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A la bordure des mots, il y a quelque chose qui se profile, qui avance et que l'on devine, un inconnu dont on ne sait rien encore. Les yeux vont de la page à la fenêtre, s'immergent dans ces ciels gardiens des signes et des silences pour que s'élève un souffle sur les paupières. Les mots se lient aux mots, luisent de leur contact, leurs ailes s'enlacent : quelque chose se dit que l'on ne savait pas. Cela tremble un peu dans les rais de poussière, on revient un peu hagard, décalé dans ce monde qui a continué de tourner.
Avance à reculons, reviens vingt ans en arrière, remue des souvenirs, secoue un peu des images, regarde avec des yeux derrière la tête, tente de démêler l'écheveau des réalités où rien n'est tout à fait pareil mais tout est identique comme si le temps n'avait fait que tasser les ans, cimenter les strates d'une vie mais laissait flotter à la surface de l'épiderme une brume légère où affleure une forme de tendresse qui ne peut s'oublier : on revient sur les pas de ces fragments de vie calfeutrés dans les égarements du silence et on regarde droit devant.
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