Que vais-je prendre aujourd’hui comme dessert au self ce midi ? Une pomme ? Une pâtisserie ? J’hésite. Le fruit serait plus raisonnable, mais un gâteau me réconforterait. J’ai l’impression que les autres me laissent un peu à part. J’entends parler de soirée, mais jamais je ne reçois la moindre invitation. En classe, quand le professeur demande de former des binômes, si quelqu’un ne trouve pas de partenaire, devinez ? Et oui, c’est moi. De plus, mes visions se multiplient. Et de plus en plus précises. Effrayantes et inquiétantes. Mon sommeil en partie. Mes humeurs aussi. Je me sens seule. Et je n’ai toujours pas découvert l’identité de la personne qui m’aidait dans l’une de mes flashs.

Comme tous les midis, je m’installe, solitaire, sur une petite table qui fait face au grand parc du lycée. J’aime déjeuner en observant les oiseaux qui entrent et sortent des arbres centenaires. Je me tenais là, et allais entamer mon plateau-repas quand une voix derrière interrompit ma contemplation. « La place est libre ? »

Ethan. Incroyable. Dois-je me pincer pour vérifier que je ne me trouve pas dans une de mes visions ? Mais non, c’est bien lui. En chaire et en os. Et seul. Me proposerait-il un déjeuner en tête à tête ? Lui, l’un des garçons les plus populaires du lycée ? Celui qui donne toujours les réponses que les professeurs attendent ? Celui avec une si belle fossette quand il sourit ? Oui, c’est bien lui. Ethan en personne.

Je le regarde un peu gênée. « Oui, bien sûr. Tout le monde sait que je mange seule. Tous les midis. A cette même table. » Il tire la chaise qui se trouve en face de moi et s’assoit. Il pose ses coudes sur la table, de chaque côté du plateau. Il place sa tête sur ses mains. Il se met à me fixer. J’ai l’impression que ses yeux essaient d’entrer dans mon cerveau.

Il me dévisage avec une curiosité palpable. Je me raidis immédiatement quand il commence à parler. « Tu es différente des autres. » Je le regarde, surprise : « Je ne comprends pas ».

Ethan hésite un instant, mais finit par avouer : « Tu sais, je possède un don. Je peux lire dans les pensées ». Il marque une pause pour observer ma réaction.

Je suis abasourdie. Je dois maintenant prendre garde à mes dires. Si je ne fais pas attention, je risque de révéler mon propre secret. Je me force à rester calme et réfléchir avant de parler. « Je ne vois pas en quoi ça me concerne, » dis-je finalement en essayant de paraitre nonchalante.

Ethan semble comprendre mon manque de confiance et acquiesce doucement avec un sourire bienveillant. Puis il reprend la parole : « Je crois que tu possèdes toi aussi un don, Alyssa. » Il marque un temps d’arrêt et me regarde droit dans les yeux. « Tu es la seule personne dans laquelle je ne peux lire. » Nouvelle pause pour que ses mots pénètrent bien dans mon esprit.

Lorsqu’Ethan prononce ces paroles, tous les sentiments jusqu’alors enfouis en moi refont surface. Je sens un mélange d’angoisse et d’excitation pendant quelques secondes avant de me calmer et de répondre doucement : « Ce que tu dis est vrai ».