II - La voix de Mars

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Un étrange frisson venait de lui parcourir l'échine, une sorte d'appréhension primaire. Un danger qui venait le prévenir en retournant froidement ses entrailles. Eliam s'était une nouvelle fois endormit sur sa page, sa plume usée avaient roulé jusqu'au bord du pupitre. Maintenant qu'il était réveillé, tous ses sens étaient en alerte. Le moindre hululement de chouette avait toute son attention, avec que cette dernière ne se concentre sur le craquement de sa propre chaise. Quelque chose ne tournait pas rond en cet instant. Allumant le chandelier à l'aide de sa bougie d'écriture, il se leva après avoir remis en place son pupitre. Garder les choses ordonnées avait toujours été un réflexe chez lui.

Curieux, Eliam fit le tour de la pièce, mais rien d'étrange n'était à signaler. La curiosité était de plus en plus grande et la sensation d'un incident imminent de plus en plus grand... Depuis le décès de la princesse, il avait appris à faire confiance à son instinct et s'il le pouvait il ferait tout pour empêcher une nouvelle tragédie.

Tandis qu'il arpentait les couloirs, le soleil commençait à colorer la tête de quelques teintes violet rose. Ce spectacle allié à la muraille de Drafar était impressionnant et beau. Mais Eliam n'avait pas le coeur à s'extasier plus longuement. Ses jambes semblaient s'activer, douées d'une volonté propre.

Lorsqu'il retrouva l'usage de ses membres, il avait sans aucun doute parcouru la moitié de toute la citadelle. Eliam était essoufflé malgré ses améliorations physiques, la perplexité s'était peinte sur son visage.

Devant lui se trouvait la fierté et la raison d'être de guerrier-sage : les cristaux de Mars.

Il les avait déjà rapidement aperçus la première fois qu'il était entré dans le grand hall, mais la situation n'avait pas prêté à l'observation approfondie de ces cristaux quasi-divins. Maintenant, Eliam n'avait d'yeux que pour ces pierres rouges qui semblaient briller d'elle-même dans la pénombre du matin. Aux yeux du jeune homme cela ressemblait à des braises incandescentes que les dieux auraient rendues immortelles. Elle semblait même émettre une certaine chaleur.

L'apprenti s'était laissé aller et avant même qu'on ne lui interdise tout mouvement, sa main avait déjà commencé à enlacer d'un des plus gros cristaux... En effet, les pierres étaient chaudes.

— Que fais-tu ici ?! Gronda la lourde voix du général Glamko.

Eliam avait entrouvert la bouche, il voulait expliquer qu'il ne savait pas vraiment et qu'il s'excusait pour son égarement, mais les mots qu'il désirait exprimer ne s'échappèrent pas de ses lèvres... D'autres emplirent le silence à leur place, d'une voix des plus paisibles créant la surprise chez les deux hommes présents dans la pièce.

— Les cristaux veulent parler.

Les doigts d'Eliam refusaient de se décrocher de la douce chaleur des cristaux. Ce n'était pas qu'Eliam ne pouvait pas s'en détacher, il ne le voulait pas, tout son être désirait rester là, en contact avec la surface lisse et tiède des éléments.

— Qu'est-ce que tu racontes ! Ecarte-toi de l'autel, arrête de souiller les cristaux de Mars. Reprit le général dont le timbre s'était légèrement modifié, exprimant une crainte presque primaire.

L'ordre du général tomba rapidement dans l'oubli lorsque s'échappa un cri tandis que le cristal que tenait Elima commençait à se fissurer éclatant lentement entamant la peau des mains du jeune homme. Le regard d'Eliam ne pouvait se détacher du phénomène. Hypnotisé, il ne ressemblait même pas la douleur tandis que son sang se mêlaient aux petits éclats de pierres.

— Le sang et Vénus dominera Mars. Les Sages Guerriers périront pour leurs vieux péchés. Gare à celui qui n'a pas de famille car celui qui ne croit en rien s'allient aux ténèbres. S'exprima la voix de l'invité d'honneur.

Ses lèvres avaient bougé d'elles-mêmes sans même qu'Eliam n'en connaisse le véritable sens. Une seule vérité s'imposait à lui : il était possédé et annonçait une prophétie.

Après ces quelques mots, Eliam retrouva toute la maîtrise de son corps. Sa main ensanglantée se détacha du cristal rouge qui finit de tomber en morceaux. Eliam resta interdit devant le spectacle. Etait-ce vraiment lui qui avait créé cette situation ?! Ses genoux tremblant céder devant la catastrophe.

— Tu vas payer pour cela... Souffla Glamko, tout aussi interloqué que le fautif.

L'état de confusion du général fut de plus courte durée que celle d'Eliam et dans un mouvement de bête fauve, le gradé se jeta contre le responsable de toute cette horreur. Le plaquage fut si violent qu'Eliam sentit le peu d'air que contenaient encore ses poumons s'échapper d'un seul très. Le choc le maintint davantage dans un état d'hébétude. Il n'eut même pas le réflexe que se défendre et c'est au ralentit qu'Eliam vit le poing du général Glamko s'écraser douloureusement sur son visage, le plongeant dans le noir complet.


*


Eliam se redressa vivement, mais aussitôt la douleur lui arracha un gémissement plaintif tandis qu'une main à la pression douce se posait sur son torse.

— Même si tu n'en as plus pour longtemps... Tu devrais te ménager. Annonça une voix que le jeune homme reconnaissait.

Quand il tourna le visage, Eliam constata la présence de Julius qui lui souriait tristement. Les mots de ce dernier terminèrent de faire le tour du cerveau du scribe.

— Comment ça ? "plus pour longtemps" ?! Répéta Eliam en grimaçant sous une douleur aux côtes.

— Et bien... Tu as brisé un cristal de Mars, tu dois disparaître c'est ta punition. Sans parler de la prophétie que tu as déclenchée... J'ai pu la lire et...

— La lire ? Je crois que je l'ai seulement dite à voix haute. Coupa à nouveau Eliam qui refilait lentement les derniers instants de sa mémoire.

— Peut être... Mais ça c'est aussi inscrit dans ta main. Expliqua le jeune médecin.

Instinctivement, Eliam porta sa main devant ses yeux. Il n'y avait plus aucune trace de sang... Et les coupures qu'il avait senti se graver dans sa chair s'étaient regroupés et liée, comme par magie, pour graver dans sa paume, les mots qui avaient franchi ses lèvres quand il avait touché les pierres. Ces écritures étaient identiques à celles de l'ancien apprenti et brillait de la même couleur que la pierre sacré qu'il avait détruite sans le vouloir.

— Mais... Je n'ai pas fait exprès ! J'étais comme... possédé, je ne pouvais pas m'arrêter. Se plaignit-il en refermant son poing, désespéré.

— Les généraux ne te laisseront jamais repartir. C'est vraiment dommage, je t'aimais bien ! Termina Julius en se levant.

Eliam avait le coeur au bord des lèvres et un mal de crâne infâme. Il ne voulait pas mourir. Les Guerrier Sage semblaient retourner leur veste comme cela les arrangeait ! C'était aussi cruel qu'injuste. Il avait combattu pour eux à son insu, il avait été traité comme un héros ! Et maintenant ?! Il n'était plus qu'un moins que rien, un briseur de trésor, bon qu'à vivre avec les rats et la moisissure d'une geôle.

De rage et d'impuissance, il envoya valser le bol de soupe qu'on avait posé à côté de sa paillasse, il en avait assez de toute cette mascarade. Eliam en avait assez de vivre malheur sur malheur, déconvenue sur déconvenue. Le regard perdu sur le liquide répandu sur le sol, ses yeux s'accrochaient à un petit bout de ferraille.

Une Clé.

Les cieux n'étaient peut-être pas totalement tous contre son existence finalement.


*


Lorsque quelques heures plus tard, tous les généraux furent regroupé pour l'exécution d'Eliam, ce dernier était déjà loin. Avec la chance qu'il lui avait manquée lors de son altercation avec les cristaux de mars, il avait réussi à sortir de la citadelle, voler un cheval resté scellé et partir le plus loin possible. Cela le chagrinait de devoir laisser en plan tout ce qu'il avait accompli dans l'objectif d'être renommé au sein de la grande bibliothèque, mais sa survie était un meilleur argument pour s'éloigner définitivement des guerriers-sages.

Il fallait qu'il tienne bon, qu'il réussisse à atteindre celles qui pourraient tenir tête aux guerriers-sages. Les gardiennes des cristaux de Vénus seraient, sans aucun doute, ravie de pouvoir contester les choix de leurs rivaux ancestraux. Eliam avait bien vu les regards assassins que les deux groupes de protecteurs se lançaient lorsqu'ils avaient assisté au couronnement des nouveaux souverains. Le fugitif devrait encore tenter la chance... Même si prier serait peut-être plus prometteur.

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