Chapitre 43
MATT
Je démarre le contact de la voiture, mes mains moites glissent sur le volant, j'évite de laisser mes gestes saccadés prendre le contrôle sur mes actions, Lélia à ma droite ne cèsse de pleurer et de se moucher bruyamment, il faut que je reste présent pour elle afin de l'accompagner au mieux dans cette épreuve douloureuse.
- Chérie, si tu as changé d'avis, je fais demi-tour et je passe un appel pour l'annulation. Murmurai-je d'une voix rassurante. Tu ne dois rien à ta soeur et quelle soeur ferait ça sérieux ? (Je passe ma grosse main sur sa joue, les larmes coulent mouillant ma main). Je sais au fond que ce n'est pas ce que tu veux.
- Matt, j'ai pris rendez-vous et c'est aujourd'hui, je vais aller jusqu'au bout. Me confirme t-elle en pleurant à chaude larmes.
- Bien comme tu veux, en tout cas je ne te lâche pas, je serai là pour toi dis-je d'un ton bas.
- Merci... Susurre Lélia en se mouchant.
Beaucoup de monde sur la route de plus qu'il pleut des trombes d'eau. Il me faut redoubler de concentration avec le trafic dense combiné à mon inquiétude. Le trajet est rallongé d'une bonne demi-heure, heureusement que nous sommes partis en avance mais cela nous laisse le temps d'angoisser.
Sur le parking je me gare en marche arrière puis ouvre la portière à Lélia qui est blanche comme un linge pourtant je n'ai pas eu une conduite sportive sur la route. Je lui tends mon bras pour qu'elle puisse l'entourer des siens, sa tête se pose sur mon bras et je l'entends soupirer.
Nous entrons dans le hall d'entrée de l'hôpital pour rédiger quelques papiers.
J'annonce le nom de famille de Lélia qui à présent est le même que le mien et je réponds aux diverses questions posées, ma chérie étant incapable de répondre tellement elle est effondrée de chagrin. Lélia sera reçu d'ici un quart d'heure.
- Tu ne veux pas m'accompagner ? Me suppie t-elle en blôtissant sa tête contre mon torse toujours en pleurs.
- Bébé, je ne peux pas, on m'a interdit... Répondis-je. J'ai essayé, mais il n'y a pas moyen et d'être pompier ne me laisse pas de passe droit... Je serai avec toi par la pensée.
- Madame Bonnier, veuillez me suivre s'exclame un spécialiste en blouse blanche, Lélia se décompose encore plus que précédemment.
Elle me serre encore plus fort, j'appuie un baiser appuyé sur son front puis un second plus tendre sur ses lèvres. Arrivée à la hauteur du spécialiste, ma brune se retourne et me lance un regard plein de détresse, je maintiens mes iris vertes en état afin de lui inspirer la confiance, la rassurer.
Puis vient le moment fatidique de se retrouver seuls chacun de notre côté. Je ressens quelques bouffées de chaleur fortement désagréable, cela me donne froid et mon front perle à grosses gouttes.
***
LELIA
J'ai enfilé docilement la blouse en papier d'hôpital sous laquelle je suis entièrement nue. Les spécialistes m'installent sur le grand fauteuil d'examen, je réponds à quelques questions.
Je tremble et mon ventre me fait atrocement mal dû au stresse à moins que mon enfant ressente tout cela ? Je ne veux pas avorter, je rêvais de vivre ma grossesse en même temps qu'Océane, cela aurait été génial d'avoir des enfants du même âge. Les petits cousins auraient fait tous les deux les quatre cents coups ! Peut-être que ce serait un petit bébé pompier ! Ou bien une jolie poupette brune très mignonne, très féminine ! J'aurai pu lui faire des petites couettes, lui mettre de belles robes ou bien un joli petit survet ! Lui offrir quelques petites voitures ou un établi de mécano. Je ne sais même pas si c'est une fille, ou un petit garçon !
A quoi bon penser à tout cela ? Cela va s'effacer dans quelques heures. Je vais perdre mon enfant et peut-être même mon mari qui pour l'instant affirme qu'il sera là, c'est moins sûr lorsque cela sera fait. Il va forcément ressentir de la rancoeur... Et s'il croit que je n'ai pas vu ses mains trembler lorsqu'il tenait le volant ! Matt ne dit rien mais je sais qu'il n'est pas bien, je le ressens.
Tout le monde se prépare autour de moi, les produits sont installés sur la tablette à proximité, les machines tout autour de moi, je ne sais pas laquelle aspirera mon foetus. J'ai opté lors de mes consultations précédentes, pour une anestésie locale, moins douloureuse parait-il. Pas besoin de rajouter la douleur physique à la douleur psychologique déjà présente.
Je ne fais pas tout ça pour moi mais par amour pour ma soeur, nous sommes très fusionnelles elle et moi, je préférerai me voir périr moi plutôt qu'elle, elle est beaucoup trop fragile Naïs, j'espère que Matt le comprendra. Et J'espère avant tout ne pas me retrouver seule après l'avortement. J'aurai dû me pencher un peu plus sur ce sujet mais je n'en ai pas eu le courage ni la force. J'assumerai quoi qu'il arrive même si Matt venait à se barrer.
Quelques minutes après le produit est injecté dans mes veines afin que je sois endormie depuis tout le bas ventre ainsi que mon appareil génital.
Madame Bonnier dans quelques minutes nous débuterons ! M'annonce la spécialiste qui semble si douce mais comment peut-elle faire ça à longueur de journée ?
Je secoue la tête toujours en pleurant, je ne peux pas faire autrement. Une interne me tient la main et parle avec moi pour me rassurer, je me confie à elle sur ma raison d'être présente ce qui semble la toucher puisque ses yeux se mettent à briller mais son sourire se veut rassurant et plein de compassion.
***
MATT
Mais quel temps de merde ! Bien de circonstance d'ailleurs ! J'enchaîne les cigarettes à l'extérieur au coin fumeurs, la deuxième en un quart d'heure. Cela ne me détend pas pour autant, je ressens de la colère contre Anaïs mais également ma femme, je vais profiter de ces instants pour faire un travail sur moi-même car en sortant ma femme ne sera pas en état de subir une engueulade. Moi non plus.
Je tire avec agacement sur le filtre lorsque l'on me tape l'épaule avec frénésie.
- MATT MATT OU-EST LELIA ????!!!!!!!!!!!!!!!!! Crie Anaïs hystérique et toute essouflée.
Insupportable cette gamine.
- Là où tu voulais qu'elle soit !!! Rétorquai-je sur un ton glacial en balançant ma clope dans l'endroit prévu à cet effet, elle me tappe sur le système. DEGAGE ANAÏS TU N'ES PAS LA BIENVENUE !!! LELIA ET MOI VOULONS ÊTRE SEULS ! T'AS COMPRIS BARRE-TOI !!! SI ON EST LA C'EST PAR TA FAUTE TU ENTENDS ?! TU NE PEUX PAS DECIDER A NOTRE PLACE !!!! SI J'AI PERDU MON ENFANT C'EST A CAUSE DE TOI ET JE T'EN VOUDRAI TOUTE MA VIE !!! PT'ITE CONNE !!!!
- PUTAIN MATT ARRÊTE DE FAIRE TA TÊTE DE CON !!! DIS-MOI OU EST LELIA !!!!VIIIITE !!! Insiste Anaïs en me secouant par le col de ma parka.
- DANS LA SALLE D'OSCULTATION !!!!SÛREMENT !!!! QU'EST-CE QUE J'EN SAIS ?!
- OK C'EST OU ??????? DIS-MOI OU C'EST !!!! Hurle la jeune égoïste, petite garce va. MATT JE NE VEUX PAS QU'ELLE AVORTE !!!!! J'AI REFLECHIS JE SUIS ALLEE TROP LOIN !!!!
- C'EST TROP TARD !!!!
Anaïs se met à courir, je m'élance à sa poursuite. Ma belle-soeur réussit à se faufiler entre les portes réservées au personnel, des employés finissent par me chopper par les bras m'empêchant d'aller plus loin, essoufflé je leur dis que c'est bon, qu'ils me lâchent, je promets d'aller m'asseoir sur les bancs dans le hall d'entrée.
LELIA
On me cale les pieds dans les étriers, je ne peux pas le faire moi-même ayant le bas du tronc tout endormit, je ne suis plus maîtresse de mes mouvements. Mais je me rends parfaitement compte de la situation, je redouble mes pleurs au moment où la machine pour aspirer est amenée à moi.
Ce n'est même plus du stresse que je ressens mais de l'anéantissement, une profonde sensation de solitude et que mon bébé va disparaître à tout jamais. Je m'apprête à devenir une meurtrière, ce n'est pas ce que je veux.
Les spécialistes ne l'ont pas encore branchée, mais petit à petit la font entrer à l'intérieur de mon vagin jusqu'à mon utérus. Mon corps se met à trembler, je leur dis d'attendre avant l'opération. Ils me positionnent un masque à oxygène sur le visage étant à deux doigts de tomber dans les pommes.
'' Pardon Matt, j'ai eu tord. Jamais je n'aurai dû céder à Anaïs, JAMAIS. Tu avais raison mon coeur, ce n'est pas à elle de dicter notre vie ni ce que l'on doit faire ou non... Qu'est-ce que j'ai pu lui dire des paroles méchantes, le blésser volontairement pour me défouler sur lui, me défouler de tout ce que je n'ai pas du dire à Anaïs. Je n'ai pas eu le courage de le faire, mais qui mérite réellement de partager ma vie ? Une petite soeur qui me fait du chantage et cause mon avortement ou un homme qui s'est toujours montré présent pour moi même durant nos diverses ruptures ? Qu'il faisait en sorte tout de même de veiller sur moi... Moi je le veux ce bébé, je veux son bébé, cet enfant qui nous ressemblera à 50% chacun ! Je veux passer ma vie avec Matt et le bébé ! Si cette grossesse et cette naissance, empêchera Anaïs de garder contact avec moi c'est que tout simplement elle ne m'aime pas suffisamment, pas autant que moi je l'aime. "
- Je veux garder mon bébé... Murmurai-je d'une voix inaudible n'arrivant pas à hausser le ton.
- Attendez ! On ne branche pas l'appareil de suite !!! Elle est en train de perdre connaissance !!! S'écrie le médecin.
- Je veux garder mon bébé continuai-je n'arrivant toujours pas à parler pour qu'ils m'entendent, les larmes innondent mon visage.
- Je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle dit s'écrie l'interne.
- Mon bébé, laissez-moi mon bébé... Sanglotai-je prise de tétanie.
- STTTTTTTTTTTTTTTTTOPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPP NE L'AVORTER PAS PAR PITIE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Crie la voix de ma soeur me semblerait-il.
- Mademoiselle, vous n'avez rien à faire ici ! S'exclame sèchement le gynécologue. Je vais être obligé d'appeler du renfort.
- Ecoutez-moi juste ! S'exclame t-elle en pleurant à chaudes larmes elle aussi. J'ai été méchante avec ma grande soeur, j'ai été jalouse d'elle et de son mari parce que moi je ne pourrai jamais avoir de bébé ! C'est moi qui ai fais du chantage pour qu'elle fasse une IVG ! Elle ne l'a jamais voulu ! Elle l'a fait pour ne pas me perdre, laissez lui son bébé s'il vous plait ! Regardez comme ça la fait souffrir !!!
MATT
L'attente m'est insupportable, j'ai donc demandé à mon grand-frère de me rejoindre, j'ai tant besoin de lui comme à l'époque. Rafaël me rejoint sous le porche de l'hôpital, lorsqu'il voit ma mine décomposée, il me fait une accolade chaleureuse, je cale ma tête contre son épaule.
- Je suis là me chuchote t-il en me frottant le dos.
Je pousse un long soupire.
- Raf, je n'y arriverai pas, je ne vais pas pouvoir être fort pour elle lorsqu'elle va nous rejoindre... Avouai-je en sentant mon coeur se resserrer. J'ai trop eu de la peine de la voir partir avec eux en pleurant, et là je sais qu'elle va encore pleurer en sortant, je ne vais pas pouvoir l'épauler !
- Matt, pas besoin de dialoguer, sois juste là pour elle. C'est tout ce qui va compter pour elle. Déclare mon frère.
RAFAËL
Cela me fend le coeur pour eux, cette situation est des plus horribles, je n'aimerai pas être à sa place. Matt se détache de moi pour allumer une cigarette, j'espère qu'il arrêtera très vite de se bousiller la santé, lui qui avait pourtant horreur de ça ! Après je peux le comprendre, il a subit tellement de pression depuis qu'il s'est mis avec Lélia, ça doit être dur de gérer.
- Franchement Raf, ça me fait trop mal au coeur de perdre notre enfant ! Jamais j'aurai cru que Lélia aille jusqu'au bout des choses. Je pensais être un peu plus important que ça à ses yeux... Murmure Matt, je vois ses lèvres trembler et ses yeux briller.
- J'imagine Matt, je sais oui. Mais Lélia t'aime sincèrement ça se voit Matt ! Aller ça va aller, je serai là.
Le déchirement se lit à travers son regard embrumé tout comme la crainte d'être quitté par sa femme. La construction de leur noyau familial s'effondre en un claquement de doigts. Rien de pire que de se sentir impuissant face à la situation qu'elle lui inflige. Mon frère doit également ressentir de la faiblesse et la perte d'un être cher.
Je lui frotte l'épaule alors que les premières larmes tombent sur le visage de Matt, qui fixe au loin la pluie s'agiter en trombes. Ma sensibilité me picote le nez, je respire profondément pour ne pas me laisser atteindre par la peine que ressent mon petit frère.
- Merde Anaïs ressort, elle pleure murmure t-il. Raf, s'il te plait va voir ce qu'il s'est passé, je ne me sens pas d'y aller...
- Ok.
Je m'approche d'Anaïs, lui prend le bras pour qu'elle me fasse face.
- C'est fait ? Me risquai-je à demander.
- Non, Rafaël, je suis arrivée à temps, ils m'ont fait sortir, ils lui retirent l'appareil et surveillent son réveil complet avant de pouvoir rentrer affirme la petite blonde, merdeuse.
- C'est à dire ? Est-ce que je vais être tonton ?! (Elle secoue la tête de haut en bas, les larmes me viennent aux yeux). MATT !!! VIENS VITE !!!! TU VAS ÊTRE PAPA !!! M'écriai-je d'une voix aigüe. On va être papa ensemble petit frère !
- Quoi ? Dit-il abasourdit.
- TU VAS ÊTRE PAPA !!! M'exclamai-je en venant le prendre dans mes bras, je le relâche quelques secondes après.
- Je suis désolée Matt d'avoir agit comme une petite garce... Dit Anaïs honteuse en voyant qu'il pleurait quelques minutes plus tôt. Je vais tout faire pour me rattraper, promis...
Matt esquive l'accolade qu'elle a voulu lui faire, Anaïs semble vexée du rejet de son beau-frère. Elle le fusille du regard toute haletante d'énervement.
- Non Anaïs, je ne peux pas faire comme si tout était redevenu normal, ce n'est pas le cas ! Il y a eut des conséquences sur notre couple, des engueulades, sur ma santé également donc non je ne peux pas fermer les yeux pour l'instant lui rétorque t-il assez sèchement.
***
Lélia ressort une paire d'heures après, lorsqu'elle m'aperçoit son visage s'illumine, ses fossettes rident ses joues puis elle accoure auprès de moi pour me prendre par la taille.
- Rentrons à présent mon Amour déclare t-elle. Je t'expliquerai tout mais saches que j'ai changé d'avis dans les dernières minutes, mon bébé je veux le garder ! Passons chez nos parents pour annoncer la nouvelle.
Nos familles ont été émues, nos mères ont pleuré de joie et les yeux de nos darons brillaient de fierté, une nouvelle qui enfin réchauffe les coeurs.
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