Le petit chaperon rouge

2 minutes de lecture

Ma grand-mère est une enquiquineuse. Tout le monde le pense, mais personne n'ose le dire. Moi, ça ne me fait pas peur. Alors qu'elle a de plus en plus de mal à se déplacer et à accomplir les gestes du quotidien, elle est allée s'acheter une maison perdue au fond des bois et a refusé catégoriquement qu'une aide ménagère vienne chez elle. "Ma petite fille s'en chargera ! " a-t-elle dit. Non, mais quel culot ! Elle ne m'a pas demandé mon avis... J'ai d'autres choses à faire après les cours !
Ma mère m'a obligée à y aller. Elle m'a fait du chantage à propos de mon argent de poche. D'après elle, il était grand temps que je travaille pour le mériter. Et puis, ça l'arrangeait bien. Elle me remplissait chaque jour un sac avec des douceurs pour la mémé : comme ça, elle n'avait plus besoin de s'y rendre elle-même. Pas folle la guêpe ! Qui aurait eu envie de tenir compagnie à une vieille harpie pareille ? A côté d'elle, tatie Danielle était un ange bienveillant...
Afin de lui rendre la monnaie de sa pièce et en signe de protestation, je me suis teint les cheveux en rouge. J'ai enfilé une mini robe en cuir et des cuissardes (rouges aussi, pour aller avec les cheveux). J'ai attrapé le sac et j'ai filé avant que ma mère ne me prenne dans cette tenue : elle ne m'aurait pas laissé sortir. Habituellement, je traversais le bois sans croiser personne, mais ce jour-là, comme fait exprès, une moto s'avançait sur le chemin.
Je me suis mise sur le côté pour la laisser passer, mais elle s'est arrêtée devant moi. Le type a ôté son casque. Il était plutôt mignon, à condition d'aimer le genre voyou. Il m'a déshabillée du regard et m'a souri avant de parler :
-Salut ! Je ne t'ai encore jamais vue ici... Tu habites dans le coin ?
-Non, je vais voir ma grand-mère... ai-je répondu comme une bécasse.
Quelque chose au fond de ses yeux, une lueur ou je ne sais quoi m'a fait comprendre qu'il ne fallait pas trop en dire. Ce type-là était dangereux.
-Je m'appelle Lou, me dit-il avec un sourire encore plus large. Tu veux que je te dépose ?
-Euh... non merci. Je suis presque arrivée.
J'ai senti ses yeux fixés sur moi tandis que je m'éloignais, puis j'ai entendu la moto redémarrer et j'ai accéléré le pas. Il est passé en trombe près de moi et à filé droit devant. Là j'avoue, j'ai eu peur. Pas pour moi, mais pour ma grand-mère. Aussi pénible soit-elle, je l'aime bien quand même. Elle était toute seule chez elle... Dieu seul savait ce qu'une telle petite canaille pouvait lui faire ! La peur au ventre, c'est en courant que j'ai continué la route.
Comme je le craignais, la moto était garée devant la maison. J'ai attrapé une bûche et je suis entrée, décidée à lui casser la tête s'il avait touché un seul cheveu de mon aïeule... Il était étendu par terre, se tordant de douleur. Ma grand-mère se penchait sur lui en ricanant, sa canne à la main.
- Alors, petit salopiaud, lui disait-elle. Tu fais moins le fier quand on te tape là où ça fait mal !
C'est presque avec pitié que j'ai regardé ce pauvre Lou... Ma mémé, c'est sûr, il ne faut pas la chercher : elle est terrible !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sandra Sbaizero ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0