— Que s’est-il passé, Istovir ?

Une voix rauque, à la fois féminine et masculine raisonna dans la pénombre omniprésente d’une salle dont les murs étaient humides et rocailleux.

 — Vénéré Mephrine, votre venue a été perturbée par les Venoris, expliqua Istovir contrarié. J’ai réussi à vous mettre à l’abri juste à temps.

 — …Mais encore ? Quelque chose d’autre est arrivé en même temps que moi. J’ai senti un puissant pouvoir dans ces lieux, comme je ne l’avais pas ressenti depuis…, Mephrine s’interrompit.

Ce détail, il ne voulait pas en parler. Il observa son lugubre environnement pendant qu’Istovir tenta de se justifier :

 — Je ne sais pas qui elle est. Tout s’est passé très vite. Nous invoquions le catalyseur pour votre venue au moment où tout a dégénéré.

 — Istovir, découvre qui a perturbé mon arrivée. Trop longtemps le voile a été mon entrave. Aujourd’hui, je suis enfin là et je ne veux pas de mauvaise surprise.

Istovir baissa la tête en signe d’acquiescement, c’était également un bon moyen d’éviter de croiser le regard de l’ombre imposante.

 — J’enquêterais personnellement sur cette femme. Une grande majorité de Danariens répond à vos ordres désormais. Vous êtes l’espoir que nous attendions depuis des lustres.

Mephrine hocha sa tête. Il considéra Istovir avec nonchalance.

 — Oui…, comme beaucoup d’autres. Maintenant, dis-moi où je suis.

 — Nous sommes toujours dans les mines, avoua le Danarien. Dans les profondeurs inexplorées.

 — Nous sommes donc exposés aux menaces…, rétorqua Mephrine qui semblait parler surtout pour lui-même.

 — Les Danariens savent se cacher depuis des générations, ce n’est pas un problème, annonça Istovir tentant de rassurer son idole.

 — Forteraine fera l’affaire, marmonna Mephrine en attrapant son pendentif et ignorant sciemment la remarque du Danarien.

 — Forteraine ? s’enquit le Danarien pas certain de comprendre.

 — Ce vaisseau est l’abri le plus sûr, c’est le mien.

 — Et où est-il ?

 — Avec moi, éluda Mephrine avant de scruter son interlocuteur.

Comme tous les Eforis, Istovir était beau, bien que son visage violet pastel révélait ses premiers signes de l’âge. Il était d’un âge avancé, c’est indéniable, mais ces traces, il les devaient surtout à sa condition de danarien.

 — Pourquoi ne me regardes-tu pas ? reprit-il quelques secondes plus tard.

Le Danarien parut gêné et s'efforça de le masquer.

 — Je ne suis pas en train de vous éviter, je…, bafouilla Istovir qui gardait les yeux rivés sur le sol terreux.

 — Regarde-moi ! rugit Mephrine. Je t’intimide tant pour que tes yeux se détournent de mon visage ?

Istovir cherchait à contrôler son effroi. Il mit un certain temps avant d’oser croiser le regard de l’entité et ce qu’il vit le déstabilisa. Rien de ce qu’il avait vu dans sa longue vie ne ressemblait à ce qu’il voyait en ce moment.

 — Non, au contraire, votre beauté me brûle les yeux, bredouilla Istovir en baissant à nouveau la tête.

Et c'était vrai.

Mephrine sous sa capuche demeura. Un être indescriptible pour celui qui ne l’avait jamais vue. Il reprit la parole posément :

 — L’inconnu fait peur, Istovir. Aroda continu à errer dans les cendres de l’Ancien Monde et dans sa solitude, il a engendré. Aucun mot ne peut décrire ce que je suis, car je suis la descendance d’Aroda.

Istovir ne répondit rien. Les propos de Mephrine étaient peu compréhensibles et pour l'heure, il n’osa pas demander plus de détails. La seule chose qui l’intéressait aujourd’hui, c’est que lui et ses défunts soeurs et frères avaient réussi à ramener Mephrine, un espoir qui mettra un terme à leur tourment.

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