2.8) Volodia

Une minute de lecture

À nouveau, notre monture vrombissante parcourait l’océan des dunes. Nous filions tête baissée à l’assaut de contrées désolées, volontiers oubliées. Là où le ciel aspire la mer. Au terme du voyage, le terme même de l’existence. Qui de la Liberté ou du Trépas nous attendait ? Cela fait-il une différence ?

Comme j’aurais voulu l’entendre, elle que je portais sur mon dos courbé, brimbalée dans son étroit réceptacle. Comme j’aurais voulu sentir son souffle chaud dans ma nuque, tandis qu’elle murmurerait des mensonges rassurants :

« Fonce vers la Porte du Ciel ! Nous nous en sortirons indemnes ! »

J’exécutai, servile, ses commandements aqueux.

Nous approchions doucement de l’océan ; je le sentais aux vents qui devenaient tempêtes. Tout le monde à Soltræk l’avait entendu dire : la côte était inhabitable. Le Ciel y crachait sa colère, y soufflait des tornades ; les ouragans charmeurs sifflaient les chants des Sirènes et emportaient les hommes – la côte était inhabitée.

Nous approchions toutefois, et des lames de grains, tantôt sable tantôt sel, lacéraient la bécane et ma combinaison, enrayaient notre course. Bientôt nous fûment prises dans un brouillard compact : le limon du désert bondissait à ma face et collait à ma peau. Ni les raies du soleil ni l’œil sournois du Ciel ne perçaient le haboob ; mais la fatigue et le goût du gravier qui croquait sous mes dents, malgré le masque épais, m’empêchaient de jouir pleinement de ce bref répit. La tempête m’obligeait à garder Sakineh prisonnière de sa fiasque et, après quelque temps, notre fidèle monture, essoufflée, s’effondra. La batterie à plat.

Je poursuivis à pied la périlleuse traversée de ce néant arénacé – « Impossible, diraient certains. Eh bien, c’est ce que nous verrons ! »

En effet je voyais, mais pas encore le bout. Je voyais des mirages qui parfois prenaient corps au gré des trombes de sable dans lesquelles je luttais. Une pluie de sucre sans fin. La vieille Priss qui riait à gorge déployée en arrosant le comptoir de postillons putrides. Erin qui me griffait, ou me gavait de cannelle jusqu’à me faire gerber. Enfin, ma propre tête, dégondée de ma nuque. Mes cheveux en gâteaux, nappages de crèmes fondus. Mon saignement mielleux.

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