Papa
Il fallait que j'aborde ce sujet. Je ne l'ai jamais fait ailleurs. C'est peut-être un passage obligé.
Mon père n'était pas très grand. Il était un peu plus beau que moi. Il portait fièrement la même attitude que son père. Il n'y avait pas de douceur en lui. En tous cas, il ne la montrait pas. Il était gentil et sauvage en même temps. Je ne savais pas bien me comporter avec lui.
Il avait bien vu que j'étais une petite personne très intelligente. Un jour, il m'a fait trier les résistances d'un amplificateur hi-fi qu'il était en train de construire. Je n'ai pas fait d'erreur.
Mais le plus obscur de mes souvenirs c'est une partie de pêche en Normandie, une nuit d'hiver. Bon sang, quand j'y pense, j'étais vraiment tout petit. Il y avait quatre garçons. Mon père, le sien, son frère et moi.
Une vague explosait toutes les minutes contre la digue et moi je pissais de froid. Les hommes ne faisaient pas grand cas de moi. Ils sortaient des anguilles à tour de moulinet, sans arrêt. Ils étaient venus avec la lune, juste pour ça. Papa m'a demandé si j'allais bien. J'ai compris cette nuit là que je n'aurai jamais peur des éléments.
Nous sommes retourné chez nous, le plein de poisson. Le père de mon père à cuisiné la plus ineffable soupe de ma vie. Quand je suis un garçon, je pense à eux, à leur force, à cette soupe chaude, au goût d'hiver en Normandie.
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