Elle est tiraillée entre l'envie de s'emmitoufler sous la couette et regarder ce qu'il vient de se passer. De toute façon, se cacher ne lui servira à rien. Elle s'avance vers le bord du lit en retenant sa respiration. Le monstre n'est pas en bas des marches. Elle voit, coller à la fenêtre, secouant la tête, étourdi.

Il bondit d'un coup. Célestine hurle, la bête aussi. L'enfant brandit par réflexe le miroir qui renvoie le souffle dévastateur à son propriétaire qui part en arrière, traverse la vitre et disparaît à la vue de la blondinette.

— J'ai... J'ai réussi ? s'étonne-t-elle à haute voix.

S'armant de tout le courage dont elle dispose face aux coups qu'elle renvoie enfin à son persécuteur, Célestine descend l'échelle, s'approche prudemment de la fenêtre dont le verre brisé a explosé à l'extérieur de la maison. Elle penche la tête par dessus le parapet. Le monstre est là, toujours vivant mais très affaibli. Célestine n'a pas le temps de penser qu'il saute vers la fenêtre activant son souffle. La fillette brandit son arme et le monstre retourne à toute vitesse vers le sol. Un bruit mat. Puis le silence.

Soudain, des bruits de pas. Dans le couloir.

Ses parents entrent :

— Célestine, ça va ? On entend un sacré raffut depuis notre chambre. Un de tes cauchemars ?

— Regardez, il est là ! s'écrit-elle en pointant le massif de fleurs.

Le père et la mère s'approchent et découvrent un petit nuage s'évaporant dans l'air.

— Du brouillard, s'étonne son père endormi.

Sa mère fait de grands yeux.

Célestine se réjouit, elle a enfin compris !

— La fe... La fenêtre ! Célestine ! Comment ? commence à s'emporter sa mère.

— Je... J'ai fait une crise de somnambulisme, dit-elle penaude, la pointe du pied frottant le sol tandis que ses doigts tortillent nerveusement son haut de pyjama. Cela va-t-il fonctionner ?

— Ma biche ! Cela aurait pu être très grave !

Sa mère est blême, tout comme son père. Ils l'enlacent avec force, les larmes aux yeux. Il lui propose un chocolat chaud avec du miel. Célestine hoche la tête, elle aura ainsi le temps de reprendre ses esprits.

Un sentiment de fierté l'envahit tandis que ses parents descendent les marches.

Elle a réussi !

Elle entend des bribes de conversation.

— On aurait pu la perdre ! s'exclame sa mère en tentant d'être discrète, des trémolos dans la voix.

— On va sécuriser la fenêtre. J'ai entendu parler de l'acupuncture pour soigner les crises de somnambulisme. Mon collègue a essayé pour son fils et les crises sont disparues du jour au lendemain.

— J'appelle demain !

Elle n'a pas souvent entendu ses parents aussi inquiets. Pourtant, en son for intérieur, Célestine est en fête : elle a vaincu le monstre. Seule. Elle n'a plus à avoir peur.