Sur les marches de enfers

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 Je ne voyais rien. Je sentais sur mon corps les mains calleuses des soldats me poussant, alors que je peinais à avancer, mes pieds liés de fer. Ils paraissaient tout aussi tendus que mes pas. Autour de moi, la foule hurlait sa soif de sang, d'horreur, réclamant ma vie. La cacophonie était étouffante comme la chaleur brulante de cette journée. L'été n'était jamais une bonne saison pour les exécutions. Les corps pourrissaient trop vite et l'odeur devenait, en quelques jours, insoutenable.

 Soudain, le sac fut retiré de mon visage. Je mis un instant à m'habituer à la lumière aveuglante. Devant moi, les marches de l'échafaud se dressaient comme celles de l'enfer. En grimpant, je balayais la foule du regard. Des faces laides et graisseuses me fixaient avec haine. Ils ne savaient même pas pourquoi ils me détestaient. Mais moi je le savais. C'était cette jalousie qui leur rongeait les entrailles, de savoir que je mourais en ayant façonné mon propre destin. Voilà, pourquoi ils me haïssaient. Parce que je leur dévoilais, par ma simple existence, la misère de leur quotidien. Accepter la mort ne signifiait pas que je la désirais. Mon désir de vie avait toujours été le plus fort.

 Je me plaçais devant la corde, les pieds ancrés dans le sol, la tête haute, le regard vers le soleil brulant. Le soldat déroula son parchemin d'un geste grandiloquent.

  • Alexandre De M...
  • Bloody Kidd, dis-je.

 Le soldat me regarda, les yeux ronds. Il était plus petit que moi, plus gras, plus craintif, dans son bel uniforme noir. Je le toisai du haut de ma stature, de mes actes, de mes croyances. De mes rêves accomplis.

  • Mon nom est Bloody Kidd.
  • ...Est accusé de haute trahison envers la couronne, de désertion et de piraterie, reprit-il en me jetant un regard tendu. Pour ses crimes, il sera pendu sur la place publique. Il y restera le temps nécessaire, en exemple pour ses semblables. Que Dieu ait pitié de son âme.

 Je levais les yeux au ciel, ce qui choqua la femme aux formes généreuses au premier rang. Le paradis n'avait jamais été mon but. Le repos éternel ? Très peu pour moi...

 J'ai fui l'armée, les ordres, pour l'aventure. Une vie de dépravé, en mer. J'étais venu chercher le frisson, l'aventure, la vraie vie. Et j'ai eu ce que je voulais et bien plus encore.

 Le bourreau, planqué sous sa cagoule, passa la corde à mon cou.

 Alors oui, je mourrai ce jour, à l'aube de ma trentaine. Je partais trop tôt, la rage au ventre de m'être fait attraper, mais au loin j'apercevais la mer, maîtresse de mes passions. Ses aventures et ses défis m'avaient assez nourri pour plusieurs vies de ces badauds tristes.

 Le bourreau tira sur le levier, la trappe s'ouvrir et je fermai les yeux, le sourire aux lèvres car ma vie fut celle que je voulais.

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