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C'est la tête, le vertige au sens propre comme au figuré. Je connais bien. Et je reste inerte lorsque cela survient. Cela emporte, me rejette sur les bas-côtés du monde qui continue de tourner mais pas dans le même sens que moi. J'en connais le tracé et sa déportation, la violence et l'effondrement qui en résulte quand tout est une possible blessure : le flot de lumière, le rouge du rideau, des sons qui cisaillent ou simplement l'écho de la réalité qui s'imprime sur mes neurones. Le regard est alors immergé dans cette béance dont on ne sait comment revenir. Des débris de mots au bord des lèvres, on revient sur les rives de la vie.
Sortir de cette solitude de la nuit, refermer la page de l'obscurité où l'on vient de passer de longues heures sans en savoir rien ou si peu. Ce si peu qui tente de briser les chaînes entre nuit et jour, puis s'effiloche dans la brume. Ce fragment d'énigme accroché aux tempes, on pose les pieds sur le sol où des morceaux de corps s'assemblent - c'est la première douleur du jour – on reste assis au bord du lit, le temps que la vision de l'alentour se fixe, puis on se redresse, fragile, et on se glisse dans ce qui vient. En ces jours et ces mois étourdis par la folie des hommes, on traverse les rives de ce monde, sans plus rien comprendre, les deux mains appuyées sur la fièvre qui gagne l'envers de l'univers. On regarde le ciel du matin posé sur le vert ancestral qui renaît à chaque printemps, et on éviterait presque de dire que la vie est là, qu'on entendra encore des cris et des rires d'enfants dans l'entrelacs obscur des branches, que le mouvement de la vie n'est pas séparé de la langue, que le monde se continue aussi dans le poème qui s'écrit.
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