En deux sauts propulsés, Hiber parvient au sommet de l’escarpement et s’élance aussitôt sur l’autre versant. Sous ses semelles crantées, les caillasses noires et tranchantes hurlent et l’accompagnent tandis qu’il dévale le dévers. Les compensateurs gravifiques de sa combinaison tournent à plein régime, l’empêchant de basculer sous les coups de violentes bourrasques.

Au fond de la combe, à l’ombre du crêt qu’il vient de débouler, il s’abrite derrière un rocher. L’étoile naine, énorme et rouge, rase de ses rayons la pente suivante. Le vent ne cesse de forcir ; même ainsi retranché, il subit des rafales charriant échardes glacées et graviers anthracite. Visibilité quasi nulle. Putain de planète.

Il pose son fusil sur ses genoux, ouvre et ferme ses mains engourdies, se recroqueville et active son intercom.

— Anari, tu me reçois ?

— Beaucoup d’interférences, mais d’évidence, notre relais est fonctionnel dans ce trou perdu. Comment se comporte l’exo ?

— Sans lui, je serais déjà déchiqueté, répond Hiber en forçant le ton. Pas certain qu’il apprécie le microbillage naturel, mais il devrait tenir jusqu’à la fin de la mission. En revanche, on peut dire adieu aux peintures de guerre.

Il entend Anari s’esclaffer, ce qui lui arrache un sourire.

— Voici où nous en sommes, poursuit la jeune femme. L’escouade Alpha est arrivée au pylône de terraformation numéro trente-deux. Rien à signaler, sinon des conditions exécrables, mais je crois que nous sommes tous au courant. Epsilon se prépare à investir les bâtiments en contrebas. Iota nous signale l’atterrissage d’un transport de troupes ennemi au-dessus du ravin menant au site du Cerbère, où l’escouade Omicron a déployé quantité de mesures défensives. On va les titiller et ça risque de barder sous peu. C’est l’occasion idéale et le lieu optimal pour notre embuscade, et nous avons de quoi les accueillir. Quant à Upsilon et bien... à toi de me le dire !

— Upsilon est coincé derrière un caillou et attend la prochaine embellie pour progresser.

— L’accalmie suivante est dans sept minutes, mais ne compte pas trop sur un calme plat. Si le cycle des pylônes est prédictible, il en va autrement de la circulation atmosphérique dans cette région. À cette latitude, possible que tu ne sentes aucune différence.

— L’empire a choisi son endroit pour nous assurer un emmerdement maximal, maugrée Hiber de nouveau secoué par une salve particulièrement brutale. Il se fout pas mal de malmener ses machines.

— Tu dois détruire ce laser.

Hiber laisse passer un long moment pendant lequel une rafale chargée de silicates martèle son exo.

— Je sais. Tu as peur que j’échoue ?

— Accalmie dans six minutes, répond Anari, comme si elle n’avait rien entendu.

— Merci, Omicron, je lance le chrono et on se tient au jus.

Hiber coupe l’intercom, serre les dents et encaisse la réflexion d’Anari, plus cruelle encore que la tempête.