33 - Ames soeurs
J'étais restée prostrée dans un coin de l'appartement. Bientôt, je glissai sur le sol et m'endormis. Ce ne fut qu'à la nuit tombée que je me réveillai en sursaut, suite à une foultitude d'images sombres qui avaient toublé mon sommeil. Max était toujours absent. Je décidai de quitter les lieux, pour m'étoudir et effacer tout le dégoût que je ressentais pour moi-même.
Retournant vers le palazzo Pitti, je pris ensuite la via Guicciardini en direction du Ponte Vecchio. Là, après quelques centaines de mètres, je tombais sur un bar restaurant ouvert en terrasse sur une petite place. Je pris place sur un siege en forme de tonneau et commandai une bouteille de Chianti. Le patron, un quinquagénaire avenant, ouvrit de grands yeux, mais il s'executa. En attendant, j'observais les autres clients aux tables alentours. Devant moi, une famille de touristes anglais plutôt discrète, à gauche un couple d'amoureux se tenant la main les yeux dans les yeux et, à droite, un groupe de jeunes français assez bruyants.
Lorsque le serveur m'apporta ma bouteille ainsi qu'un grand verre, j'entendis des remarques désobligeantes sur ma droite. Je songeais que décidemment, il n'y avait pas pires voyageurs que des français en groupe. J'en avais si souvent croisés au cours de mes périples, toujours à critiquer, à se croire le centre du monde et à passer les bornes de l'impolitesse. Alors, que j'engloutissais coup sur coup deux grand verres de vin rouge, les gloussements ne faisaient que s'amplifier. J'en eus tellement marre que je quittai le lieu sans avoir tout bu. Mais, j'en avais suffisamment absorbé pour en ressentir l'ivresse.
D'un pas peu assuré, je filai vers l'Arno. Je tournai à gauche en direction du pont Santa Trinita. Deux statues d'inspiration antique en indiquaient l'entrée. J'avançai jusqu'au milieu. De là, j'avais une vue, sur le ponte Vecchio et ses lumières. Tout me paressait d'un coup bien flou et les éclairages semblaient danser dans ma tête. J'étais prise d'une sorte de vertige et je fixai l'onde sombre sous mes pieds. Le flot du fleuve que je devinais à peine m'attirait comme un aimant. Mourir à Florence, pourquoi pas. Alors, que je m'apprêtais à emjamber le muret, quelqu'un m'appela par mon nom. Une voix d'outre-tombe. Si loin, si étouffée. Je n'en fis pas de cas et continuai mon délire. Mais, deux mains me retinrent fermement. C'était lui. Mon italiano bello.
- Julia, je t'en prie. Ne t'en veux pas. Tout est de ma faute. J'ai de graves problèmes, depuis ma jeunesse. Je sais qu'il faut que je me fasse aider. Tu n'y es pour rien. Je n'aurais pas dû te demander ça. J'espérais pouvoir exprimer ma vraie nature. Mais, lorsque j'étais dans le noir, toute cette merde est remontée à la surface et j'ai flippé grave.
J'écoutais ses mots, comme dans un état second, sans pouvoir rien répondre. J'étais tellement persuadée de n'être plus rien, que ses explications n'imprimaient pas dans mon esprit. Je m'extirpai de ses bras musclés et filai en direction de la vieille ville. Il me suivit du regard, un peu inquiet. Piazza Santa Trinita je me reposai un instant sur le marbe froid qui m'attendait. Mon hôtel était à deux pas, mais je n'avais pas l'envie d'y rentrer. Lorsque je vis passer le groupe de français, je baissai la tête, mais l'un deux me reconnut et il s'approcha de moi. Il baragouina quelques mots en italien. Mais, je lui renvoyais bien vite un " casse-toi connard " en bon français qui le surprit. Il commença à élever la voix me traitant de tous les noms et attirant vers nous ses amis.
Alors, que je semblais de plus en plus en mauvaise posture, essayant maladroitement de m'extraire de ce groupe devenu vraiment agressif, Max s'interposa. Son autorité naturelle de policier fit s'éloigner mes assaillants. Et après les avoir chassés, il revint vers moi et me prit dans ses bras. Mais, je glissai une nouvelle fois de son emprise pour retourner en direction du fleuve. Cependant, je pris sur la gauche longeant l'Arno. Il me fila toujours. Lorsque je remis les pieds sur le Ponte Vecchio, je m'arrêtai un instant au centre. Près d'une sorte de balcon qui donnait sur la rivière, il me rejoignit. Là, fixant toujours l'onde, je l'interrogeai d'une voix lasse :
- Qu'allons-nous devenir avec toute cette obscurité en nous ? Devons-nous continuer jusqu'à la nuit des temps faire souffrir autour de nous, encore et encore ?
- Nous devons maîtriser nos démons, plutôt que rester leurs esclaves serviles.
- Je n'ai pas le début d'une idée de comment gérer ces monstres en moi. Ils n'en font qu'à leur tête. Ils auront ma peau un jour ou l'autre.
- Ils n'auront pas ta peau, si tu décides de les mettre en cage, de les réduire au silence. Tu ne les sortiras que pour ton propre plaisir, mais ils ne guideront plus ton existence.
Je lui souris. Je ne l'avais jamais vu sous cet angle. Soudain si philosophe, si maître de lui-même. Je me sentais une loque face à lui, mes jambes ayant du mal de me soutenir. Il me rattrapa avant que je ne bascule en arrière et ils m'attira contre le mur, le dos contre son torse. Me serrant fort entre ses bras. Je ressentis une sorte de sécurité un moment, fermant les yeux à la brise fraîche qui balayait mes cheveux. Il déposa un doux baiser dans mon cou. Je frissonai. L'obscurité, comme un voile, revouvrit mon esprit. Je sombrai d'un coup, dans les bras d'un Morphée florentin.
Je ne sais combien de temps plus tard, j'ouvris de nouveau les yeux. Je n'avais pas bougé de ses bras puissants. L'aube se levait sur l'Arno. Un spectacle somptueux. Je me retournai et lui souris. Puis frottant mes yeux embrumés, je fixai le soleil levant. De temps en temps, je le regardai dans les yeux. Ses beaux yeux sombres et fatigués. Des cernes grises trahissaient sa nuit blanche. Il n'avait pas voulu me réveiller, comme si il avait encore voulu me retenir. Moi, sa dark princesse. Son fantasme absolu. Mais, il ne le pouvait pas. J'étais juste un moment de folie dans sa morne existence. Juste un de ces instants incroyables où le temps s'arrête. Une inoubliable rencontre.
Nous nous sommes quittés peu après, bons amis, promettant de nous écrire sur internet ou ailleurs. Chacun savait qu'il n'en serait rien au final. Mais, nous voulions nous convaincre que l'histoire ne s'arrêterait pas là. Il m'embrassa sur la joue, me prit la main et y déposa un doux baiser.
- Fais attention à toi Julia.
Comme dans un ballet moderne, nos mains glissèrent le long des nos bras, jusqu'au bout de nos doigts et chacun partit de son côté des rives du fleuve.
Alors que je retournai les larmes aux yeux à mon hôtel, je reçus un SMS sur mon mobile. C'était Simon qui venait me souhaiter mon anniversaire. Joint au message, il y avait une photo de lui à genoux portant seulement autour du cou mon "J" en argent. Je souris. Et je filai d'un pas plus léger tenter de mettre au pas mes saloperies de démons. Ils prendront peut-être ma vie un jour. Mais, ce sera pas aujourd'hui.
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