La mobilisation

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Un été radieux, la rivière, l’eau fraîche et des tentes éparpillées sur l’herbe rase de la berge. Une vision idyllique ! José sortit de l’eau en grelottant, et marcha maladroitement sur les galets en direction de sa serviette de bain. Bien vite, le soleil réchauffa sa peau. Avant de s’allonger pour quelques minutes de farniente, il regarda vers le camp. Il y avait un attroupement près de la tente du chef de camp. Là où d’habitude, les cris et les rires fusaient généreusement, ses copains écoutaient les paroles du chef dans un silence improbable. Il y avait dans l’air une ambiance lourde. Le chant des oiseaux, le bruit du vent dans les branches des arbres, prirent une acuité singulière. Une présence sauvage.

Alarmé, José se leva, et s’habilla à la hâte. Il courut vers l’attroupement. Le chef avait le visage grave :

— Bon, je résume. Nous sommes en guerre. Je l’ai appris il y a à peine une heure. Nous sommes tous mobilisés. Nous allons nous battre, nom de Dieu et leur botter le cul jusqu’en enfer.

— Mais protesta José, nous sommes des enfants !

— Hé alors, hurla le chef, tu vas laisser ton pays aux mains des sauvages sanguinaires qui vont déferler sur ta ville ? C’est ça ?

José préféra ne pas insister. Il n’avait jamais entendu le chef parler aussi grossièrement. Tout autour de lui, ses copains avaient pris un air vengeur. Pas envers lui, José, mais sans doute contre les Ennemis. Il se tourna vers un de ses copains de tente, un grand avec lequel il s’était souvent disputé.

— Qu’est ce qui se passe, Alex, enfin, souffla-t-il ? C’est qui, qui nous envahit ?

Mais avant qu’Alex n’ait pu répondre, le chef repris la parole.

— Je vous laisse. Je vais aux nouvelles. Alex sera mon bras droit. Obéissance et courage ! La victoire sera notre.

— Oui chef ! hurla Alex. Allez, tous autour de moi, continua-t-il plus calmement. Nous allons tailler des gourdins et fabriquer des frondes.

— C’est qui ces ennemis, persista José. Et pourquoi t’es sous-chef ? Hein ?

— On sait pas qui c’est. Ferme ta grande gueule José où ça va mal finir pour toi.

José recula d’un pas, et garda un silence horrifié. Des enfants avec des frondes et des bâtons contre des ennemis non identifiés. Mais qui était devenu fou ? Il était prêt à croire que c’était lui qui avait perdu la raison.

— Comment on t’appelle, alors s’enquit un petit, t’es un général ?

José émit un rire sardonique, grinçant, comme ceux des méchants dans les vieux films de guerre.

— Les galons, je m’en fous ! explosa-t-il, je suis adjoint au chef uniquement pour être au premier rang quand ça bardera. Alors appelez-moi comme vous voulez. Obéissez aux ordres et fermez vos gueules.

Mais José n’avait pas attendu la réponse d’Alex. Il filait aussi vite qu’il pouvait, loin des fous qui voulaient entraîner des enfants dans une guerre idiote. L’été radieux, la rivière, l’eau fraîche, tout ceci s’éloigna. L’enfance de José était finie.

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