Douce promenade
Je pousse les volets, hume l'air humide du brouillard matinal, profite de quelques secondes de ce silence qui n'existe qu'en campagne avant que le coq ne chante, et me prépare pour ma journée.
J'aère mon lit, fais une caresse à mon chat que j'ai dérangé en secouant mes couvertures, et choisis une tenue confortable. Aujourd'hui, je sors en forêt chercher des chataignes, des noix et autres petits trésors pour mes créations. Demain j'irai à mon atelier pour alimenter ma boutique en nouveautés.
J'ajoute du bois dans la cheminée, me dit qu'il faudra que je remplisse la niche avant d'être à court, surtout que le temps est changeant à cette période de l'année, fait couler un café et fonce me doucher le temps qu'il soit prêt.
Voilà, je suis prête à sortir. Je prends toujours quelques secondes sur le palier pour m'imprégner de la nature qui m'attend et m'appelle. Le brouillard s'est dissipé, laissant sa place à une aurore rose orangée qui promet un beau ciel bleu acier. Il n'y a pas beaucoup de nuages et la rosée brille, illuminée par le soleil levant. Les arbres ont leurs feuilles multicolores qui bruissent légèrement avec le vent doux.
J'enfile mon sac à dos, resserre mon écharpe autour de mon cou, attrape mon panier et commence à me diriger vers la forêt toute proche en passant par le chemin de l'étang, baptisé ainsi par les villageois à cause de l'étendue d'eau qui jouxte ma maison et dont la petite route de terre sert à tout le monde. Je ne vois pas l'intérêt d'empêcher mes voisins d'aller se promener ou se baigner si ils sont respectueux, sous prétexte que ce bout de terrain m'appartient.
Ce matin, l'étang reflète les couleurs du ciel de façon plus intense, et le froid commence à se faire sentir. Je sens les petits cailloux qui jalonnent le sentier et les entends crisser sous mes chaussures de marche. Mon chat a décidé de me suivre dans mon périple et je le vois courir après les feuilles qui se détachent des arbres et tombent en tourbillonant, aussi légères que des plumes aux couleurs chaudes. Son pelage se confond avec les tas rouges orangés qui se forment au sol durant la saison et le voir autant s'amuser me met en joie.
Des glands, des noix, des châtaignes et leurs bogues ainsi que des pommes de pin commencent à remplir mon panier d'odeurs, de couleurs et de textures uniques, terreuses avec un peu de pourriture dû au compost naturel qui se forme en cette saison. Je continue ma progression, trouve quelques champignons qui seront parfaits pour mon repas du soir et les dépose dans un coin de ma corbeille tressée. Il faudra que je pense à demander au pharmacien si ils sont bien comestibles, j'ai toujours peur de confondre certaines espèces...
Quelques feuilles, les plus belles, viennent rejoindre les autres éléments naturels présents dans ma panière. Rouges, oranges, jaunes, marron... de toutes les tailles et de toutes les formes, petites et grandes... Elles vont sécher entre les pages d'un ancien dictionnaire et me serviront l'année prochaine pour des décorations.
Je m'assieds sur un tronc couché là depuis une tempête passée, lève la tête, ferme les yeux et je profite. J'écoute les bruits de la nature, le chant des oiseaux, les pattes des petits animaux qui fuient devant mon chat. Je sens le vent caresser mon visage, refroidir mon nez et m'apporter mille et une odeurs... Je sens cette odeur de décomposition légère et agréable, celle des arbres et de leur sève, celle de la mousse qui pousse sur les troncs... Mes mains frôlent l'écorce du bois sur lequel je suis assise, mes doigts suivent les sillons creusés par le temps... J'ouvre les yeux et admire les rayons du soleil se glisser entre les feuillages de moins en moins épais au fur et à mesure que les jours passent, je regarde la nature se préparer pour l'hiver qui approche... je tire le bout de ma langue et arrive presque à goûter la forêt sans même y toucher, rien qu'avec l'air qui circule et qui transporte cette beauté...
Il va être l'heure de rentrer. C'est presque à regret que je quitte ce sanctuaire, mais c'est pour me réfugier dans un autre. Chez moi, sur mon porche, assise sur mon fauteuil, un plaid sur les genoux, une tasse fumante de café posée près de moi... Puis, plus tard, dans mon canapé, près de la cheminée que j'aurai réalimentée en bois, un livre à la main, Socrate rononnant contre moi... Plus tard encore, dans mon lit, sous mes couvertures, écoutant le vent et peut-être la pluie faisant de la musique sur et autour de mon toit, regardant la lune et les étoiles par la fenêtre dont je n'aurai pas fermé les volets, pour une fois... M'endormant doucement, bercée par cette nature dont je suis si proche...
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