Une histoire de coeur
J'ai le cœur pluvieux mais les yeux secs. La façade lisse a avalé les tempêtes. Les briques se sont élevés pour assombrir la flotte. Au-dedans, l'inondation ne cesse pas. Elle a déjà englouti des organes. Mais coincé dans son bol, elle ne peut couler. Qui verra la chute et son bruit au pied de ma muraille. Elle est forte et puissante. Rien ne l'ébranle.
Mais que penses-tu d'un petit trou ? Le gamin a effrité la pierre. Les flots ont rongé la roche. C'est la fuite ! Doux filets clairs qui s'enfuit. Faille sur la beauté d'un visage impassible. On risque de la lire. Ses secrets vont s'envoler. Cours avant que la fissure ne déchire le tout.
Tu es resté trop longtemps fière derrière tes remparts. Tu as oublié que ce mur est juste là pour cacher l'enfant recroquevillé. Tu es seule et enfermée. Mais si tu laissais l'eau se déverser, tu aurais au moins le mérite d'être au sec.
Laisse le petit trou que le gamin a fait. Laisse faire le temps. Si la façade explose, raccroche-toi à ce qui flotte avant de couler. Si la muraille tient bon, soit forte, tu as encore à vivre.
J'ai l'intérieur calme mais la façade se fissure.
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J'ai les yeux pluvieux mais le cœur sec. Je suis aride. J'ai avalé la moindre goutte d'humidité. Alors que mes yeux pleurent et se désolent, je n'arrive pas à ressentir. Mon être a été fermé, il s'est tu aux complaintes des autres. Je réagis sans vie. On voit des émotions sur mes traits qui survolent ma cage thoracique. Elles font un détour effrayé à l'idée de se perdre dans un désert.
Depuis quand ai-je arrêter de sentir ? Depuis quand ai-je arrêter de ressentir ?
Les aléas vont et viennent et je reste la même. Rien n'a ébranlé mon sable ni un vent chaud ni une mousson débordante. Je suis la même alors qu'aux frontières tout s'écroule. Il n'existe plus rien autre que le vide d'un cœur mort. J'espère qu'une goutte d'eau viendra glisser à sa surface.
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