Aucun Regret

Une minute de lecture

Aujourd’hui, 19 janvier 1920, était à la fois le dernier et le premier jour d’un même homme.

Dans ce quartier de Londres nous avions atteint la finalité de mon parcours, de ma vie, de mes actes. Rien ne me retenait plus en ces lieux, si ce n’était un tas de cendres et une fumée acre soufflée par le vent.

Une heure plus avant, j’avais subtilisé deux bidons d’essence dans le coffre d’une voiture. Après avoir réuni les preuves de mon existence, et celles de cette taverne, était venu le temps de fermer les portes à clef. Sur la porte d’entrée, l’enseigne « Close » était restée pendue, balancée de mélancolie.

Je m’étais ensuite appliqué à répandre le carburant avec minutie sur le comptoir, les tables et les tabourets. J’avais pris plaisir à badigeonner le cuir pourpre des banquettes. Pour le parfum, je m’étais amusé à casser quelques bouteilles de whisky et de rhum contre les poutres.
 
L’entier de mes possessions se trouvaient là. Autant de preuves d’une ou deux existences qui n’avaient plus lieu d’être. Un manteau et un couvre-chef neufs m’attendaient sur un crochet contre le mur du fond.

Sur le pas de la porte arrière, j’avais craqué une allumette, allumé ma cigarette, lâché l’étincelle. Le temps que la brindille atteigne le sol alcoolisé, mon chapeau était en place et mes pieds de l’autre côté de la rue.

Le crépitement particulier du combustible qui s’enflamme s’était glissé à mon oreille. Le souffle du Diable personnifié. Sa langue orangée avait léché le parquet sur toute sa longueur. Une fraction de seconde plus tard, les carreaux avaient explosé et les poutres brillaient dans la nuit.

Alors le toit avait cédé. Le feu avait tout emporté, plus efficace qu’une confession, plus intime qu’une amante et plus puissant que tout ennemi.

Je n’étais plus rien, ni personne.

Je glissai mes mains dans les poches de mon manteau, tournai le dos au tas de cendre et m’en allai sans un regard pour mon ancienne vie.

Le passé n’est que regrets, et je n’en ai jamais eu.


Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire DavidPerroud ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0