Chapitre 2 - La traversée (1)

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Dimanche 11 juillet 1965, à bord du France

Pour le dîner, il était demandé aux hommes de mettre une veste et une cravate. Dominique s’habilla en femme : un chemisier et une jupe. Après le repas, ils passèrent dans un salon pour boire le café. La famille qu’ils avaient vue sur le quai était près d’eux ; le fils — très élégant, complet bleu roi, nœud papillon rouge — les regardait souvent.

— Il faudrait que nous nous présentions, dit Koen.

— À quel titre ? demanda Frédéric.

— Parce que c’est le ministre français de l’économie, mon père l’a rencontré une fois. Il me semblait l’avoir déjà vu en photo, à l’époque je gardais des coupures de presse, j’étais fier du travail de mon père.

— Tu as montré ton train électrique à son fils ?

— Non, il ne l’accompagnait pas, et il aurait été trop jeune.

— Trop jeune pour un train électrique ? s’étonna Daniel.

— C’est un euphémisme. Koen préfère d’autres jouets.

— On se présente comment ? demanda Dom. Dois-je dire que Daniel est mon ami ?

— Non, fit Frédéric, je propose de dire que tu es sa sœur.

— Ta cousine.

— Exact, et Koen est seulement un camarade avec lequel j’ai fait mes études. Ce n’est pas nécessaire que tout le bateau sache qui couche avec qui.

— Surtout que ça change chaque jour, dit Daniel en riant.

Koen se leva et se dirigea vers le ministre, ils se présentèrent ensuite comme ils l’avaient prévu. Frédéric dit quelle entreprise dirigeait son père, Daniel et Dom qu’ils étaient les enfants d’un ambassadeur. Les enfants du couple s’appelaient Amaury et Aurianne. La mère précisa que son fils venait d’avoir son bac au lycée Henri IV de Paris.

Koen expliqua qu’il ferait un reportage pour le journal des étudiants de son université et qu’il essayerait d’avoir une visite privée du paquebot.

— Votre fils pourrait se joindre à nous si cette visite l’intéresse, suggéra-t-il.

— Bien sûr, dit la mère, Amaury est plutôt introverti, s’il pouvait être avec vous de temps à autre plutôt que de rester seul dans sa cabine. Vous n’êtes pas beaucoup plus âgés que lui.

— Avec grand plaisir, fit Frédéric, nous ferons du sport tous les matins à 9 heures, votre fils pourrait aussi s’entraîner avec nous.

— Très bonne idée, dit la mère.

Les quatre amis retournèrent s’asseoir à leur table.

— C’est quoi ce sport tous les matins ? dit Koen.

— C’est pour que tu n’aies pas de kilos superflus à la fin de la traversée. Tu devrais le savoir, mon cher étudiant en médecine, journaliste amateur.

— Ouais, je devrais le savoir.

Lundi 12 juillet 1965, à bord du France

Le lendemain matin, les quatre amis se rendirent à la salle de sport du paquebot. Amaury arriva quelques minutes plus tard, vêtu d’un polo et de shorts blancs. Il eut l’air surpris en voyant Dominique avec des habits masculins, mais il ne dit rien. Ils firent de l’exercice pendant une heure, changeant régulièrement d’engin.

— Ça m’a fait du bien, dit Koen à Frédéric, c’était quand même une bonne idée. On prend une douche ?

— Ici ? Ou dans la cabine ?

— Ici.

— Nous n’avons pas d’habits de rechange.

Koen chuchota quelque chose à l’oreille de son ami.

— Je l’avais deviné, fit Frédéric en riant.

Daniel proposa d’aller chercher des habits dans la cabine. Koen, Dom et Frédéric se déshabillèrent dans le petit vestiaire attenant à la salle de sport. Amaury entra et leur dit :

— Je peux me doucher avec vous ? Il y a assez de place ?

— Mais oui, fit Koen, venez, on se serrera.

Ils hésitèrent avant d’enlever leurs slips.

— On peut se doucher nu ? demanda le jeune bachelier.

— Je n’ai pas vu d’interdiction, dit Koen, c’est un vestiaire pour hommes.

— Alors, comment se fait-il que Mademoiselle soit avec vous ? fit Amaury en désignant Dominique.

— Je vous intrigue, dit-elle.

— En effet, disons que vous m’intriguez tous, mais je ne devrais pas être aussi curieux.

Daniel était revenu avec des slips propres, Dominique fut la première à baisser le sien.

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