De son pays à l’archipel des Perséides où habitaient les deux femmes de sa vie – Julie, sa sœur et Angèle, sa nièce –, le périple aérien de David dura seize heures.

Depuis leur emménagement aux Perséides six mois plus tôt, elles lui avaient transmis des centaines de photos et vidéos pour l’inciter à venir. L’archipel, composé de trente-cinq îles et îlots granitiques et coralliens, abritait d’interminables plages au sable blanc longeant des eaux turquoise. Une invitation à lézarder que David comptait appliquer dès son arrivée. Adepte du jogging et de la randonnée, il souhaitait aussi arpenter les sentiers côtiers et forestiers à la découverte de ces îles. Et s’adonner à bien d’autres activités en famille.

Pour accéder à son lieu de villégiature n’étant pas l’île où se situait l’aéroport, David embarqua sur une navette maritime. Une heure plus tard, à quelques encablures de sa destination, il s’imprégnait du paysage. Montagneux. Irisé. Les arbres s’habillaient de vert émeraude au vert plus intense. Et des points de couleur, parsemés de-ci de-là, scintillaient telles des pierres précieuses.

— Face à vous, le domaine De Stannes. Je vous le conseille pour son univers floral. Ce que vous y verrez est unique. Vous sortirez émerveillé de votre visite. Et charmé.

David tourna la tête à ces paroles et croisa le regard rieur d’une vieille dame.

— Vous venez passer quelque temps chez nous ? Oh ! Excusez-moi, je suis trop curieuse, mais à mon âge, on peut tout se permettre, comme aborder un bel inconnu.

— Deux mois de vacances chez ma sœur.

— Vous reviendrez.

— Sûrement, elle habite ici.

— Vous reviendrez pour un autre motif que des vacances… Vous reviendrez par amour.

— Pardon ?

— Au cours de son existence, on peut aimer plusieurs fois, mais l’amour, véritable, rare, celui qui vous transporte, vous ne l’avez pas encore rencontré… Il vit sur cette île.

Cette femme est folle ! pensa David. L’amour de sa vie, il l’avait déjà rencontré. Il reposait pour l’éternité : carré D, allée 4, emplacement 46, cimetière de l’Uzoir.

— Madame, vous ignorez tout de moi. Alors j’aimerais que vous vous taisiez maintenant !

— Je sais tout de vous. Stéphane, votre amour défunt. Votre dépression… Je sais tout de vous, dont un élément capital que vous-même, ignorez… Et je vous le répète, votre âme sœur vit ici. Et c’est la stricte vérité !

Sur cette affirmation, la vieille dame partit, laissant David bouche bée.

Peu après, avant de descendre du bateau, il se dirigea vers le capitaine pour en apprendre un peu plus sur elle. Il l’avait cherchée parmi les passagers, sans succès.

— Une dame d’un certain âge ?

— Oui. Et vêtue tout de blanc.

— Ça ne me dit rien… Attendez que je réfléchisse. J’ai pris à bord, des couples, des personnes seules… Une vieille dame tout en blanc ? Non, vraiment non. Vous êtes sûr de vous, monsieur ?

— Oui ! On a discuté.

Ou alors c’est moi qui deviens fou, songea David.

Puis il débarqua tout en regardant autour de lui et n’aperçut nulle part l’étrange personnage l’ayant dérouté. Pourtant, la vieille dame au regard rieur se trouvait à ses côtés. Elle effaça de la mémoire de David leur entrevue. Il se la remémorerait au moment opportun.