genuine". Notre bouteille, the story of our moment.
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