Esther
Esther avance dans le long couloir qui la mène à la grande salle du conseil. Son père Gregorio l’a fait mander. Que lui veut- il ? Avec le torrent de cheveux indisciplinés qui retombent par instant sur son visage grave, on ne se douterait jamais qu’elle vient d’avoir dix-huit printemps.
D'un regard inquiet, elle contemple les fresques recouvrant les murs du corridor, des œuvres impressionnantes aux couleurs chatoyantes. Un petit groupe de jeunes gens la dépasse ce sont des scientifiques, et elle perçoit des bribes de pensées admiratives la concernant. Visiblement très pressés, ils s’engouffrent dans un traceur cylindrique qui se met à clignoter. Avec un doux ronronnement, il s’élance et les emporte en un éclair vers les étages supérieurs.
Quelques mèches obstinées dansent devant ses yeux, elle les écarte , et tente vainement de les rassembler au sommet de son crâne. Mais rebelles, elles glissent entre ses doigts et dévorent de nouveau une partie de son visage.
Esther est une Acuit, elle peut lire dans l’esprit de n’importe qui, mais ce n’est pas simple d’être en permanence assaillie par des centaines de pensées.
Les Acuits sont très importants à Latora. Quand ils atteignent l’âge de dix-huit ans, ils sont envoyés en missions à l’extérieur du complexe pour sonder les populations indigènes et rendre compte du résultat de leurs investigations.
Mais la télépathie n’a qu’une portée limitée. Aussi portent-ils en permanence un émetteur-récepteur incorporé dans un médaillon, il va également leur permettre de parcourir de longues distances en une fraction de seconde.
Le colonel Norton a déjà insisté à plusieurs reprises pour que des médaillons soient aussi fournis aux hommes de sa garnison, mais Gregorio a toujours refusé. Les militaires n’étaient pas autorisés à porter le médaillon, c’était la loi, et il devait veiller à son application.
Esther vient de recevoir le sien, elle l’exhibe fièrement sur sa poitrine tout en parcourant les quelques mètres qui la séparent de la grande salle du conseil.
Un brouhaha lui parvient derrière la porte majestueuse qu’elle pousse à présent. Les deux gardes de factions n’ont pas bronché, ils ont bien reconnu la fille du grand Maître Gregorio de la cité de Latora.
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