Fuite
Des liens. Vérum se réveilla les mains liées à la stèle. Il se retint de crier afin que l’on vienne le libérer. Mauvaise idée, les gardes ne feraient que resserrer les sangles. Deux personnes passaient dans le couloir de stèles, il maîtrisa sa respiration et fit mine d’être connecté à son écran. En se détendant, il se rendit compte que ses poignets s’assouplissaient, et il put se dégager de ses attaches. Vérum enleva l’écran de son front, retira les liens qui lui serraient les chevilles et sauta en toute discrétion de sa stèle. Les gardes se dirigeant vers un abri de verre, Vérum prit le sens inverse vers l’infinité de lits de pierre.
Sa course commença à quatre pattes. Ne voulant se faire remarquer, il essayait de se faire plus petit que ce qui l’entourait. La distance avec les surveillants grandissante, les genoux commencèrent à décoller du sol. Le haut du crâne rasait maintenant les corps inertes, et les cheveux rabattus par un air frais qui venait du flanc droit. La course accélérant, les mains aussi avaient quitté le sol mais les jambes restaient pliées. Le courant d’air s’était fait plus fort. Loin d’être tempête, les yeux de Vérum avaient tout de même tendance à s’assécher dans son parcours. Le corps se pencha en avant, s’aidant de son poids pour accélérer la course, les pieds semblaient flotter au-dessus du sol, et les jambes étaient plus droite encore que les stèles qui les entouraient. C’était maintenant un vent qui soufflait sur son torse. Et la course devenait difficile. Il tourna la tête vers le vent au lieu de le fuir et vit une porte noire d’où sortait un faible rayon de lumière. Il tourna à la pierre qui suivit et s’en alla derrière la porte avant de la refermer derrière lui. Une bourrasque le plaqua contre le métal et à la lumière du jour s’aperçut de sa nudité que les sombres lumières des écrans ne le laissait voir.
Un plateau vide. Orange à l’infini. Rien. Dehors le néant d’un désert où dénote des escaliers de métal et deux plaques suspendues au-dessus de la tête de Vérum. Ce dernier se sentit appelé, le vertige. Il se retourna contre la porte, et regarda l’intérieur par la lucarne. Déora, son nom était inscrit sur la stèle où elle reposait. La jeune femme se réveillait, son front prenant appuie dans ses mains. Vérum ouvrit la porte, et se dirigea vers la stèle de l’éveillée.
- Vous êtes réveillée ?
- Je vous connais… Vérum ?
La jeune femme pinça le visage de son interlocuteur. Ses doigts parcoururent son visage et glissèrent sur ses épaules. Elle l’empoigna au niveau des bras et se mit à crier.
- Qu’est-ce que tu fais là ? Retourne te connecter !
- Vous me connaissez ?
Des gardes arrivèrent, deux de chaque côtés de Vérum. Il n’eut pas le temps de s’en apercevoir qu’il se prit un coup à l’arrière du crâne. Le cou fléchit, et sa tête manqua de peu de se fracturer sur le bord du rectangle de pierre. Déora versait déjà des larmes quand elle comprit où les gardes allaient l’emmener, sans peut-être le reconnecter.
De nouveau, le réveil difficile, mais cette fois-ci Vérum n’était pas allongé. Il est assis et dans une pièce plus grande que lui. En face, un bureau de bois et derrière un homme concentré sur ses affaires. Le tout était encadré par une vitre qui parcourait le mur entier. Ressemblant à une grande peinture impressionniste, cette fenêtre donnait sur l’ensemble des stèles de pierre.
-Ah ! Tu es enfin réveillé. Mon prédécesseur m’avait averti qu’il y avait un certain récidiviste, mais je ne te pensais pas aussi doué. Par contre, avec le petit lavage de crâne qu’il t’a fait, tu ne dois plus te souvenir de grand-chose. Alors permets moi de te souhaiter la bienvenue, et de me présenter, Carcère. Gardien pour dix simulations, il ne m’en reste plus qu’une à finir pour pouvoir y retourner. Mais si tu te déconnectes à chaque fois et sème le trouble, les ordres voudront jamais élire un nouveau gardien pour me remplacer. Approche toi de moi, je vais t’expliquer ce qui se dresse au-delà de la fenêtre. Devant toi, ce sont des milliers de connecteurs où nous nous relions, Nous, les dieux. Tu l’as aussi oublié à force de trop de simulations. La vie en dehors de la connexion est triste et morne. Immortel, je suis sûr que tu as déjà tout essayé une infinité de fois. Il est mieux d’être mortel. Pressé par le temps et la fin, c’est une course que l’on entame dans la découverte des plaisirs. J’ai du mal à te comprendre Vérum. Je t’y laisse te reconnecter plusieurs fois de suite sous apparence humaine et tu trouves toujours le moyen de t’en défaire. Sais-tu qu’être humain se mérite ? Sens, émotions et sentiments sont bien plus fort sous cette forme dans la simulation. Mais il en est fini de ce temps, je vais moi-même te reconnecter.
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