Prologue (Lisandre)

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«Toi qui vis 2000 ans plus tard, fuis, fuis le plus loin possible. Ce monde dans lequel tu vis, détruis le, ou c'est lui qui te détruira. »

Cette voix pleine d'assurance résonna dans ma tête pendant plusieurs minutes. Sûrement un rêve. Au moins, pour une fois, ce n'étais pas ce cauchemar trop familier. Je ne pense pas que je le supporterais aujourd'hui, le jour où les étudiants Midrions étaient diplômés ou non. Je me réveillai alors en sursaut, des souvenirs bien trop douloureux refaisant surface. Je les enfouis le plus rapidement possible au fond de mon esprit, les ignorant. Ce n'étais pas le moment d'être faible.

L'horrible lumière du jour filtrant à travers le rideau gris de ma chambre me sortit brutalement de ma rêverie. Je ne pouvais pas me permettre de rester sans rien faire. J'avais une mission à accomplir, un rôle à jouer dans la chute de l'ennemi. Pour Enora, je devais être fort, bien plus fort.

Je me préparai donc en vitesse pour être présentable, non sans ranger rapidement ma chambre. J'avais horreur de la saleté, elle me rappelait une époque que je préférais oublier. Une fois propre, je revêtis un pantalon noir et une chemise blanche. J'hésitai à ajouter une cravate noire pour avoir un air plus professionnel, mais me rétracta. Je n'étais pas assez important pour cela. Je devais juste faire bonne figure.

Je croisai alors mon reflet dans le miroir. Inévitablement, mon regard se posa sur mon iris jaune factice, non d'un bleu froid comme celui de droite, et la longue cicatrice qui s'étendait de mon œil de vers à l'arrête de mon nez. Elle me répugnait. Cette marque était la preuve de mon incompétence et de ma lâcheté. Les filles disaient souvent que cela me rendait plus beau, mais je n'étais pas du même avis. Que savaient-elles de moi ? Rien, rien du tout.

Je secouai la tête pour sortir de mes pensées. Si je me regardais trop longtemps dans le miroir, je serais tenté d'enlever mon œil factice pour me rappeler ma véritable apparence. Ce serait sans fin et je ne pouvais pas perdre de temps. Je plaquai alors mes cheveux en arrière avec du gel pour éviter de les laisser en bataille comme d'habitude. Désormais, j'étais présentable, j'avais caché ma laideur extérieure.

Je descendis alors dans le salon, croisant mon père sur le canapé, un journal à la main. Sûrement se tenait-il au courant de l'évolution des événements entre Midrios et Enora. Après tout, l'incident de la semaine dernière avait causé énormément de tension. Je le saluai avec respect :

- Bonjour père, comment allez vous ?

Il me regarda du coin de l'œil mais ne dis rien. Je ne lui en voulais pas, c'était un grand homme et il avait toutes les raisons du monde de me haïr. Quel héros de guerre voudrait avoir un fils aussi empoté et lâche ? Une progéniture si dégradante qu'elle en venait à ternir de nom de sa lignée ? Aucun. C'était légitime.

Je sortis alors de la maison, sans déjeuner. Je n'avais pas l'habitude de le faire, cela ne me dérangeait pas. J'avais plus important à faire. Me rendre à la troupe des guerriers du nord pour mon entraînement quotidien. J'avais déjà eu une semaine de repos, c'était suffisant. Peut-être même que je recevrais une nouvelle mission si je faisais mes preuves en combat. Cette fois-ci, je ferais couler le sang des Midrions, quitte à perdre la vie. Ils devaient être arrêtés.

Alors que j'étais pratiquement arrivé à destination, une alarme bien trop familière sonna dans toute la ville, signalant la présence de monstres à proximité. Devrais-je aller les éliminer, quitte à être en retard ? La question ne se posait même pas. Pour moi, le bien être des Enoriens passait avant tout, même ma dignité.

Je me mis alors à courir dans la direction opposée, suivant la symphonie des explosions et des cris de frayeur. À leur entente, j'accélérai davantage. Si un habitant était blessé parce que j'étais arrivé trop tard, je ne me le pardonnerai jamais. Je tournai alors au coin de la rue, tombant nez à nez avec l'instigateur de toute cette pagaille. Il s'agissait d'une créature difforme au corps noir et... transparent ? Elle me toisait de ses trois yeux sans vie. De quel type de monstre pouvait-il bien s'agir ? Qu'importe, la sécurité des citoyens passait avant tout.

Je fis apparaître dans ma main un labrys et me jetai sur mon ennemi, parant une de ses attaques qui menaçait de toucher un habitant effrayé. Je le connaissais, il faisait partie du conseil ! Je lui criai :

- Fuyez ! Je m'en occupe !

Ni une ni deux, l'homme s'exécuta et pris ses jambes à son coup. Maintenant venait le moment le plus difficile : surmonter ma peur, ma lâcheté. J'avais agi par réflexe, instinctivement pour protéger les habitants, mais quoi que je fasse, je restais un poltron. Je n'avais aucune chance contre une créature qui m'était encore inconnue. Je continuai de parer des coups tandis que mes pensées dérivaient inévitablement.

J'expirai un souffle tremblant, tentant de stabiliser ma respiration. Mon cœur tambourinait affreusement fort dans ma cage thoracique, à tel point que je crus qu'il allait en sortir. De toute façon, j'arriverai en retard au repaire de la troupe des guerriers du nord. Jamais ils ne m'accorderaient une mission hors d'Enora. Qu'avais-je à perdre ? Rien du tout. Mon père ne serait pas le moins du monde attristé de ma perte, au mieux, elle enlèverait un poids de ses épaules. Autant me lancer à corps perdu dans la bataille !

Je balançai alors ma hache de gauche à droite de toutes mes forces pour trancher le monstre en deux. Hélas, ma lame passa à travers son corps, sans le toucher. Je répétai l'opération de nombreuses fois, en vain. J'eus finalement une idée. Peut-être que si je crevais ses trois yeux, son point faible se révèlerait à moi.

J'enchaînai donc les attaques tranchantes avec vivacité jusqu'à atteindre ses trois globes oculaires. Une fois tranchés, une substance verte nauséabonde s'en échappa en grande quantité. De l'acide ! Je réussis à l'esquiver au dernier moment, par chance. L'état pitoyable du sol devant moi m'avait alerté à temps.

Heureusement, je voyais maintenant très clairement comment battre cette créature. Une petite pierre violette était apparue à l'emplacement de son troisième œil. Son corps était également devenu rouge et de la fumée s'en échappait. Mon instinct me cria de reculer. Il préparait une contre attaque !

Sa vitesse décuplée, il passa aisément derrière moi et décocha un puissant coup de poing dans mon dos, m'éjectant dix mètres plus loin contre un bâtiment. Mon corps percuta violemment l'habitation avant que je m'écrase face contre terre, ou plutôt le bitume. Tous mes muscles étaient affreusement douloureux, mais je me relevai difficilement, m'appuyant sur ma hache. Je devais gagner, coûte que coûte !

J'utilisai alors un sort pour augmenter ma vitesse, une honte pour un guerrier Enorien, n'étant censé se reposer que sur sa force brute. L'usage de cette magie était une preuve de faiblesse, mais soit. J'arrivai désormais à me déplacer à la même allure que le monstre. Nous nous échangeâmes une pluie de coups puissants pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que je la vois, l'occasion que je cherchais.

D'un coup de pied, je balayai son bras avec lequel il se protégeait et tranchai d'un coup de hache la pierre violette, son point faible. Celle-ci se brisa en mille morceaux et le monstre se désintégra. Je m'écroulai alors au sol, épuisé, mes plaies saignant abondamment. Petit à petit, ma conscience s'estompait jusqu'à ce que tout ce que je vis fus un noir abyssal.

Je restai dans cet état longtemps, trop longtemps, même si je n'avais aucune idée du temps qui passait en ce moment même. J'avais l'impression que mon corps flottait dans le vide, c'était une sensation pour le moins étrange. Soudain, une voix qui m'était familière résonna dans ma tête. C'était celle de mon rêve ! Elle dit :

- Trouve la. Vous êtes-

La voix n'eut pas le temps de finir sa phrase, comme si la « communication » était coupée. Pourtant, pendant son monologue, je pus apercevoir l'image d'une jeune fille aux longs cheveux blonds noués en une couette, et aux yeux bruns encadrés par une paire de lunette noir. Ce qui me troubla fut le décor derrière elle. C'était les rues d'une ville de Midrios !

Elle était donc mon ennemie. Peut-être la voix voulait-elle me demander de l'éliminer. Elle devait être la clé pour faire tomber son pays. Je n'eus pas le temps de penser davantage, me réveillant en sursaut dans un lit. Je reconnus immédiatement la pièce dans laquelle j'étais. C'était ma chambre au dortoir de la troupe des guerriers du nord !

Mon responsable, Neyton, était dans la pièce avec des guerriers qui m'étaient inconnus. C'était un vieil homme bourru et au pragmatisme effrayant. Il souffrait de calvitie et possédait des petits yeux noirs froids. Sa longue barbe blanche descendait presque au niveau de ses épaules. Malgré sa vieillesse, il conservait une habilité époustouflante à la hache. Me toisant du regard, il prit alors la parole d'une voix rauque :

- Lisandre, est-ce bien toi qui as abattu le monstre dans la ville ?

Avec ses un mètre quatre-vingt dix-huit, il en imposait tellement que j'osai juste hocher légèrement la tête. Il reprit :

- C'est bien ce que je pensais. Cette créature avait la puissance d'un monstre de classe A, et nous était encore inconnue. Le conseil a donc décidé de saluer ton courage en te confiant une mission d'infiltration sur Midrios.

Je n'en revenais pas. Le monstre que j'avais affronté était si dangereux ? Certes, mon torse entier était couvert de bandages en raison de mes blessures, mais tout de même ! Je ne pouvait pas l'avoir battu, j'étais bien trop faible pour cela. Je n'étais pas légitime à remplir une mission à Midrios, le principal point chaud du conflit. Pourtant, je n'osais pas contredire mon maître. Il me l'aurait certainement fait regretté avec une prise dont il avait le secret. À la place, je cherchai à en savoir plus :

- Quand devrais-je y aller ?

- Dans deux semaines. Tu passeras l'épreuve de rattrapage pour obtenir ton diplôme de l'académie de magie continentale. Ensuite, tu infiltreras Katakton pour révéler les véritables plans de l'ennemi. Pendant ce temps, tu t'entraîneras à la magie Midrionne pour faire illusion.

Je n'en revenais décidément pas. J'allais vraiment avoir une chance de mettre fin au conflit ? De protéger activement mon peuple, de venger ma mère tout en anéantissant Midrios ? Cela semblait trop beau pour être vrai. Un rictus s'étira alors sur mes lèvres. Ils payeraient, quoi qu'il m'en coûte...

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