Chapitre 8
Incrustée dans mon lit les bras croisés derrière ma tête, je fixe le plafond immaculé de ma chambre et reste allongée là un moment comme pour y projeter mes pensées. Toute mon attention se porte soudain vers ma fenêtre ou J’entends le son d’une musique s’insinuer par ma fenêtre, violant l’intimité des lieux pour m’envouter. Je m’approche alors et m’accoude à son rebord, curieuse de savoir d’où cette mélodie pouvait-elle bien provenir. J’aperçois dans l’encadrement de la fenêtre d’en face mon voisin, allongé sur son lit tout comme je l’étais. Son visage est illuminé par la lumière bleu de l’écran surdimensionné de son PC portable posé sur ses cuisses. Je décide alors d’aller le voir pour m’excuser…
Je marche en direction de la petite maison de plein pied blanche aux tuiles rouges sans portail ni clôture. Seule une haie au feuillage dense taillé au millimètre près démarque les limités de la propriété à l’instar de ces villas américaines que l’on voit dans les films. Je m’introduis dans le jardin par l’ouverture et suis le chemin pavé jusqu’à l’entrée ; la porte rouge carmin entouré d’un rosier grimpant aux fleurs aussi volumineuses qu’une main est accueillante et assortit à la perfection à la toiture et aux volets. J’appuie sur le bouton de la sonnette, mais personne ne réponds à mes appels. Après trois tentatives et un besoin urgent d’apaiser ma culpabilité, je décide d’aller directement me présenter à sa fenêtre.
- Y’a quelqu’un ! je crie en me couvrant les yeux avec ma main pour ne pas le surprendre.
- Oui… répondit-il après quelques secondes me faisant sursauter par la proximité du son de sa voix.
- Je suis désolée, j’ai sonné mais personne n’a répondu.
- C’est parce que je ne voulais pas te répondre.
- Oh désolé je ne…
- Je plaisante, la sonnette ne fonctionne plus. Il se moque ouvertement et sans ménagement.
- Je peux regarder ? je lui pose cette question, ma main toujours sur mon visage.
- Ça dépend, tu es venue pour me dévorer ?
- Quoi ? je découvre mes yeux, offusqués lorsque mon allusion de ce matin me revint aussitôt, heu non, je souris gênée, j’ai déjà dîné. Mon humour maladroit me fait défaut.
Il reste silencieux, me regardant d’un air pantois.
- Je veux dire… je n’ai pas mangé quelqu’un d’autre… enfin j’ai déjà mangé un vrai repas donc je n’ai plus faim pour avoir envie de manger une partie de toi, enfin une jambe ou un pied... non ça c’est dégueu…
- J’avais compris. Ris-t-il. Son sourire radieux me fait sourire à mon tour.
- Ok, nos chemins sont apparemment amenés à se croiser un paquet de fois… aussi, je préfère que tu sache que tout ce qui sort de ma bouche est authentique, je ferme les yeux déconfites. Lui se mord la lèvre pour s’empêcher de rire en voyant ma détresse. Bon sang, je le fais exprès ! j'ai envie de me gifler interieurement. Au sens littéral je veux dire ; Je ne fais jamais d’allusions et l’humour n’est pas mon fort.
- Pourtant je trouve ça plutôt drôle.
- Mouais… Tu n’avais pas un tee-shirt y’a dix-minutes ? j'essaie de détourner la conversation.
- Tu m’épis ?
- Non ! Ta musique m’a imploré de l’écouter m’incitant à regarder par ma fenêtre qui est juste là-haut. Je lui indiquais l’endroit en levant mon doigt au-dessus de mon épaule.
- Tu aimes le vieux rock ? demande-t-il
- Tu veux dire le vrai rock. Celui qui transpirait la passion et te prenait au trippe.
- Tu écoutais Coldplay me semble-t-il…
- Ils ont fait de très bonnes chansons. je minaude, et comment tu le sais d’abord.
- Tout le bus profitait de ta musique.
- Plus je suis énervée, plus j’augmente le volume. j'avoue cette habitude le plus naturellement du monde.
Le silence s’installe soudain entre nous, comme si nous apprenions à nous connaitre silencieusement, nous interrogeant l’un sur l’autre, sans aucune gêne.
- Je suis venue te voir pour m’excuser, j’ai été odieuse avec toi…
- Tu as appris pourquoi j’ai aménagé ici ?
- Il faut aussi que je t’avoue que je ne sais pas mentir…Alors oui.
- Je ne veux pas de ta pitié…dit-il le visage fermé.
- Ça n’en n‘est pas, j’ai vécu aujourd’hui la pire journée de ma vie, enfin une d’entre elle, je me corrige après réflexion. Tu étais juste aux milieux de tout ça à subir les retombés de ma colère… et je m’en suis aperçu lorsque ma mère m’a parlé de…
- C’est bon j’ai compris. Me coupe-t-il comme pour éviter d’entendre les mots de ces maux.
- Je te jure que je suis sincère…
- Et on peut savoir qu’elles sont les causes de ta pire journée ?
- Quand j’avais sept ans, j’adorais promener ma chienne près de la rivière derrière chez moi. C’était un beagle que mes parents avaient adopté peu avant ma naissance. Nous étions en train de jouer lorsque deux garçons d’environs mon âge sont arrivés et on commençait à jeter des pierres dans notre direction. J’ai voulu rentrer chez moi mais l’un des deux a attrapé mon chien et s’est dirigé vers la rivière. Je me suis précipité vers lui mais l’autre garçon m’a agrippé le bras pour m’empêcher de bouger. J’étais seule et impuissante, rongée par la peur, rien qu’en imaginant que je n’arriverais pas à temps pour la sauver. Alix est alors arrivée de nulle part et a mis une raclée à celui qui me maintenait. En voyant ça, l’autre garçon a lâché India dans les rapides et s’est enfui. J’ai voulu me jeter à l’eau mais heureusement mon père a vu la scène et s’est précipité pour la sauver. Depuis ce jour-là Alix est devenue ma meilleure amie.
- Une sale journée qui se termine plutôt bien.
- Oui mais c’est cette même personne qui est à l’origine de mon irritabilité!
- C’est celle avec qui tu parlais pendant le cours ?
- J’aurais plutôt dit celle qui s’est pointée sans la moindre invitation et qui m’en a fait exclure.
Il se mit à me toiser du regard comme pour m’analyser.
- N’essaie même pas de comprendre pourquoi car tu ne pourrais jamais en deviner la cause et je ne dirai rien non plus.
- Ne me sous-estime pas, je compte devenir le meilleur psychiatre de tous les temps.
- Tu sais ce qu’on dit, les meilleurs psys sont souvent plus fous que leurs patients.
- Il faut être un peu dérangé pour être captivé par la folie en effet, mais chut c’est un secret… plaisanta-t-il en faisant un clin d’œil.
Nous nous mettons à rire ensemble, et je me rend compte à cet instant que l’homme accoudé devant moi n’est pas si agaçant que ça bien au contraire, je n’avais jamais eu de conversation aussi profonde avec un garçon, sans aucune arrière-pensée, le tout sans qu’Alix ne soit mêlée de près ou de loin à tout ça.
- Mon amie serait un cas intéressant pour toi.
- Si un jour elle a besoin de se confier... la pensée qu'ALIX n’est pas du genre à parler de ses problèmes mais plutôt de les régler à l’horizontale me traverse l'esprit.
- Je lui en parlerai… probablement pas cela ne serait pas une bonne idée.
Une brise naissante me fait frissonnée, je lève alors la tête vers le ciel et m’aperçois que la nuit est tombée.
- Il est temps que je m’en aille.
- Ok c’était sympa d’avoir fait ta connaissance, je suis même près à te restituer ta place si tu acceptes de m’avoir comme voisin de table. Lance-t-il en me tendant la main attendant mon aval pour conclure sa proposition.
- C’est d’accord. j'accepte en lui serrant la main.
- Bonne nuit. Sourit-il.
- Bonne nuit. je lui sourit en retour.
- Au fait, c’est quoi ton prénom ? je lui demande amusée.
- Adrien.
- Moi c’est Oriane. Finis-je avant de rebrousser chemin.
Je sors de la résidence heureuse que tout ce soit plus ou moins arrangé, et traverse la route conquise par l’amitié naissante qu’a engendré tout ce bordel. Quand j’arrive sous le porche illuminé de ma maison, je suis prête à affronter ce voyage improvisé et pense même que tout cela deviendra surement une anecdote amusante de ma vie. Loin d’imaginer tout ce qui allait m’arriver.
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