Un garçon près de la fenêtre

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Qu’il était triste, Quentin, ce samedi matin-là ! Il avait quand même réussi à s’extraire de son lit, mais le cœur n’y était pas !

C’était la première fois qu’il s’éveillait seul depuis huit mois… La veille au soir, une énième scène avait été le finale d’une jolie tragédie en un acte, dans le genre vériste, et il s’était fait plaquer dans les cris, les grincements de dents et les horions même… par une belle poupée dont il avait cependant compris, à cette occasion, qu’elle en voulait plus à son argent qu’à ses beaux yeux.

Il était riche, Quentin, et destiné à reprendre les entreprises de ses parents, auxquelles il était déjà associé, d’ailleurs, alors qu’il allait seulement terminer un doctorat…

Belle, bien foutue et aimant la baise, cette garce-là ! Et d’une famille pas totalement dénuée de pécune (mot fort ancien réutilisé par Alphonse Allais) non plus… Mais voilà : il venait de lui dire que le contrat de mariage concocté par ses parents ne lui donnerait aucun droit sur les biens de Quentin… et c’est à partir de là que les choses avaient dégénéré…

Certes, elle avait d’abord parlé de tout et de rien, au début, mais… in fine, c’était bien la question d’argent qui la chiffonnait. Oh ! Il ne doutait pas qu’elle reviendrait, car il restait malgré tout un parti enviable… et lorgné. Mais…

Mais ce matin-là, il était triste, Quentin, dans son appartement sis en un des anciens hôtels de sa famille, dans le vieux centre de la ville ; sa chope de thé en main, il avait été s’asseoir à la fenêtre pour songer devant l’antique façade qui lui faisait face : un hôtel un peu plus décrépit que le sien. Et vide depuis longtemps.

Et là… surprise ! Il vit un spectacle à ce point inattendu qu’il faillit en lâcher sa gamelle ! En face, la fenêtre était grand ouverte (on était début juillet), et il pouvait y voir un grand garçon, à peu près de son gabarit, se faire sucer par une drôlesse qui y allait de bon cœur !

Ce fut quand il ouvrit la fenêtre qu’il vit la scène, et que le mouvement attira le regard du grand sucé… qui lui sourit en lui faisant un geste de la main, même !

Quentin se recula vivement, mais l’autre lui refit un geste amical… et même, de la main, l’incita à mater.

Mi-intimidé, mi-honteux… et mi-excité aussi, Quentin regarda donc. Où il constata que l’autre ne le quittait pas des yeux Et puis… l’autre lui fit encore un geste de la main… indiquant qu’il avait à se branler.

Ce fut le cœur battant que Quentin reçut ce message, pensez ! Mais… le spectacle lui avait déjà donné une jolie ampleur dans le caleçon, et… au fond… Bref, il ne résista pas trop longtemps, posa son pot de thé et vira et t-shirt, et calcif… Et même, à sa propre surprise, il se leva pour monter son beau vit au voisin, qui se trémoussait sous les coups de langue de sa suceuse…et lui souriait largement.

On rappellera ici à ceux de nos lecteurs qui ne connaissent pas bien la ville que les rues du quartier ancien sont particulièrement étroites. À ce moment, le soleil tombait exactement dans l’axe de la rue, et l’on se voyait bien, très bien, même… Et Quentin se branla comme un exhibitionniste de carrière devant son nouveau voisin.

Qui ne tarda guère à prendre son pied, arrosant le minois de sa praticienne de longs jets blancs… tandis qu’une seconde plus tard, Quentin expulsait vivement son propre petit jus blanc par la fenêtre… sous le muet applaudissement de son voisin d’en face.

Honteux soudain, il se recula, mais l’autre dressa un doigt, d’abord, avant de le diriger vers la rue. Compris !

Cinq minutes plus tard, Quentin, vit la nana sortir de l’hôtel, alors qu’il sortait du sien. La demoiselle fut suivie presque aussitôt du garçon, un mec de toute classe qui lui fit la bise, sur le trottoir !

— Anne-François.

— Quentin.

— J’adore. Tu montes bruncher ?

— Hein ?

— Un p’tit brunch à deux, rassure-toi ! Tu viens ?

Quentin suivit, évidemment. Le garçon, un grand brun au teint pâle et à l’œil bleu était… fortement engageant.

L’appartement était du XVIIème et respirait une odeur d’ancienneté qui séduisit tout de suite Quentin, amateur d’antiquités, et d’anciennes beautés.

— On brunche au champagne, ou au café ?

— Oh, le café, à cette heure…

— Compris ! Tu m’aides à préparer ?

On descendit dans une cuisine que Quentin estima du début du XVIIème, une authentique splendeur où le maître des lieux sortit du frigo (fin XXème, lui) des tas de petites choses délicates et excitantes… qui firent dire à Quentin :

— Mais… pourquoi t’as pas partagé ça avec ta copine ?

— C’est pas ma copine, mais ma fiancée. Je la baise… parfois, mais je l’aime pas. Nos familles ont organisé ça, mais… Bon ! J’te fais pas chier avec des histoires idiotes ! Et toi, t’en es où ? Je vois que t’habites l’hôtel de Chantebourg : t’es de cette famille ?

— Hein ? Oh ! Non ! Je savais même pas… Je…

— Laisse tomber, j’m’en fous, de ces histoires de famille !

— Je suis de Palefroy.

— Ah ! Alors ça change tout, M’sieur ! Car nous sommes cousins !

— Hein ?

— Par les Chantebourg, justement fit Anne-François tout sourire.

Et qu’il était beau, ce sourire ! Et ce garçon continua :

— Alors mon cousin, il faut que nous fassions connaissance… d’autant plus que nous savons déjà l’un de l’autre des choses intimes !

Quentin dut sourire : c’est qu’il était craquant, ce mec !

Champagne, donc, et moult autres mignonnes choses, tandis qu’on parla d’abord de la famille, pour se situer — ça se passe ainsi, dans la noblesse.

Puis Anne-François demanda, tout à trac :

— Comment tu la trouves, ma suceuce ?

— Hein ? sursauta Quentin, peu habitué à un langage si direct. Ben… pas mal, oui…

— Sauf que tu sais pas comment elle suce ! Tu sais quoi ? Ça m’a bien excité quand j’ai repéré que tu nous matais… et je crois que c’est ce qui m’a fait jouir un max !

— Hein ?

— Ouais… Entre cousins… si tu me promets le silence…

— Bien sûr, dit gravement Quentin.

— C’est pas la suceuse de l’année. Ni même du siècle !

— Mais si elle te plaît ?

— Oh ! Ça !... Tu sais bien que dans nos familles, faut se marier parce que… et non parce que…!

— Oui, je sais.

On parla alors, beaucoup, et longtemps. Ces jeunes gens se trouvèrent vite des points communs… dont le principal était que leurs familles les pressaient de se marier.

— Putain ! Pourquoi y nous laissent pas baiser tranquille un maximum de temps ? demanda enfin Anne-François. Après on pourra toujours réunir les terres, les fermes, les châteaux… et faire des p’tits à la connasse du jour !

— T’as pas l’air d’apprécier ça, la connasse du jour, Anne-François ! fit Quentin, réjoui.

— Entre nous… mon cousin… t’aimes ça, toi ?

— Ben… fit Quentin, surpris, oui, oui… mais je dis pas que c’est toujours facile !

— C’est jamais facile ! Elles font chier tout le temps, et en plus, elles sucent mal ! Non, mais, j’te jure ! En plus, celle-là attend que ma couronne !

— Pardon ?

— Mon père est marquis. Elle serait du moins comtesse en attendant qu’il défunte !...

— Oh ! fit Quentin, stupéfait : dans sa famille, noble elle aussi, on ne voyait pas les choses ainsi.

— Est-ce que… deux choses : tu reveux du champagne… et tu accepterais de devenir mon ami, en plus d’être mon cousin ?

— Oui pour tout ! fit Quentin, à qui la mine étrange d’Anne-François avait donné le sourire.

Quelle bizarre situation ! Ce mec… inattendu était… si séduisant, dans son étrangeté ! Et si attirant, aussi !

— Je dois faire des courses en ville, dit soudain Anne-François. Tu viens dîner, ce soir ? On dit huit heures ?

Quentin sourit : cette opportunité lui ôterait sûrement de l’idée sa récente déconvenue. Anne-François lui fit la bise :

— À tout à l’heure, mon cousin !

Il avait à peine traversé la rue que son téléphone sonna : son ex. Il ne lut le message qu’arrivé chez lui… et l’effaça immédiatement.

Puis il se vautra sur la magnifique duchesse brisée Louis XV qui ornait son salon et soupira… Quelle drôle de rencontre, tout de même !

Oui, ça lui ferait du bien d’oublier cette coureuse de dot… qui l’avait maltraité ! Cette formule le fit sourire, d’ailleurs. D’autant que… selon toute apparence, Anne-François était en le même cas que lui.

Il voyait évidemment, lors des réunions de famille, ses innombrables cousins proches et lointains, mais… il n’avait d’intimité avec aucun. Là… il le trouvait drôle et attachant, ce garçon… Anne-François ouvrit grand la porte en clamant :

— Messieurs, le sire de Palefroy !

— Hein ? fit Quentin en ayant un petit recul.

— Entrez, Monseigneur !

— Mais… fit Quentin, presque effrayé.

Anne-François lui fit la bise et souffla :

— Je déconne : on n’est que tous les deux ! Ou tu aurais préféré ?...

— Non, non ! Ouf !

— Entre, mon cousin. Je me suis pas emmerdé, et comme je suis pas là depuis longtemps, je sais pas où sont les boutiques… Tu me diras ! Donc : j’ai prié un traiteur. Et ça m’a pas l’air mal ! Champagne ?

Quentin, complètement séduit par l’élégance et l’aplomb d’Anne-François, se laissa faire avec volupté… Oh, que ça le changeait de sa mégère ! (oui, c’est ainsi qu’il la voyait maintenant !)

On recausa famille, châteaux, vieille noblesse, et toutes ces sortes de choses… Où Quentin vit que si Anne-François les connaissait par cœur, il semblait avoir en tête une autre idée de la vie… Il n’en sut guère plus ce soir-là, où l’on se régala, le traiteur n’étant pas un débutant !

Mais… il avait à peine regagné ses pénates qu’un message d’Anne-François lui disait : « Tu me manques ! »

Il alla à sa fenêtre : de l’autre côté, Anne-François l’attendait, qui lui envoya des bisous de la main…

Le champagne fut sans doute pour quelque chose dans le fait qu’il eut du mal à s’endormir, ce soir-là… mais sûrement plutôt l’étrange et séduisante personnalité de son nouveau cousin, Anne-François de Bellebranche.

Au matin, il trouva un message : « Tu me fais visiter le quartier ? Et tu viens d’abord déjeuner ? Je t’attends. »

Quentin s’apprêta à toute vitesse et courut en face, sans se poser de question… Anne-François l’enlaça vivement et dit tout de suite, l’air réjoui :

— Ma meuf a été rappelée dans notre province… donc je suis plus de corvée de glandes avant un bon mois !

— Hein ? sursauta Quentin.

— Je voulais dire que j’aurai pas à la baiser, voilà ! Tu m’as bien dit que tu restais chez toi tout juillet ? Alors si tu veux de moi comme ami et cousin, et compagnon de vacances… je suis à toi ! fit Anne-François, rayonnant.

— Évidemment ! fit Quentin sans réfléchir.

— Merci ! fit Anne-François en venant poser un bisou juste au bord de la bouche de son cousin… avant de le regarder dans les yeux, gravement.

On organisa vite fait le programme du jour, et des suivants. Anne-François voulait tout savoir… qui en savait déjà beaucoup. Quentin fut cependant sensible au fait que ce jeune homme ne se mettait jamais en avant, au contraire ! Anne-François ne cessait de lui poser des questions… jusqu’à celle-ci, dans la rue :

— Est-ce que… t’as d'jà… fait l’amour avec un mec ?

— Ah non, non !... Et… toi ?...

— Ben… non… pas encore.

Le cœur de Quentin se mit à battre un peu fort : qu’y avait-il à entendre, en cette question… et surtout en cette réponse ? Est-ce que… Anne-François ?...

Celui-ci le pria soudain en un joli salon de thé au somptueux décor à l’ancienne… et qui s’avéra gay.

— Oups ! J’avais pas vu l’ambiance ! dit Anne-François, on sort, s’tu veux ?

— Chuis pas gêné… Toi ?…

— Un peu gêné de t’avoir mené là, mais… on reste !

Alentour les mecs, par deux ou trois, se tenaient la main, se parlaient à l’oreille, se bécotaient aussi… Il y avait d’ailleurs aussi des couples de filles.

— On vous sert quoi, les garçons ? demanda le serveur.

— Peut-être… fit Quentin.

— Vous avez du champagne ? coupa Anne-François.

On trinqua donc auprès d’un joli tas de petits fours…

— Quentin… commença Anne-François, l’œil bas, quand je te compare à ma connasse, j’ai l’impression d’avoir toujours attendu quelqu’un comme toi. Je suis pas gay, mais… t’es incroyable, Quentin. Tu crois que… on peut aimer un garçon quand on n’est pas gay ?

Quentin frémit de tout son être ; il retint ses larmes de justesse et parvint tout de même à articuler :

— Ta question est idiote. Si tu aimes un garçon… alors cette question n’a pas de raison.

— Je sais pas. Je voudrais… essayer. Avec toi.

— Oh ! Je sais pas non plus… Avec moi… tu veux ?

On se regarda alors… et les larmes roulèrent de bon cœur sur les joues de ces jeunes Messieurs ! On changea alors radicalement de sujet et l’on termina les bulles dans la joie… avant de commencer la vie dans l’émotion.

Aux dernières nouvelles, ça se passe bien, dans les vieux hôtels de la ville… Et… oui, il semble qu’on puisse aimer un garçon, si l’on n’est pas gay !

2020

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