L'antre du Dragon

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  Le ciel était sombre, chargé de nuage. La nuit recouvrait doucement les montagnes d’Eltrine de son voile. Un vent violent serpentait entre ces monts inhospitalités, délaissé par la vie, seulement habitué par quelques créatures magiques pour la plupart très dangereux : dragons, chimères, wyverns... des monstres capables de résister à cette environnement hostile, soumis aux caprices de la nature et de la magie, omniprésence dans ce dédale gigantesque. Les falaises abrutes de ces imposants reliefs étaient depuis toujours un piège mortel pour les aventuriers, mages et sorciers qui osaient s’y attaquer.

 Un groupe d’homme gravissait justement l’un de ces majestueux pics implacables, celui qu’on appelait le Piton écailleux. Cette montagne était recouverte de pierre gigantesques de forme triangulaire, agencées de sorte que de loin, ce sommet semblait couvert d’écailles. Cette structure le rendait quasiment impossible à escalader par des moyens conventionnels. Toutes ces roches étaient aussi le nid de bons nombres de grottes pour les créatures fantastiques.

 Une bourrasque faillit emporter l’un des dix courageux, rattrapé de justesse par l’un de ses camarades. Levant la tête, il aperçut une ombre les survoler et pénétrer la caverne les surplombant. Se reconcentrant sur son camarade, il créa un pare à vent temporaire en pierre. Les courant d’air hurlaient si fort que les deux compagnons devaient s’arracher les cordes vocales pour communiquer :

  • Ça va, Isaac ?!
  • Non !! Je déteste cet endroit !!
  • Courage ! Dans une cinquantaine de mètre et nous attendrons la caverne !
  • Il y a intérêt !!

 Après cette ascension interminable, ils atteignirent enfin leur but : l’entrée d’une caverne ; large et haute, fait pour une grande créature. A l’abri dans la grotte, les dix hommes profitèrent d’un peu de repos. Cette exténuante escalade avait épuisé une grande partie de leur magie en créant des boucliers. C’était un sort efficace, bien que couteux. 

 Le chef de la troupe de sorcier, Magellan, un puissant sage d’âge mûr, appela tous ses compagnons :

  • Tout le monde va bien ?!
  • Oui... ça peut aller... plus jamais...
  • Vos reliques sont intactes ?!

 Ils acquiescèrent. Isaac regarda son orbe de cristal écarlate, un joyau extrêmement rare et puissant. Elle n’avait rien heureusement. Ses objets sont des catalyseurs. Il en existe de toutes formes et de toutes spécialités : des baguettes, des sphères, des grimoires, composants magiques, organes de monstres... pour les magies élémentaires, de guérison, télépathiques... Chaque relique avait sa spécialité mais n’empêchait pas l’utilisation des autres. Elle rendait juste la sien bien plus puissante pour son utilisateur.

 La puissance d’un mage, sorcier, enchanteur, paladin, et autres titres utilisant la magie était lié à deux choses : le potentiel inné ; hélas personne ne naissait égaux pour cela ; et la relique. La force de celle-ci était soumise à de nombreux paramètres : sa rareté, la complexité de sa création, la puissance de son fabricant, la puissance du monstre dont elle provenait... 

Après quelques secondes, Magellan reprit :

  • Notre cible est déjà là. Lors de l’ascension...

 Soudain, le sol se mit à trembler. La caverne vibra violement. Un hurlement, un cri de bête enragé venant des entrailles de la montagne, repoussa les hommes vers le vide. Deux d’entre eux furent projeter dans le vide. Une bourrasque de vent retint les autres. Une tournade descendit des nuages et s’arrêta devant l’entrée de la grotte. Le chef de l’expédition s’époumona, avant d’exécuter son ordre lui-même :

  • Tout le monde contre les murs !! Vite !!

 Tous suivirent sa directive. Le tourbillon... non... le typhon s’engouffra dans l’ouverture dans un vacarme assourdi. Le vent planqua tous les explorateurs contre les parois. Malheureusement, l’un d’eux fut entrainé vers le fond de la caverne. Il cria, mais personne ne l’entendit.

 Le calme revint enfin. Maintenant libre de leur mouvement, ils se relevèrent et Magellan compta sa troupe. Ils n’étaient plus que sept. Il soupira et croisa les doigts afin d’adresser une prière aux défunts. Isaac s’approcha de lui, râlant sur sa tunique en cuir de dragon rouge maintenant très abimé, et demanda d’une voix transpirant de colère :

  • C'était quoi ça !? 
  • Le pouvoir de notre cible. Il est bien plus puissant que ce que je pensais.
  • Il sait que l’on arrive pour avoir fait ça !
  • Non. Cette attaque n’était pas dirigée contre nous. Sinon nous ne serions plus là pour en parler.
  • Quoi !?
  • Arrête de hurler. Si cela nous ne sommes pas déjà repérés, pas la peine de faire en sorte que ce soit le cas. Cette attaque ne nous était pas destinée. Nous sommes un dommage collatéral. Je ne sais pas ce qui se passe au fond de cette grotte mais c’était violent.

 Puis il s’adressa à toute sa troupe :

  • Préparez-vous. On avance dans cinq minutes.

 Une fois remis de cette épreuve, les sorciers se mirent en route vers les profondeurs de la montagne. Une flamme dans la main, le chef menait son groupe. Après quelques minutes, ils tombèrent sur le corps de leur camarade, déchiqueté par le vent, la tête écrasée contre la paroi. Le sang ruisselait et coulait doucement vers le centre de la caverne. Ils baissèrent à la tête en signe de respect et continuèrent. Puis, quelques mètres plus loin, ils aperçurent l’entrer d’une grande salle. En s’approchant, ils virent un énorme corps monstrueux dans l’ouverture. Magellan arrêta son groupe d’une main. C'était une chimère, un monstre au corps de lion avec une queue écailleuse à tête de serpent, une tête de bouc sur le cou. La créature et deux fois plus grande qu’un cheval. 

 Apres observation rapide, ils comprirent que la créature était morte, depuis peu. Elle était encore chaude. Son sang fuyait par d’innombrables coupures et inondait le sol. Le sorcier avança et regarda la pièce qui s’offrait à eux, dissimuler grâce à la chimère, et vit enfin leur cible : le dragon noir. Le plus puissant de tous. Sa simple présence intimidait le sorcier. Son aura magique surclassait celle de toute les montres qu’il avait affrontées jusque-là. Il était magnifique : des écailles noires plus sombre que la nuit, d’immenses ailes semblables à celle de chauve-souris, des pattes puissantes, munies d’épaisses griffes. Une crête de corne démarrait de sa tête et courrait sur toute sa colonne vertébrale pour finir sur le bout de sa queue en une masse épineuse mortelle. Son museau était allongé. Ses yeux étaient d’un bleu ciel hypnotisant et tranchait par rapport à son apparence très sombre et inquiétante.

 Magellan aperçut contre le mur du fond le corps inanimé d’une femme, probablement l’une des victimes enlevées par le reptile géant. Au pied du dragon se trouvait un petit amas de tissu. Le dragon le fixait. Il ouvrit la gueule et commença à baisser le cou vers lui. Le magicien entrevit une petite main sortir du baluchon pour s’y dissimuler. Ni une ni deux, le chef de la troupe sortit de sa cachette et avança. Il tendit le bras droit vers la bête. La bague à son majeur, un bijou en platine avec un gemme en ambre, rayonna. Un éclair surgit et frappa le flan du monstre. Il hurla et se tourna vers son agresseur. Les autres magiciens sortirent et se placèrent à côté de leur chef. Celui-ci leur cria :

  • Notre mission est de tuer ce dragon et de sauver ce bébé ! Adraim ! Tu es le plus rapide ! Dès que tu vois une ouverture, fonce et met-le hors de danger ! Tous les autres, concentrez-vous sur l’élimination de ce démon !
  • À vos ordres !

 Une voix roque, imposant et puissante résonna dans la caverne, obligeant les hommes présents à plier les genoux :

  • Maudites créatures ! Vous avez choisi le mauvais moment ! Je vais vous dévorer jusqu’aux derniers, mortels !! 

 Le mage de foudre sentit une haine inimaginable dans ses mots, mais pas dirigé contre eux uniquement. Pas le temps de réfléchir. Il claqua ses paumes. Deux éclairs apparurent et foncèrent vers la bête pour l’immobiliser, mais d’un rugissement. Le dragon dissipa le sortilège. Isaac s’éloigna du groupe et lança plusieurs boules de feu. La créature, d’un simple mouvement de patte, produisit un vent violent qui dévia les projectiles vers ses amis. Elles furent bloquées de justesse par l’un de ses compagnons qui créa un mur de pierre. Le dragon chargea et explosa la protection. Tous en rechapèrent sauf un qui ne réussit pas à s’éloigner assez. Les mâchoires du démon noir se refermèrent sur lui. Du sang gicla. Le pauvre homme fut dévoré. 

 La terreur commença à envahir l’esprit des mages. Comment battre un colosse pareil ? C'était impossible. Le monstre tourna son regard assoiffé de sang vers le groupe. Quasiment tous se figèrent de peur. Plusieurs arcs électriques le frappèrent au museau. Magellan hurla à ses compagnons : 

  • Courage mes amis ! Nous avons une mission !! Il est de notre devoir d’éliminer ce dragon ! Pour protéger les femmes et enfants de notre royaume ! Pour venger toutes victimes et apporter la paix à leur famille ! Allons-y mes frères !!

 Ce discours requinqua les sorciers qui y trouvèrent un second souffle. La voix de la bête résonna de nouveau :

  • Vous pensez vraiment pouvoir me vaincre, mortels ? Ça fait plus de mille ans que j’existe !
  • Et ton existence touche à sa fin en ce jour, dragon !

 Le combat reprit. Les hommes, motivés, s’élancèrent au-devant du danger. Les boules de feu plurent sur le démon noir. Des murs de pierres l’empêchait de se mouvoir correctement. La foudre frappait pour le déconcentrer. Mais il ne se laissait pas faire. Il ripostait avec des coups de pattes, de queue, de puissant hurlement et bourrasque de vent. Un magicien fut coupé en deux pour entailler son flan. Un autre fut empalé sur les pics de sa queue. Une tornade souleva un troisième. En retombant, il fut gobé par le dragon. 

 Ils n’étaient maintenant plus que quatre, fatigués et exténués par cet affrontement. Magellan avait perdu le bras gauche. Un autre avait perdu une jambe. Adraim avait le flan et le visage à moitié brulé par un trait de feu dévié, mais il avait réussi à sauver le bébé, le maintenant contre lui sur son côté valide. Seul Isaac se portait encore assez bien, malgré l’épuisement. Mais le colosse d’écaille était lui aussi en mauvaise état. Son armure sombre était parsemée de trou, laissant sa chair à vif. Ses ailés étaient partiellement déchirées. Il boitait sur sa patte avant gauche. 

  • Maudit mortel, lança-t-il. J'admets votre puissance. Mais votre bravoure s’arrête ici.

 Le chef de ce qui restait de cette mission chuchota à ses hommes :

  • J'ai un plan mais ça sera tout ou rien. Isaac, Adriam, essayez de le distraire. Morgan, protège-moi. Je vais lancer mon sort le plus puissant en espérant que ça suffise.

 Après que le nouveau-nés, les deux sorcières se levèrent et repartirent à l’assaut. Magellan ferma les yeux et se concentra. Le mage en armure de dragon rouge tournait autour de sa cible, à l’opposé de son compagnon. Tous les deux le harcelaient de projectiles enflammés. La créature ne les déviait plus. Ses coups étaient esquivés sans problème. Son état l’avait rendu lent et faible. Après une minute, le dragon hurla de rage, la volonté du dernier souffle. Le cri propulsa contre le mur Isaac et son compagnon. Son orbe à l’impact se brisa. La bête s’élança vers ses deux derniers adversaires. Morgan avança pour protéger son chef. Il créa un mur de roche mais celui-ci fut brisé comme s’il s’agissait de verre. Lui fut écrasé sous la patte du monstre. Le dragon ouvrit la gueule et s’apprêta à dévorer sa cible. Magellan tendit le bras vers la gorge de son opposant et relâcha son sortilège. Le tonnerre résonna dans la caverne. Le mage s’entoura d'une aura électrique. La foudre pénétra la gueule du démon noir. Il hurla de douleur. Après quelques instants, son corps fuma, émettant une odeur de brulée très désagréable. Il tituba et s’écroula, mort. 

 Le regard du sorcier se tourna vers le bébé. Il n‘avait pas une égratignure, les lunes soient lunées. Isaac et Adraim se relevèrent et le rejoignirent. 

  • J’en pouvais plus, fit ce dernier en s’asseyant.
  • Nous avons perdu sept compagnons pour l’abattre.
  • Ils ont été vengés, ainsi que toutes ses victimes, clama le mage en armure de dragon rouge.
  • Certes. Pouvez-vous allez examiner le corps de la femme au fond si le combat l’a épargnée. Je vais regarder si cet enfant va bien.

 Ils s’approchèrent du cadavre de la femme. Miraculeusement, il avait survécu. On aurait même dit qu’il avait été volontairement protégé : pas une seule tache ou éraflure. Une zone autour d’elle était vierge de tout combat.

 Pendant ce temps, Magellan examina le petit bout de chou. C'était un garçon, d’à peine quelques jours. Que faisait-il ici ? Il supposa que la femme décédée était sa mère. Mais pourquoi le dragon l’aurait-il gardée et laissée accoucher ? Beaucoup de question sans réponse. Le bébé ouvrit les yeux et regarda l’un de ses sauveurs. Celui-ci lisait l’innocence et la pureté dans son regard. Soudain il se figea. L'espace d’un instant, les pupilles du nouveau-né étaient devenues celles d’un serpent, avec le même bleu que celui du dragon. Ce mirage disparut aussi vite qu’il été venu. Figé par ce qu’il venait d’observer, le chef de l’escouade ne vit pas ses camarades revenir et l’interpeller :

  • Directeur, on a... Directeur ?! Fit Isaac.
  • Oui ! Alors ?
  • Son corps était intact, du moins, il n’a rien reçu de notre combat. Cependant on a observé une morsure semblable à celle du serpent d’une chimère.
  • Donc la chimère serait entrée ici et aurait tué la femme ?
  • Il semblerait, en effet. Le dragon est revenu juste avant nous. Je suppose qu’en rentrant, il a vu la chimère tuer la femme. D’après Adraim, elle avait accouché quelques jours seulement auparavant.
  • C'est bien ce que je pensais. Donc le hurlement et l’attaque qui sont survenu à notre arrivé était la colère du dragon contre la manticore.
  • Vu l’état de la chimère. Oui. Mais pourquoi un dragon ferait-il ça pour une humaine ? C'est du jamais vu !
  • En effet. C'est surréaliste.
  • Mais j’ai perdu ma relique dans ce combat. Ça m’énerve !! Quelle partie de cette bête me permettrait d’en créer une plus puissante.

 Magellan ne révéla pas. Il fixait l’enfant, se demanda à quel point il était lié à ce démon noir.

  • Bon, occupons-nous de nous amis décédés, puis rentrons à l’académie.
  • Bien, directeur !

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