Chapitre 2 - Thomas

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Cette histoire commence en Finlande, je me trouvais dans ce froid pays pour conclure une affaire dans le cadre de mon travail. C'est à cette occasion que je l'ai rencontré.

 J'étais à Helsinki avec des contacts locaux nous étions sortis pour faire la fête. C'était l'hiver et la nuit mangeait une partie de la journée, si bien que je ne sais plus si nous sortions en soirée ou dans l'après-midi. Nous passions un agréable moment dans une boite de nuit au nom étrange de Uneton Yö. Des lumières saccadées agressaient mes yeux et une forte musique électronique me déchiraient les oreilles, l’ensemble suivait le rythme soutenu de mon cœur. Je buvais quelques verres d'alcool local que mes hôtes m'avaient indiqué être de la Salmiakki Kossu. Encore un nom imprononçable, un alcool à base de vodka, de réglisse et plus étrange... de chlorure d’ammonium donnant à cette boisson une saveur piquante. Entraîné par la musique et chauffé par cet alcool à 40 degrés je détachais ma cravate, je retirais mon veston et j'allais danser. Le rythme endiablé de la musique m’excitait autant que le mouvement suave des sveltes femmes blondes ondulant lascivement autour de moi. J'étais rapidement chaud et euphorique, je tentais des approches plus ou moins spontanées et j’arrivais même à engager la conversation avec quelques belles danseuses. Malheureusement le barrage de la langue et le volume de la musique mettait en échec tous mes efforts.

 Après un moment, le ton saccadé de la musique me lassa et je décidais de me retirer dans un coin plus tranquille. Je cherchais un havre en avançant d'un pas rapide. J'ouvrais des portes, je tombais sur un couple enlacé dans une réserve qui ne fit pas attention à moi, j'ouvrais la porte des toilettes des cris féminins me répondirent et je refermais précipitamment. J'arrivais finalement à trouver derrière une porte une salle qui était plus silencieuse. Les clients présents sirotaient lentement des breuvages variés, somnolaient pesamment ou discutaient à voix basses autour de petites tables rondes dans une ambiance feutrée : lambris de bois, banquettes pourpres molletonnées, tentures séparant la pièce en alcôves et éclairage tamisé.

 Je cherchais dans la pénombre ambiante un lieu où me poser quelques instants, je sentais mon cœur battre rapidement dans ma poitrine. Je trouvais finalement une alcôve libre, je m'avançais prudemment pour ne pas tomber en me cognant à la table basse et je m'asseyais lourdement sur la banquette moelleuse. Je reprenais mon souffle tranquillement, mes paupières papillonnèrent. Mais alors que je commençais à m'assoupir je vis devant moi un point de braise attisé. Je me redressais et je découvris une cigarette surmontée de deux magnifiques yeux d'un bleu azuréen qui m'observaient. Ce regard me happa instantanément tel un insecte attiré par une source de lumière. Je bredouillais quelques mots en anglais.

« Bonjour, je croyais que cette place était libre... »

Cette personne dont je ne voyais que les beaux yeux, et la cigarette, ne répondit pas immédiatement, seul un nuage de fumée s’échappa de l'ombre d'où elle se trouvait. Je recommençais, cette fois-ci un peu plus hésitant.

« Si je vous dérange je peux partir ? »

Un nouveau voile de vapeur de tabac m’enveloppa. Une envoûtante voix féminine sortit alors de l'ombre et me parla en anglais avec un léger accent particulièrement séduisant.

«D'où venez-vous ?»

Je répondais encouragé par cette douce voix suave.

«France. »

La cigarette sortit de l'ombre tenu par une main aux doigts graciles, un bras délicat suivit, puis un visage, un visage magnifique, un soleil venait de se lever et m'éblouissait! De long cheveux blond vaporeux encadraient un visage pâle contrasté par de fines lèvres pourpres, et ses beaux yeux d'un bleu azuréen me fixaient avec une rare intensité. Un frisson d’excitation et d’envie m'envahit instantanément. La femme écrasa la cigarette dans un cendrier sur la table basse.

« et que faite vous ici ? » dit-elle en me lançant un sourire qui, alors que j’étais sous l'emprise de la fatigue et de la faim, m’excita pourtant.

«En Finlande ? pour les affaires. Et dans cette boite ? Parce que mes partenaires m'ont invité, et dans cette pièce pour me reposer les sens.» dit-je. « Mais, et vous pourquoi êtes vous là seule dans la solitude de cette alcôve. Une si belle femme ne devrait pas être seule... »

La femme esquissa un sourire en coin.

« Mais qui vous dit que je suis seule ? Mon compagnon est simplement encore en train de danser, voilà tout.»

Je répondais tu tact au tac.

«S'il vous laisse seule c'est un idiot, il devrait être avec vous ici! »

Elle me sourit franchement laissant entrevoir une parfaite dentition blanche entre ses deux fines lèvres grenats.

« Vous avez sûrement raison, mais que voulez-vous les hommes m'ont souvent déçu et je m'y suis habituée. »

Dans l'espoir de la séduire je reprenais.

«Vous ne devriez pas ! Il existe sûrement un homme qui saura vous convenir et ne pas vous décevoir. »

Elle émit un léger rire et secoua doucement la tête.

« Et je suppose que vous allez me dire que vous êtes cet homme ! »

« Et pourquoi pas ?! Je suis pas mal après tout, je suis compréhensif et facile à vivre.»

«Et modeste qui plus est... » me dit-elle ironiquement.

Je continuais pour le plaisir de la discussion et surtout dans l'espoir de l'accrocher à mon tableau de chasse.

«Je ne vais pas feindre une fausse modestie je suis comme je suis ! Je préfère être directe et pour vous le prouver je vais être franc je n’ai jamais vu une beauté pareille à la vôtre. »

Elle recommença à me sourire en coin, d'une mine peut être moqueuse ou ironique.

« Incorrigible français ! Mais alors, si je suis si belle...pourquoi suis-je seule ici?»

Sa question me désarçonna un peu.

« Votre ami est parti vous chercher à boire ?»

Elle croisa les bras et me fit non de la tête.

« Il est aux toilettes ? Il a trop bu et il est malade? »

Toujours non. Je me laissais prendre au jeu et je continuais.

«Vous vous êtes disputés ? »

« Vous pensez peut être que je suis caractérielle ? »

Je souris en répondant.

«Non mais c'est peut être lui qui est difficile»

Elle rit de manière détendue, un bon signe me dit-je.

« Non, en fait je suis venue seule dans cette boite.»

«Pourquoi êtes vous dans cette pièce alors ? Si vous vouliez danser vous ne seriez pas là et si vous vouliez rencontrer quelqu'un...et bien vous ne seriez déjà plus seule... »

« Mais je ne suis plus seule, vous êtes là. » me dit-elle en souriant à moitié moqueuse. « Et puis je pourrais très bien ne faire qu'une petite pause avant de repartir danser, non ? »

«Oui c'est vrai, mais j'ai l'impression que vous êtes là depuis un certain temps.»

« Alors vous avez un don ! » dit-elle en rigolant.

« Mais pourquoi êtes-vous seule ici cachée dans cette pénombre? »

«Parce que j'aime l'obscurité. »

«Moi aussi, mais sérieusement que faite vous ici ? »

Elle s’avança vers moi laissant apparaître une poitrine ferme et menue sous un chemisier blanc immaculé. Elle me sourit et chuchota de sa voix suave quelques mots sur le ton de la confidence.

« En fait je suis chez moi.»

«Pardon ? »

« Je suis la propriétaire des lieux. »

J'étais un peu gêné, je ne sais dire pourquoi, sans doute avais-je peur. Peur des éventuelles conséquences… et peur quelle ait de l'expérience concernant les séducteurs dans mon genre. Je me redressais et je tentais de reprendre la discussion.

« Voilà pourquoi vous êtes seule alors… mais vous n'avez pas un bureau et vos employés ? »

« J'ai un bureau mais je préfère venir me détendre ici et pour mes employés ils savent ce qu'ils ont à faire, je n'ai pas besoin de les surveiller en permanence. »

« D'accord, mais j'espère que je ne vous dérange pas dans votre pause ? »

« Pas du tout... Mais vous me semblez être sur la défensive maintenant... j'aimais bien lorsque vous étiez plus entreprenant. » me dit-elle avec un sourire narquois.

Je fus vexé et je la regardais, elle était si proche de moi, une femme magnifique et si désirable.

« C'est à dire que je ne souhaite pas vous gêner. Si les autres clients ou vos employés nous voient. »

« Tous les clients ne savent pas qui je suis et mes employés n'ont aucunes leçons à me donner. Mais si c'est vous que cela gêne vous pouvez m'accompagner dans un endroit plus discret. » dit-elle avec un sourire espiègle. La pénombre ne dissimula pas à ses yeux mon visage qui rougit et elle rit en le voyant.

« J'ai fini ma pause. » me dit-elle. Elle se leva avec une grâce féline, son corps émergea de la pénombre me dévoilant une apparence sublime. Son chemisier était tendue par sa poitrine et son pantalon sombre épousait ses longues jambes galbées. Ses cheveux long d'un blond vaporeux ondulaient gracieusement sur ses épaules. Elle rayonnait d'un teint à la blancheur virginale et le contraste avec la noirceur environnante était saisissant. Elle s’arrêta au sortir de l’alcôve, et se retourna vers moi, sûre d'elle, ses yeux d'un bleu azuréen dardaient des regards séducteurs vers moi et ses fines lèvres rouges esquissaient un sourire provocateur.

J'étais subjugué et je crois que j'avais la bouche pendante lorsqu'elle s’arrêta devant moi.

« Bon si vous ne venez pas je vous souhaite une bonne fin de soirée. »

Elle commença à partir et je contemplais le bas de son dos comme hypnotisé par ces fesses fermes et légèrement rebondies. Je ne pus réprimer un cri du cœur, ou d'ailleurs...

« Attendez ! Je viens.»

Je la suivais à travers un méandre de couloirs jusqu'à son bureau. Nous passions une porte sur laquelle était inscrit 'Direction'. Au centre de la pièce un massif bureau d’ébène trônait sur un grand tapis persan aux délicates fleurs brodées d'or sur fond de pourpre. Dans un coin des étagères de bois sombre étaient chargés de nombreux livres et dossiers. Dans l'autre coin se trouvait un canapé d'angle et une table basse. Elle s’avança jusqu’à son bureau, je restais là sans trop savoir quoi faire, je refermais la porte et je découvrais sur le mur, de part et d'autres de la porte des photos et des peintures. Sur plusieurs d'entre elles se trouvaient la femme que je venais de suivre, ou en tout cas elles étaient de la même famille car l'une des peintures était vraisemblablement ancienne. J'entendis la femme se déplacer et je sentis son souffle à mes cotés avant qu'elle ne parle.

« Des souvenirs de famille. Vous voulez boire quelque chose ?»

Je me tournais vers elle et je découvrais un triste profil, elle était blême empreinte d'une immense tristesse. Elle regardait les cadres avec une intensité tangible. J'étais ému devant cette beauté mélancolique.

« Non merci, j'ai assez bu pour ce soir. »

Elle tourna la tête vers moi, sa tristesse remplacée par un instant d'incompréhension.

«Pardon ? Ah oui, de l'eau. Vous devriez boire de l'eau, ça vous fera du bien et vous évitera un bon mal de crâne demain. Et...comment vous appelez-vous ? »

Je ris un instant en me rendant compte que je ne connaissais même pas son nom.

«On a fait les chose à l'envers. On ne s'est même pas présenté ! Je suis Thomas Mauclerc, ravit de vous rencontrer ! Et je veux bien un verre d'eau.»

Elle rit elle aussi. Mais d'une voix cristalline, clair et d'une netteté telle que mon propre rire m’écorcha les oreilles.

« Je suis Anya Fersen, et on peut se tutoyer.»

«D'accord Anya. »

Anya alla jusqu'à son bureau prit la bouteille qui si trouvait et me servit un verre d'eau. Elle posa le verre sur la table basse et s’installa sur le canapé, je la suivis et m'assis à ses cotés. Nous discutions de mon travail, de sa discothèque et nous finissions par plaisanter ensemble. A plusieurs reprises j'hésitais à fondre sur elle, je sentais venir l’occasion et je me penchais vers elle mais elle détourna la tête au dernier moment, j'embrassais sa joue et elle me repoussa doucement mais avec une force qui me surpris. Je la regardais confus.

« Euh je suis désolé, je pensais que tu, enfin que... »

Elle sourit l'air un peu embêtée.

« Tu m'as l'air fatigué, on vient juste de se rencontrer et puis c'est mon bureau. »

« Ah euh je comprend, enfin je crois. »

« On peut se voir demain si tu veux ? Je t’emmènerai dans un endroit spécial.» me dit-elle avec son visage angélique. J'étais très excité bien sûr, mais la fatigue et la faim m’épuisaient.

« D'accord je suis à l'hôtel Haven, à quelle heure ? »

« 17h ? »

« C'est pas un peu tôt ?»

«On ira se promener. Plus tard je travaille. Tiens je te donne mon numéro de téléphone.»

«Ok, merci.»

« Je viendrais te chercher à 17h demain à l'hôtel Haven, monsieur Mauclerc. » ajouta-t-elle avec un air mutin.

Nous discutions encore quelques minutes puis je prenais congés d'elle. Avant de la quitter, j'hésitais, elle était là seule avec moi. Mais je me contentais de déposais un baiser sur sa joue en lui souhaitant une bonne nuit.

***

Une grosse berline roulait à vive allure dans la rue déserte à cette heure de la nuit. Le reflets des façades défilaient rapidement sur les vitres et la carrosserie éclairé par les lampadaires. Une ombre apparu sur l'un des toits des bâtiments de la rue. L'apparition se déplaçait sur les façades avec une agilité inhabituelle, elle bondit de toit en toit suivant la voiture en contrebas. La poursuite continua ainsi jusqu'à la sortie de la ville. L'ombre se laissa tomber au sol sans mal et sans un bruit. Elle courut furtivement sur le bas coté à bonne distance de la voiture. Le véhicule arriva finalement à sa destination, elle s’arrêta devant un grand portail d'enceinte gardé par une guérite. La voiture disparue derrière le mur d'enceinte, la créature d'ombre regarda le mur de briques rouges quelques instants et se détourna avant de repartir dans les profondeurs de la nuit.

***

Je passais une courte nuit hantée par l'image d'Anya. En ouvrant les yeux j'étais intrigué. J'étais en colère avec moi-même, cela faisait longtemps que je n’avais pas ressentit cela et je n'aimais pas ça. Cette attirance au delà du simple désir sexuel. J'avais déjà connu l'amour et l'histoire s'était terminée avec une douleur si grande pour moi que je ne voulais pas revivre ça. Lorsque j'avais perdu mon premier amour j’avais voulu mourir mais l'instinct de survie avait été plus fort et j'avais continué ma vie tant bien que mal.

 Le matin j'étais un peu vaseux, j'avais une violente douleur au ventre mais je n'avais pas mal au crâne. Je me lavais longuement avant d'aller prendre un café au restaurant de l'hôtel. Je passais la journée à l'hôtel à me reposer, télévision, ordinateur et bouquin. Plus la journée passait plus j'étais fébrile, impatient de revoir Anya. Vers 15h je commençais à tourner en rond, je me lavais à nouveau, je me rasais de près et je changeais plusieurs fois de vêtements. Je sentais bien que ce rendez-vous prenait une importance bien trop grande. J'étais perdu dans mes réflexions et mes souvenirs lorsque sonna le téléphone de la chambre. La réception m’indiqua que quelqu'un m'attendait dans le hall de l'hôtel. Je prenais mon manteau, mon écharpe et mon bonnet et je quittais précipitamment la chambre en claquant la porte.

 Avant d'arriver dans le hall j’arrêtais de courir, je remettais mes vêtements bien en place, je me contraignais à prendre un air neutre et j'entrais. Anya était là, toujours aussi rayonnante, elle avait revêtu un lourd manteau de fourrure et elle avait une chapka dans la main. J’allais vers elle d'un pas se voulant tranquille alors qu'en fait je trépignais. Il en aurait fallu bien peu pour que je me jette sur elle. J'arrivais à sa hauteur et je l'embrassais sur les deux joues.

« Bonjour ou Bonsoir Anya.»

« Bonsoir Thomas. »

Anya m'amena à travers les rues couvertes par un linceul blanc de neige. Nous discutions en marchant et plus je lui parlait plus mon cœur se serrait. Je la suivais sans savoir notre destination, au bout d'une heure de marche dans le froid de l'hiver scandinave nous arrivâmes devant un grand édifice au style romantique faisant penser à un mélange entre une église et un château. Le bâtiment avait une architecture en croix, il possédait de nombreuses fenêtres, un beffroi et à chaque coin de petites échauguettes. Je me tournais vers elle.

« C'est ici ? »

« Oui le Suomen kansallismuseo, le musée national finlandais. Comme ça tu connaîtras un peu mieux mon pays. » me dit-elle avec un sourire radieux.

Nous entrions et la visite dura presque deux heures. Nous bavardions de tout et de rien et je me laissais bercer pas sa douce voix. Lorsqu'elle se détournait pour regarder des objets ou une vitrine j'en profitais pour la dévorer des yeux. Sa beauté avait sur moi l'effet d'un aimant, mais son caractère, sa voix et sa discussion étaient simplement dévastateur. Entre deux salles d'exposition je me dis qu'il fallait conclure cette histoire au plus vite sous peine de me laisser entraîner trop loin. Je tentais de me persuader et je me répétais : pas de sentiment. Je la suivais en admirant son corps avec appétit.

Après cette visite du musée nous allâmes dans un restaurant. Nous ne mangions presque rien, trop occupés à nous parler tout en nous observant l'un l'autre tel deux animaux exécutant une parade nuptiale complexe. En sortant du restaurant, je lui proposais avec une absence de tac flagrante de passer à mon hôtel, ce qu'elle refusa avec beaucoup de diplomatie en me rappelant son travail. Je l'accompagnais donc jusqu'à sa boite de nuit. J'étais frustré et envahi par le désir mais je me contrôlais. Je posais mes lèvres sur les siennes, elle ne se déroba pas, je goûtais au parfum de l'amour entre ses douces lèvres. Je frémis et je du faire preuve d'une volonté surhumaine pour ne pas l’emmener avec moi. Je lui dis au revoir avec regrets et je retournais à l'hôtel le ventre noué.

***

Une forme indistincte se coule le long d'un haut mur de brique rouge. Elle se déplace rapidement avec une vivacité surnaturelle. L'ombre passe si vite quelle peut slalomer entre les caméras de surveillance. Elle trouve une porte fermée, dont l'accès est sécurisée par un lecteur de cartes. Elle attend dans l'obscurité sans aucun mouvement telle la nuit elle même. Puis la porte s'ouvre deux hommes sortent, ils sont emmitouflés dans d'épais blousons, une lampe torche en main et des armes à la ceinture, ils passent à coté de la forme dissimulée, sans la voir. Ils discutent et ne font pas attention à l'ombre qui pénètre dans le bâtiment alors que la porte est en train de se refermer.

***

Je me réveillais après une nuit difficile. J'avais encore rêvé d'Anya et je devais me rendre à l'évidence, j'éprouvais des sentiments pour elle. Je n'avais jamais vraiment cru au coup de foudre ou bien connaître à nouveau l'amour mais c'était pourtant ce qui m'arrivait. Je me sentais en manque, le visage d'Anya passa à nouveau dans mon esprit. Je patientais pourtant avant de l'appeler, je prenais ma douche, je prenais un café et j'attendais 11h pour l'appeler.

«Bonjour Anya. »

«Bonjour Thomas. »

« Ça va ? On peut se voir aujourd'hui. »

« Désolée Thomas mais j'ai eu une nuit épuisante, je ne pourrais pas aujourd'hui. »

« Ah, mais tu sais, je ne pourrais pas rester encore longtemps à Helsinki. Je vais devoir partir.»

Il y eu un long silence, puis j'entendis la voix d'Anya empreinte d'une hésitation inhabituelle.

« Tu reste encore combien de temps ? »

« Je peux retarder mon départ de un ou deux jours. Mais je devrais partir avant la fin de cette semaine. »

Sa respiration s'accéléra.

« Je peux venir à ton hôtel ? » me dit-elle d'un ton vif.

«Maintenant ? »

« Si tu dois bientôt partir nous n'avons plus de temps à perdre, non ? »

« Sans doutes, je t'attends. »

Je n'eus pas longtemps à attendre un peu moins d'une heure plus tard on frappa à ma porte. J'ouvris, Anya se précipita sur moi, elle se dressa sur la pointe des pieds, me prit la tête entre ses mains et m’embrassa vigoureusement. Je pouvais sentir irradier d'elle une agréable fraîcheur. Je m’échappais un instant de son étreinte pour refermer la porte. Je me retournais et je l’emmenais jusqu'à la chambre. Je pouvais voir sa peau d'albâtre, j'admirais son corps, son cou, son visage. Mon regard effleurait ses fines lèvres rouges et je m'abandonnais dans ses yeux azur. Elle me sourit, je me penchais vers elle et je l'embrassais dans le cou, au coin de l'oreille et enfin je posais mes lèvres sur les siennes. Je frémis d'excitation en ressentant la douceur de ses lèvres et cette fraîcheur exaltante. Nous nous embrassions de plus en plus sauvagement, et nous tombions de tout notre long sur le lit. Elle arracha les boutons de ma chemise, je lui déboutonnais maladroitement la sienne. Elle griffa et lécha mon torse, je caressais et embrassais ses seins. Nous retirions précipitamment nos pantalons enivrés par l'excitation. Nous nous enlacions et je sentais la froideur de son corps contre mon corps chaud. Nous nous abandonnions dans l'amour charnel comme deux êtres sans avenir. Je l'aimais comme je ne l'avais pas fait, comme je ne l’avais pas ressenti, depuis des siècles. Après m'avoir sauvagement chevauchée elle s’effondra sur moi, l’oreille contre mon torse.

Quelques secondes s'écoulèrent puis j'entendis sa voix hésitante.

«Thomas ? C'est étrange ton cœur ? »

« Je sais.» dit-je en lui caressant doucement les cheveux.

« Il bat si vite ! »

Je répondais d'une voix neutre, machinalement.

« C'est une anomalie cardiaque sans gravité. »

Elle sembla rassurée et je n'ajoutais rien, encore trop indécis. Nous restions là silencieux sous les draps l'un contre l'autre pendant une bonne heure. J'étais en proie à un conflit intérieur, agité par des sentiments contradictoires. Je pensais à ma première femme, j'étais la proie a des sentiments contradictoires, la culpabilité, la tristesse, l'optimisme... et je me rappelais de cette douleur insupportable lorsque j'avais perdu ma première femme. Je regardais Anya, elle s'était endormie, elle était couchée sur moi ignorante de mes tourments, sa tête blottie sur le haut de mon torse, j'étais immobile et je contemplait son visage d'ange. Lorsque elle bougea enfin. J'avais pris ma décision.

« Anya j'ai quelque chose à te dire. »

« Oui. »

« Je crois que je vais rester à Helsinki. »

Elle se redressa l’air surpris. Je prenais mon courage en main pour ajouter.

« Je m'était juré de ne plus jamais dire ça mais … je t'aime. »

« Tu te fiches de moi, on ne se connaît que depuis quelques jours… c'est pas marrant.» me dit-elle en relevant le buste, le draps glissa d'elle révélant sa fière poitrine.

« Non je suis très sérieux. Je… j'espérais que toi aussi tu.»

« Ce qui est certain c'est que je reste moi aussi à Helsinki mais pour la suite… je ne sais pas… tu te fous pas de moi au moins ?»

Elle m’étudia attentivement du regard.

Je la regardais avec un mélange d’angoisse et d'amour, je lui dis avec la plus grande honnêteté possible.

« J'ai déjà aimé et je sais que je t'aime même si j'aurais préféré ne plus jamais ressentir cela. »

Elle me regarda intensément en cherchant un élément de réponse sur mes traits.

« Mais pourquoi tu dis cela ? C'est terrible de ne plus vouloir aimer ? »

« J'ai perdu celle que j'aimais, je ne voulais plus connaître la même détresse. »

« Je comprends. Laisse moi un peu de temps... et reste à Helsinki s'il te plaît.» ajouta elle avec un air suppliant.

«Ne craint rien je reste. Mais il y a... »

« Quoi ? »

« Rien, ce n'est pas facile pour moi. Ça va aller ne t'en fait pas. » Elle me sourit et m’embrassa avec passion.

Elle se leva me révélant sa sublime nudité. Elle s'éclipsa jusqu'à la salle de bain et j'entendis la douche couler. Je réfléchis quelques minutes inquiet par la tournure des événements, comment pouvais-je continuer sur cette voie ? Je haussais les épaules et j'allais rejoindre Anya dans la salle de bain. Elle sortit de la douche l'eau coulant sur son corps svelte. Je lui souris et je prenais sa place dans la douche. Je me laissais aller sous le jet d'eau pensant à la suite des événements, comment réussir à concilier mon amour pour Anya et ma vie. J'étais encore sous l'eau lorsque j'entendis un hurlement venir de la chambre.

***

Thomas sortit de la salle de bain à une vitesse surhumaine, la porte n'était toujours pas refermée qu'il avait déjà découvert et analysé la situation. Anya était là dans la chambre elle avait ouvert le réfrigérateur du bar et elle avait découvert ce qu'il contenait. Thomas agit en un instant et il frappa aussi doucement qu'il le pouvait. Anya s'effondra au sol comme une poupée inanimée. Au même instant la porte de la salle de bain se referma en claquant. Thomas tira le corps d'Anya sur le lit et la recouvrit du drap. Il s'assit sur le bord du lit face au frigo encore ouvert, des larmes coulaient de ses yeux gris sur ses joues livides, il regardait le contenu du réfrigérateur : des poches de sang et une tête. En dévisageant cette tête Thomas se dit que celui-là avait décidément causé bien des ennuis.

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