II. D'un bleu flamboyant / 1
Le transporteur atteignit Ridalia en un quart d’heure à peine.
Au sommet, la pluie glaçante s’était transformée en neige, couvrant la végétation d’un manteau blanc. L’étendue de la plaine était tapissée de cristaux de roche géants. Plusieurs bassins d’eau chaude étaient creusés naturellement entre les roches de cristal. La plaine brillait de mille éclats au milieu des fumées. Il y a encore quelques semaines, ne nombreux voyageurs fréquentaient ces lieux profiter en quête de paysages idylliques et des vertus thermales des eaux. En ces jours sombres, le site était désert.
Le transporteur se déposa à proximité d’une grande bâtisse aux volets fermés. Il s’agissait d’une pension qui en temps normal accueillait les curieux de passage.
Accompagné de Tréviane, Caelan sortit du petit vaisseau. Au même moment, la porte de l’édifice s’ouvrit et un vieil homme trapu apparut, alerté par le bruit.
— Bénis soient les gardiens, des Venoris ! Vous venez enfin nous débarrasser du mal qui ronge la plaine ? s’enquit le vieillard visiblement soulagé et invitant les deux hommes à entrer. Je suis Gidriel Monterion. Entrez donc !
À l’intérieur, une dizaine de personnes discutaient, l’air sombre. Ils se turent en voyant les visiteurs débarquer.
— Les derniers habitants de Ridalia, annonça Gidriel avant de se retourner et hurler en direction de la cuisine. Narriel ramène donc un peu de Brebek du pays.
— Ce n’est pas la peine nous ne restons pas, intervint le Commandant. Nous avons quelques questions à vous poser.
— Hey, si je ne m’abuse vous êtes bien Commandant ? brailla l’aubergiste pointant du doigt la boucle accrochée à son uniforme.
Sans attendre la confirmation de Caelan, Gidriel s’inclina.
— C’est un honneur de vous recevoir. Permettez-moi de vous offrir ce que je fabrique de mieux, c’est la moindre des choses ! insista l’aubergiste en s’inclinant devant son invité de marque.
Au même instant, une jeune femme apporta un plateau sur lequel étaient déposés trois verres et une carafe contenant une mixture d’un blanc laiteux. En croisant le regard des venoris, elle laissa échapper un gloussement et se précipita à nouveau vers la cuisine en abandonnant le plateau sur une table. Le vieillard ricana, prit la carafe et servit le breuvage.
— ‘Scusez-là, je crois qu’vous l’impressionné, bredouilla-t-il avant de tendre les verres à ses invités. On ne voit pas beaucoup de venoris, vous savez. Ridalia est un village tranquille habituellement. (Il leva son verre, pas peu fier de saluer ces braves guerriers) Allez, à votre santé !
Les deux officiers levèrent à leur tour leurs verres et burent cul sec.
— Gidriel, je dois vous le confesser, votre Brebek est un délice, s’exclama Tréviane en se léchant les babines.
— Qu’est-ce que vous pouvez me dire à propos des événements qui se trament dans la mine ? demanda Caelan après avoir vidé son verre.
— Il y a un mois, je suis certain que deux Danariens ont franchi le pas de mon auberge. Ça m’a glacé le sang. J’ai cru que mon heure avait sonné. Au final, ils m’ont juste demandé de leur raconter l’histoire de la mine, et surtout du pic rouge. Ils ont payé leurs consommations et sont partis. Quelques jours plus tard, les fulminations débutaient.
— Le pic rouge ?
— Le pic rouge, souffla Gidriel d’un air complice, comme s’il s’attendait à ce que ses hôtes soient au fait.
Voyant que l’aubergiste gardait le silence en souriant, Caelan tourna son regard vers Tréviane afin de voir s’il avait manqué une coche. L’Agent semblait aussi confus que lui.
— Vous ne connaissez pas l’pic rouge ? brailla l’aubergiste étonné.
Sa peau déjà parcheminée se froissa davantage, mais à vrai dire, il était content d’avoir la chance de raconter le récit sur la découverte du Pic rouge.
Il débuta son histoire en abordant son grand-père de cinquième génération qui avait fait partie des pionniers. Puis, il enchaîna sur la taille démentielle des tunnels qui s’enfonçaient sous leurs pieds et la richesse incroyable de sageonite et autres métaux exploités par des générations de mineurs.
Il finit enfin par en venir au fait et révéla que le pic rouge était considéré comme sacré et voir magique. Il avait été découvert dans l’une des nombreuses chambres de la grotte aux paroi tapissées de quartz. De temps à autre, le pic rougeoyait sans explication. Cette particularité avait fait dire aux superstitieux que le pic était le cœur de la montagne. Le pic rouge était en réalité composé de sageonites de feu. Plus rare et donc plus précieuse, la sageonite de feu octroyait davantage d’énergie par rapport à sa forme commune aux teintes opalescentes. C’est cette forme rouge de sageonite qui avait batit la réputation de Tremblane.
Même si le récit avait traîné en longueur, Caelan remercia l’aubergiste pour ces informations, il savait désormais quelle direction prendre.
— Si je peux me permettre d’ajouter une chose, ils m’ont paru très confiants pour des Danariens en terre ennemie, reprit l’aubergiste qui ne semblait pas vouloir laisser partir ses hôtes.
Les Danariens étaient depuis longtemps chassés et n’étaient pas connus pour être organisés. La compétition entre eux les empêchait de former une véritable communauté. On trouvait rarement plus de dix individus ensemble. Cependant, ils continuaient irrémédiablement à sévir malgré l’intervention de l’Ordre venori.
Puisque seul l’aubergiste avait des informations utiles, les venoris quittèrent la bâtisse en remerciant une dernière fois leur hôte, ainsi que sa fille qui était réapparue. Le vieillard sourit fier d’avoir pu rendre service aux venoris puis referma la porte pour chasser le froid. Les deux amis se jetèrent un regard complice puis entrèrent dans le transporteur.
— Elle était plutôt mignonne, chantonna Tréviane à peine assis à sa place.
— Qui ? s’exclama Caelan
— À ton avis ?
— De toute manière, tu sautes sur tout ce qui bouge, éluda Caelan.
Tréviane éclata de rire avant d’enchaîner :
— Pas du tout, je m’attarde juste sur les plus charmantes et puis au moins, je profite de la vie.
— Rappelle-nous combien d’enfants tu as, Tréviane ? intervint Lumia qui suivait la discussion.
Tréviane se pencha pour croiser le regard de Lumia assise deux sièges plus loin :
— Je prends mes précautions, madame ! Ce n’est pas parce que j’aime la bonne compagnie que les règles dérogent !
— Chez nous, à Vinter, une fois qu’on a trouvé la femme de sa vie on ne la quitte plus. C’est chimique, l’amour vous tombe dessus sans prévenir. C’est un attrait si fort que personne ne peut y résister. On ne peut pas en dire autant des humains ! Vous êtes trop compliqués ! intervint Béruc assit en face.
C’était la énième fois qu’il racontait cette particularité ascore et c’était probablement l’un des uniques sujets qu’il abordait sans broncher.
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