QMP#10 — Contrepoint
Juliette m’avait appelée dès son retour d’Australie, pour prendre un verre et palabrer sur les mois écoulés. Pour dire la vérité, je n’étais pas spécialement enthousiaste à l’idée d’entendre ses péripéties dans l’hémisphère sud. Je me doutais par avance qu’elle n’aurait guère eu le temps de visiter le continent, que ce soit le bush australien et ses numbats au dos rayé, la Tasmanie et ses ornithorynques au bec mou, la forêt montagneuse afin d’étudier le wombat et ses crottes carrées, ni l’Adélaïde et ses koalas trop mignons. Je ne connais Juliette que trop bien. Son espèce endémique à ne pas rater était plutôt du genre bien bâti, bronzé et muni d’une planche de surf sous le bras.
Il faut dire que Juliette et moi n’avons pas le même sens des priorités ni les mêmes centres d’intérêt. Ma passion et par extension mon métier, c’est la zoologie, l’archéozoologie, voire la cryptozoologie. Son dada c’est les mecs, une engeance (restée au stade erectus, à n’en pas douter) dont je ne me préoccupe pas plus que cela. Cette différence s’explique peut-être par nos capacités primitives et sociales respectives ; bien que nous soyons sœurs, la nature ne nous a pas dotées des mêmes attributs. Juliette est du genre yeux de biche, peau de pêche et pamplemousses au balcon, alors que de mon côté, il n’y a pas grand-chose à voir ; en sus d’un derme gras et terne, je me contente de clémentines (soyons honnêtes, de groseilles sauvages et tavelées). Elle soigne son ticket de métro et j’entretiens mon buisson, si vous saisissez ce que je veux dire.
Bref, je n’avais pas envie qu’elle m’énumère ses conquêtes dont pour la plupart, je suis sûre, elle n’aura pas retenu le nom. Mais il s’agit de ma petite sœur, ma poupée espiègle que je n’avais pas vue depuis des mois, aussi je me fis violence et me préparais pour ces retrouvailles.
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