Il n’était pas une fois, mais bien autant de fois qu’il est d’humains sur terre. C’est celui que tout le monde doit connaître, mais que certains ratent plus d’une fois au détour d’un chemin. Il devient alors l’être manquant, mystique, magique, qu’on se plaît à imaginer dodu et sympathique. Ceux qui ont eu cette chance de le voir et de lui parler s’en rappellent.

Il est toujours debout, à nous attendre, parce qu’il est patient. Quand on lui demande une histoire, il la raconte avec des étoiles dans les yeux. Les meilleures, ce sont celles où il glisse sur une neige chaude et dorée, enfourchant un traineau, en compagnie d’un roi qu’il a osé aborder lors de ses voyages. On aime ses récits, qui nous donnent envie de le suivre, mais on ne peut pas les vivre parce qu’il l’a déjà fait sans nous. Pourtant, il met tout en oeuvre pour nous emmener partout, nous faire rêver et croire aux contes de fées ou à la petite souris. Ainsi, on a nous aussi des choses à raconter.

C’est celui qui nous a vu naître et nous a pris dans ses bras tendrement pour nous chérir. C’est un homme, avec ses défauts, qu’on pense tout puissant lorsque l’on est enfant. Il nous réchauffe les mains avec une poignée de châtaignes, celles qu’il nous a aidé à ramasser en combattant ses craquements de dos. C’est lui-même qui porte le sac de ces souvenirs communs et c’est à lui qu’on jure de porter secours si la charge devient trop lourde pour ses larges épaules.

Il soulève aussi sa bedaine, remplie de bonnes choses qu’il nous a fait goûter. Veut-il nous donner son gros ventre ou simplement partager ses péchés mignons ? Cette question, nous ne la posons à nos parents que quand les choses sérieuses nous rattrapent. Et ces choses que nous n’aimons pas petits, il les fait fuir. Lui aussi a peur des araignées, mais il chasse celle qui nous embête d’un revers de main pour se concentrer sur ce gâteau d’anniversaire sorti du frigo. Parce qu’il sait cuisiner, ce bonhomme à la moustache entortillée.

Il prend soin des lutins et lutines qui gigottent autour de lui et ne pense que rarement à sa personne. Noël, pour celui-ci, c’est un moment de don. Il ne pense qu’au bonheur de son prochain et particulièrement à nous, qui attendons minuit avec une impatience infondée. Évidemment, on sait qu’il n’est pas passé par la cheminée ; il n’y en n’a pas dans l’appartement de maman ! Avant le repas, on a guigné dans l’armoire et on a admiré ces beaux paquets argentés. Dessus, on pouvait voir nos noms sur les cadeaux, dessiné d’une écriture chiffonnée, comme sa voix quand il n’est pas content.

Oui, cela lui arrive et tandis qu’il se fâche très fort, nous comprenons nos erreurs. Heureusement, il ne s’énerve pas souvent, parce que nous sommes spéciaux pour lui. Du coup, nous pensons davantage à son sourire, lumière que seule celle de Noël sait égaler. Et ceux qui l’ont côtoyé savent que cette fête est belle et bien éclairée parce qu’il existe.

Assis au bout de la table, il fait vadrouiller ses yeux fatigués mais pleins de bonheur, en rigolant à ses propres blagues. Le vingt-cinq décembre à minuit zéro-un, quand nous ouvrons ses cadeaux, c’est un morceau de son coeur que nous recevons. Oui, nous le garderons aussi précieusement, ce présent-ci.

Ce présent que nous avons partagé avec lui, dans des tasses géantes qui tournent, des labyrinthes faciles à élucider à ses côtés ou dans un bateau pirate nous entraînant au pays des malfrats, on s’en rappellera toujours. Qu’il s’agisse de légendes ou de faits, il n’y a qu’avec lui qu’on peut les partager. Sans jugement, sans regrets, juste parce qu’on l’aime et qu’il nous aime en retour.

Là où nos souhaits allaient sur l’ouverture des paquets à l’époque, ils vont désormais sur une forte envie de le revoir. Ce Noël, on se souvient qu’il était assis là-bas, à faire « Click, clock, click, clock » pour chanter cette chanson. Et maintenant, on ne fait qu’attendre le moment où il descendra du ciel.

Le Grand-Papa Noël.