Ancienne prière
Je me tourne vers vous comme on tourne sa tête,
O vous les dieux anciens, vous qui n’existez plus,
Qui n’avez plus de noms qu’une simple épithète,
Et peupliez jadis des mondes révolus.
Voici mon corps, mon sang, ma peau, mes quelques veines,
Voici mon cœur, mes os, mon cou, mon intestin,
Que mon passé trop lourd et mes histoires vaines
Me laissent maître enfin de mon propre destin.
Si mon âme rompue et pourtant si solide
Trouve un jour une aiguille et du fil à tisser,
Je te promets, ô ciel, que tu sois plein ou vide,
Que mes doigts acérés ne feront qu’y glisser.
Et parmi tous ces mots, qu’un unique suffise
A résoudre le mal et calmer mes démons
Me rends parfois songeur : que quelqu’un me le dise,
Je hurlerai son nom à m’ouvrir les poumons !
Pourquoi me faudrait-il à jamais me confondre,
L’inconscient ronger, le conscient aussi,
Lorsque mon cœur glacé ne demande qu’à fondre
Et rêve d’un ailleurs alors qu’il reste ici ?
O vous les dieux anciens qui tirez les ficelles,
Les nuages aidant, cachés comme il se doit,
Je vous vois bien pourtant lancer vos étincelles,
Tranchant le ciel en deux pour nous pointer du doigt !
Que ma prière alors délivre vos esclaves
Et présente à mon cœur un cœur en viager :
Le pantin que je suis veut couper ses entraves
Mais le monde est si beau qu’il faut le partager...
Quand les vents du passé sont forts, parfois, encore,
Quand le poids des remords est trop lourd à porter,
Je ne suis plus hélas qu’un bien triste pécore
Qu’il faut tout simplement savoir réconforter.
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