Une lueur lunaire
Âgée n’a-t-elle pas été, A.G. s’appelait-elle quand même. Jeune comme la Lune, jeune comme moi, certes plus vieille que son étoile aux mille feux brillants. Souvent, dans ses foulées de gaieté, je pouvais remarquer une traînée d’étincelles, des pépins de petites joies, telle une étoile filante. Ces éclats, j’avais eu le privilège de les voir avant qu’elle ne les éteigne d’un souffle. Voulait-elle préserver ses mèches ? Sans doute. Pour un anniversaire ? J’en doute. Peut-être a-t-elle refermé la porte de son cœur, mais je distingue bien à travers la serrure une timide lueur, une once d’aménité. Derrière… mille et une chandelles, mais qu’une seule visible de mes yeux. Celle-ci faiblit mais reste incandescente. Le temps manquerait-t-il de souffle ? Pourquoi se cache-t-elle ? Se trouve-elle trop âgée ? Quel sot ! Elle ne l’est pas. Aussi n’a-t-elle point voulu mettre ses verrous ; elle a juste un peu peur du noir comme l’a dit la Lune, peur de ce qu’elle ne connaît pas. Je ne puis rien y changer. Peut-être n’était-ce pas elle, cette créature.
Si je devais vous parler d’elle, sans détour, j’en serais à mon quatrième décompte des étoiles de l’univers. A choisir, je n’hésiterais pas. Pourvu que le ciel n’ait point été nuageux. Si je devais vous parler d’elle, sans retour, j’en serais à ma milliardième tasse d’eau de mer. A choisir, j’hésiterais un peu. Elle est assez salée quand même. Pourtant, je l’aurais fait, juste pour qu’elle sache ce que ça fait de voir disparaître à petites mesures ce qu’on aime. Si elle devait se fondre en paroles pour couler par ma voix, au gré de mon accent quoique particulier j’avoue, un coup de froid dans le cerveau serait plus supportable. A choisir, les climatologues ne sauraient expliquer, ni comprendre, la disparition des calottes de glace polaires. Je leur dirais de ne point s’inquiéter, avec une formule bien simple : si la glace se transforme en eau, alors mon corps saura la remettre à la Terre, pour le bien des bébés phoques. Mais mon corps, lui, peinerait à s’en remettre. Si seulement, elle avait été meilleure, pour panser mes blessures et écouter mes douleurs. Hélas…
J’aurais pu vous dire qu’elle avait de quoi être fière, sa plastique ne laissant rien ni personne insignifiant, callipyge qu’elle fut ! Ses appas auraient fait rebondir les cœurs au rythme de leurs oscillations. Elle aurait dégagé une chaleur caniculaire à faire cuire un cœur bouillonnant d’envie, palpitant d’euphorie. Hélas que ce ne soit le cas, même si biologiquement vous auriez été victimes d’une mort atroce, pauvres êtres aux cœurs cramés ! Merveilleusement, pour vous, sa froideur est profonde et j’étais peut être dupe de vouloir m’aventurer dans un univers aux grandeurs abyssales. Comment vit-elle alors avec une seule lanterne ? Comment voit-elle alors avec une seule lanterne ? N’a-t-elle plus assez de flamme pour les autres ? Ce que je vois est probablement un mirage. Les garde-t-elle toujours allumées pour ne point s’évanouir de froid? Suis-je le seul à être aveuglé, envouté par cette chimère ? Figé sur cette image comme un fossile dans la banquise…
Frère, peut-être me liras-tu, le sourire au coin d’une bouche muette disant néanmoins « je t’avais prévenu ». Je sais à quel point cela est désolant de devoir trouver refuge sous sa couette, mais aux tourbillons colossaux de maux, les mots sont souvent nos seuls remèdes. A choisir entre mon lit et mon âme, à en avoir l’intrépidité, je continuerai de chercher ce que nul de nous n’a su encore trouver. Mon âme, armée de dextérité, saura retrouver sa jumelle. Vois-tu, les illusions disparaissent au bout d’un temps.
Chanceux serions-nous d’avoir pu comprendre, un jour, une vie autre que la nôtre…
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