3.1) Volodia

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À peine eus-je pénétré dans la cité que soudain la vie des locaux se suspendit. Les bouches des marchands à la criée se figèrent dans un silence béat, les enfants qui couraient freinèrent tout net leurs jeux, et les badeaux se turent : tous interrompirent ce qui les occupait et nous nous fixâmes dans un silence religieux – eux, ébahis de voir, pour la première fois sans doute, une étrangère à leurs portes ; moi car je découvrais une humanité aux visages joufflus et souriants, aux corps vifs et toniques, loin des coyotes enragés qui peuplaient les rues de Néon. Nulle malveillance ne transparaissait sur leurs visages et, aussitôt qu’ils eurent remarqué ma présence et mon étrangeté, tous reprirent sans plus m’épier le cours de leur existence.

Ni l’aigreur échaudée des âmes moribondes, ni les exhalaisons capiteuses et sucrées qui baignaient les souterrains de ma Dune natale ne circulaient ici. La ville d’écailles vertes s’étendait à l’air libre, protégée des bourrasques par les falaises alentours, et ses habitants respiraient la joie de vivre – un sentiment qui jusqu’alors m’était demeuré inconnu.

Alors que j’avançais dans l’enceinte de ce Conglomérat secret, une armure d’os plus sophistiquée que celle que j’avais croisée tantôt m’arrêta et m’invita à la suivre jusqu’à l’intérieur d’une baraque écailleuse dont l’air pur et frais raviva mes poumons souillés par la poussière. L’armure ôta son casque piqué de pointes noires, comme Mireille m’en montrait autrefois dans ses livres – un ourson aquatique, pensai-je me rappeler : Alma en ramassait quelques fois les fossiles, qu’elle vendait à bon prix – et découvrit le visage hirsute du plus vieil homme que je rencontrai jusqu’alors. La quarantaine, au moins.

Mon hôte me fit asseoir dans un siège du salon, la pièce principale, et, comme je prenais place et installais à mon côté ma précieuse Sakineh dans son étui hermétique, deux autres silhouettes habillées de vertèbres parurent de derrière le rideau qui menait à l’arrière ; l’une coiffée de coraux semblables à de grands bois, l’autre d’une corne menaçante. Pareils accoutrements, si richement apprêtés, me laissèrent deviner que j’étais en présence des haut-gradés du hameau.

Les deux nouveaux cart’os s’assirent cérémonieusement de part et d’autre du vieillard qui me faisait face sans broncher puis, comme en signe de respect et de sympathie, ils révélèrent aux aussi leurs faciès humains. Derrière le wendigo, une femme basanée à la tête rasée et aux yeux aiguisés ; quant à la licorne, un ado androgyne dont les longs cheveux clairs tressaient de solides chaînes autour du visage pigmenté, ses iris pétillant tels ceux d’une bête en cage.

Le chef me désigna du menton.

— La cape de Néon. Comment es-tu parvenue jusqu’ici, citoyenne ? Quelle eau t’a permis de franchir le désert ? Mais surtout, qui t’envoie ?

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