Personne se fait buter aujourd'hui

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Une semaine avait passé. Toulouse entra dans le magasin en soupirant.

« Toujours rien ? » demanda Nancy en scannant un pack de bière et un paquet de clopes.

« Toujours rien. » dit-il en rejoignant son amie et en fourrant discrètement le diamant qu’il avait pris comme échantillon dans le sac plastique, qu’il replaça derrière le comptoir.

Le client sortit. Ils pouvaient parler librement. Apercevant Toulouse, Alix contourna le rayon surgelé et les rejoignit à la caisse.

« Toujours rien ? » interrogea-t-elle en posant ses mains sur le rebord du comptoir.

« Toujours rien. » répétèrent en cœur les deux autres.

« Le gars n’était pas sérieux. Il croyait que c’était du toc. Quel abruti. Je commence à croire qu’on ne va jamais pouvoir les refourguer ces diamants… »

Il avait à peine terminé sa phrase que la clochette de la porte retentit. Deux hommes en blouson de cuir et gros pull à col roulé pénétrèrent dans l’établissement, l’air pas commode. Mais alors pas commode du tout. Sans prendre la peine de retirer leurs lunettes de soleil, il se promenèrent succinctement dans les rayons et une dizaine de secondes plus tard, déposaient un paquet de chips une brique de jus d’orange 100% pur jus devant les trois adolescents, pas vraiment à l’aise. Nancy passa les articles sous le liseur de code barre d’une main tremblante et crut défaillir lorsque le client fit une simple remarque.

« Y a pas beaucoup de monde qui passe par ici. »

Il avait un accent russe à couper au couteau. Son visage était parsemé de cicatrices et, bien qu’il se tînt droit, ses mains velues jointes devant lui, il était impossible de dire précisément auquel des trois employés il venait de s’adresser.

Toulouse prit les devants.
« Ah ça oui, en effet… y a pas beaucoup de monde… qui passe.. bah… par ici, quoi, c’est sûr, c’est pas hyper fréquenté de ouf. »

« Bien. » se contenta de répondre le mafieux en désignant le rayon chips à son collègue d’un mouvement de la tête. Celui-ci ne se gêna pas pour faire une balayette au rayon entier, renversant à terre tout l’assortiment de produits, patiemment entreposés par couleur par Alix et Toulouse le matin même.

« Eh oh, il se prend pour qui lui ? Toulouse, fais quelque chose, il est en train de foutre le bordel dans le rayon chips, ce con ! » s’insurgea Alix.

Le boss saisit Toulouse au col de son polo de service rouge et blanc.

« Elle a dit quoi, ta copine, petit ? »

Une goutte de sueur traversa la tempe du petit en question.

« Heu… rien, elle a rien dit, hé hé… lâchez-moi s’il vous plaît. »

Retroussant ses manches, Alix était allée s’occuper du trublion elle-même mais celui-ci para son crochet du droit avec une facilité désespérante et en profita pour maîtriser la jeune téméraire avec une clef de bras douloureuse.

Le gangster s’adressa à Nancy qui était devenue blême.

« Tu sais ce que je suis venu chercher, pas vrai, petite ? »

Sans réfléchir, l’adolescente fouilla sous le comptoir et sortit le sac en plastique contenant la totalité des diamants qu’ils avaient trouvé sur le parking une semaine plus tôt. Le russe sourit à pleines dents, en laissant apparaître quelques unes en argent. En guise de remerciement, il donna un coup de tête à son otage le projetant à terre. Le jeune homme était à terre, roulé en boule, un liquide rouge abondant émanant de ses voies nasales. Le malfrat saisit le sac et s’apprêtait à partir quand son homme de main l’interpela.

« On recompte pas les diamants, patron ? »

Il tenait toujours Alix en respect et se rapprocha en maintenant sa prise sur la jeune fille. Le boss hésita, puis reposa calmement le sac sur la surface de plastique.

« T’as raison Igor, on est jamais trop prudent de nos jours. »

Une poignée de secondes suffirent à Igor et Piotr pour se rendre compte que le compte n’était pas bon. Il manquait une pièce majeure de la collection. Un diamant six fois plus gros que les autres. Il avait aussi disparu au niveau de la station-service, mais il n’était pas dans le sac.

« Attendez mais ça veut rien dire, peut-être que la police l’a saisi, c’est tout. » protesta Nancy.

« Nos indics au sein de la police nous ont assurés que la police n’a mis la main sur aucun diamant. »

« C’est peut-être un de vos hommes qui a essayé de vous doubler… » suggéra Alix, toujours penchée en avant. Igor la poussa doucement vers le comptoir, où elle se cogna la tête, afin de punir son insolence.

« Tous les hommes qui ont participé au braquage de la bijouterie sont morts. S’ils avaient la moindre information sur l’emplacement de ce bijou, ils me l’auraient avoué bien avant que je les achève. »

L’air le plus naturel du monde, le braqueur avait sorti un Desert Eagle de sa ceinture et l’avait posé à côté du sac de diamant.

« Bon ! » s’exclama-t-il, tout feu tout flamme. « Qui est-ce que je bute en premier ? »

La main ensanglantée de Toulouse surgit de derrière la caisse et s’agrippa au rebord. Se relevant péniblement, il lâcha d’un air déterminé :

« Personne ne meurt aujourd’hui. Donnez-nous une semaine et on remet la main sur votre diamant. »

Amusé, le criminel fixa son interlocuteur renifla à la manière d’un toxico.

« Ok. » dit-il en haussant les sourcils. « Dans une semaine, je reviens et vous avez intérêt à me présenter l’équivalent de dix millions d’euros sur ce comptoir. Allez, viens Igor, on s’en va. »

Il avait rangé son flingue à sa ceinture et emporté le paquet de chips sans payer. Igor rentra dans le magasin quelques secondes plus tard pour récupérer la brique de jus d’orange qu’ils avaient oubliée.

Réunis dans les toilettes des filles, les trois adolescents n’en revenaient pas. Assise sur une cuvette, Alix injuriait les deux mafieux tandis que Nancy aidait Toulouse à faire cesser l’hémorragie de son nez.

« Faut qu’on se tire d’ici. » déclara tout à coup Alix.

« Tu crois vraiment qu’il nous aurait donné une semaine s’il avait pas les moyens de nous retrouver ? » répliqua Nancy. « Y a un gars dans le lycée de mon cousin, il a eu des problèmes avec la mafia russe… eh ben ils l’ont retrouvé alors qu’il faisait un safari en Afrique du Sud ! »

« On peut leur échapper si on réussit à se procurer de nouvelles identités. » intervint Toulouse, le nez en l’air, tapotant ses narines avec un papier humide. « Je connais un mec qui connait un mec qui peut nous faire des faux passeports. »

Alix s’était relevée.

« Merci du tuyau, Einstein. Mais on est fauchés, je te rappelle, c’est d’ailleurs pour ça qu’on fait ce boulot d’été pourri. Combien ça va nous coûter… ? »

« Sûrement moins de dix millions d’euros. » coupa sèchement Nancy.

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