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Rester au plus ras, se dire cela dès le départ. Aller au grain de sable qui, on le sait, dessine les plages. Ce que l'œil voit et qui l'émeut, qui raye le temps d'un calme trait, sans un bruit, juste une lumière sur l'horizon du jour, qui ouvre cette sorte de silence étendu entre les êtres sans en briser l’éclat, comme si de rien. La montre continue son chemin, mais on est là et on ne voit que ce sourire qui s'écrit sur le visage, une façon de pas grand-chose, mais une aube où se ressourcer, une lumière enfin. C'est dans les interstices, les fissures, les lacunes d'espaces que la lumière prend toute sa force : plus les parois sont resserrées, plus le passage est étroit, et plus grand est l'élan de son désir. Elle brille entre les branches du matin, murmure entre les pans du rideau, se glisse avec timidité sous les persiennes, caresse le creux des sillons, se contorsionne dans une flamme, s'échappe en une étincelle. Une main tourne la page, puis se fige prend un crayon, souligne quelques mots et repose le livre. Derrière les paupières la lumière est entrée et filtre le regard.
Alors que la première lumière rejette lentement, avec tendresse, les ombres de la nuit et enferme derrière elle les songes étouffés, c'est presque une évidence de revenir là, les doigts sur le clavier qui pianotent doucement ce qui se balbutie sur les lèvres entr'ouvertes. Quelque chose s'échappe enfin, glissant hors des murailles qui enserrent, brûle presque, puis ruisselle doucement emportant en vrac tous ces mots abandonnés. La pluie est là, le vent est moins fort, et cela coule comme une eau purificatrice qui n'en finit pas de sangloter avant de laisser mûrir un sourire en éclats de rire.
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