Chapitre 2 - La traversée (3)

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Mardi 13 juillet 1965, à bord du France

Le lendemain après-midi, ils se retrouvèrent pour la visite du navire. Dom et Daniel avaient préféré faire la sieste sur une chaise longue sur leur balcon. Amaury était accompagné d’Aurianne, elle était aussi belle et charmante que son frère. Il s’excusa, elle avait insisté pour venir avec lui, c’était sa sœur jumelle et il ne pouvait rien lui refuser, il ajouta qu’elle était moins chiante que les autres filles ; elle rétorqua que son frère était plus chiant que les filles.

Un officier chargé des relations publiques les guida. Ils visitèrent d’abord les cuisines, puis le poste de commandement et enfin la salle des machines. Koen prenait quelques photos pour justifier sa fonction de journaliste. Il dit à Frédéric :

— Je trouve dommage que les hommes ne soient pas torse nu devant les chaudières.

— Nous ne sommes plus au temps de la vapeur, la chaleur est supportable.

— Tu crois qu’on va visiter le quartier de l’équipage ?

— Sûrement pas. Tu n’as qu’à demander à notre guide.

Koen, avec son sans-gêne habituel, posa la question. Le guide ne put accepter sa demande car ils étaient accompagnés d’une femme. Il leur proposa de revenir un autre jour, sans Aurianne, et au maximum à deux. Il ne serait pas possible de prendre des photos. Koen demanda encore s’il pourrait interviewer un matelot, l’officier répondit qu’un des hommes avait l’habitude de répondre aux journalistes et qu’il serait à leur disposition.

Le soir, après le repas, ils se rendirent dans un salon adjacent au restaurant, où jouait un orchestre ; quelques couples dansaient. Dom était très élégante, elle avait mis une longue robe de soirée rouge. Ils s’assirent pour boire des bières belges. La famille du ministre était à l’autre bout du salon. Après un quart d’heure, Amaury se leva et les rejoignit, il dit à Dominique :

— Mademoiselle, puis-je vous inviter à danser, si votre… frère le permet ?

— Ce n’est ni mon frère, ni mon chaperon, mais je lui demande quand même la permission.

— Bien sûr, Mademoiselle, dit Daniel, je danserai avec mon cousin.

Dominique dansait très bien, Amaury aussi d’ailleurs.

— Ma mère m’a encouragé à t’inviter à danser, dit-il.

— Pourquoi ?

— Elle trouve que je suis trop timide, que j’ai l’âge de courtiser les filles, euphémisme pour dire coucher avec.

— Tu sais que j’ai un zizi…

— Oui, je le sais. Ça fera plaisir à ma mère et elle me laissera tranquille pendant le reste de la traversée.

L’orchestre termina le morceau — il y eut quelques applaudissements polis —, puis en débuta un autre, un slow langoureux. Les deux danseurs se rapprochèrent afin de poursuivre leurs confidences.

— Tu es gay ? demanda Dom.

— Tu as vu que je bande facilement dans les vestiaires pour hommes, mais je n’ai jamais couché avec un garçon et je ne pense pas que cela ira plus loin qu’une branlette mutuelle avec vous.

— Pourquoi ?

— Je suppose que Daniel est ton petit ami et que Koen et Frédéric sont amants.

— Tu as raison, mais nous pratiquons tous l’amour libre. Si tu as envie, n’hésite pas… La traversée sera encore longue.

Pendant ce temps, Koen s’était levé et avait invité Aurianne à danser, au grand étonnement de Daniel :

— Qu’est-ce qui lui prend ? Il veut vraiment coucher avec une fille ?

— Oui, pour des raisons scientifiques, évidemment. Il désire se repositionner sur l’échelle de Kinsey, savoir s’il pourrait avoir une aventure hétérosexuelle occasionnelle.

— Tu ne crains pas qu’il finisse par te quitter ?

— Non, après toutes les infidélités qu’il m’a faites, il est toujours revenu.

— Aurianne va être déçue, fit Daniel, si elle pense avoir trouvé l’homme de sa vie…

— Koen est tellement maladroit qu’il va lui dire qu’il est gay, elle nous le rendra après le premier slow.

— On danse les deux ?

— Je n’aimerais pas faire de scandale. On essayera de trouver un bar gay quelque part en Amérique pour le faire.

Aurianne dansait très bien, Koen très mal.

— Pourquoi m’avez-vous invitée à danser, alors que vous préférez les garçons ? demanda-t-elle à son cavalier.

— Comment le savez-vous ?

— Mon frère est chiant, mais il me fait des confidences. Il paraît même que la jeune femme avec laquelle il danse a un… zizi. Il l’a vu sous la douche.

— Très peu de personnes sont entièrement homo ou hétérosexuelles et l’orientation sexuelle peut évoluer au cours de la vie.

— Je suppose que Frédéric est votre amant.

— Vous avez raison, mais nous pratiquons tous l’amour libre. Si cela vous tente… La traversée sera encore longue.

Aurianne rit.

— Je serais assez curieuse de voir si des homosexuels peuvent être excités par une femme, fit-elle.

— Moi aussi.

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