Chapitre 1
Il est un enfant, loin, après les les cieux rouges. Les yeux d'un homme-cauchemar, jaune et rouge, dangereux, fatals, l'épient dans le cocon de sa chambre. Lorsque celui-ci passe à l'assaut, il prend soin d'attaquer les flancs du petit. Le corps de ce dernier s'affaisse, ses faibles muscles et sa lenteur d'esprit le condamnent. Un brasier incendie maintenant son estomac, l'homme-cauchemar l'empêche de respirer, de penser et de vivre.
L'enfant ne sait pas encore qu'il va s'embarquer dans un immense bateau rempli d'aventures, d'amitié, de découverte de soi et d'accomplissement personnel. A ce moment, l'enfant ne sait pas encore que sa grande récompense sera le bonheur.
Parfois, une sorte de furie de solitude volait autour de lui, les affres de la folie lui lacéraient alors l'estime de soi, et ce n'est que dans ces moments qu'une barrière l'empêche de voir l'autre côté. Alors, l'enfant pensait être tout ce qui n'allait pas dans le monde, ses muscles se pétrifiaient tandis qu'il croyait voir quelques défauts ramper sur sa peau comme des insectes nécrophages dont le seul but était de dévorer l'amour-propre, la joie et sa stabilité émotionnelle. Il pensait alors être le livre qu'on ne prend jamais parce que sa couverture ressemble à une mauvaise blague.
Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Demande le petit-enfant. Rien ne va chez toi, répondent de nouveau sa mère, son père, ses amis, les passants, et même le ciel. Tous se sont envolés maintenant. Il ne reste plus que lui, monolithe dans le pré des Hommes.
Maintenant à l'extérieur, la pluie isolante et salvatrice l'empêche d'entendre ces fourmillements amoureux, ces cris de bébés, ces gémissements, ces bruits de bouches horribles. Dans la pénombre du silence, il se souvient d'un moment où il allait au marché. Assis dans un recoin où l'enfer n'osait fourrer son nez, il observait cette foule et ses mouvements de planètes entrant en collision ou non, gravitant chacune dans l'orbite des autres. Cela créait un paterne calme qui formait un lac dans lequel on voulait se noyer.
Il avait vu une feuille. Le vent la portait gracieusement dans une danse synchronisée, la vie semblait lui prendre la main et l'emmener vers des lieux plus affectueux. Déchargée de tout poids, elle se laissait aller devant un magasin, une passante et puis ailleurs, intouchable, pure, solitaire mais encore vierge de la flèche des mélancolies.…
Il y avait une autre feuille, près d'un chêne. La feuille aux traits humains dérive loin du chêne et, portée par un vent éphémère, chute sur le sol marbré et froid qui devient sa prison de solitude, toute sa magie se fane et disparaît pour toujours, et là, on peut entendre le cri du gibier tout juste condamné. L'horloge s'aplatissait sur elle qui était broyée par le poids de l'inexistence, de la danse qu'on n'aurait pas apprise et qui nous rendrait la cinquième roue du carrosse. Sauf qu'il n'y a pas de carrosse, il n'y a qu'elle. C'était comme s'il existait une amulette permettant au vent de porter l'autre feuille S'il vous plaît, remarquez-moi, semblait crier la feuille. Un pied titanesque s'abattit sur elle dédaigneusement… Ses cris se perdent dans les oreilles méprisantes et cette feuille meurt seule. La fourmilière continuait son activité quotidienne… Non… Elle ne s'est pas arrêtée, pense-t-il. Sa machinerie ne s'était jamais stoppée. Tic-tac, pense-t-il, attendez moi, où allez-vous tous ? Mais lui n'était rien, même pas la pierre dans le rouage. Rien, pense-t-il, ils ne se souviendront pas de moi.
Cette feuille… Cette feuille aux traits si tristes... Cette feuille dont la vie avait fait un os rongé, une sorte de bouteille vide… Soudain, cela lui revient d'une force colossale, son esprit confus, sceptique, voit alors les dominos tomber enfin. Le destin est en marche, clame-t-il. Il comprenait ses nuits trop froides, ce vent qui ne le portait pas, lui, l'enfant-rien, l'enfant non-voulu, l'entre-deux âges dont les routes se remplissaient de boue qui plus tard l'enterrerait… Se peut-il que cette feuille ne soit que le reflet de ses désespoirs ? Woooooooooh, ne soufflait point le roi des vents sur sa peau d'aventurier intrépide, woooooooooooh. Pourquoi suis-je si seul ? Hurle le petit-enfant sous les balles aquatiques fusillant sa peau fragile.
Les maux de ventre quotidiens se font intenses, c'est maintenant ou jamais, il veut comprendre pourquoi personne ne le remarque, pourquoi même dans la foule, il n'est jamais avec elle, pourquoi il n'a personne à qui se confier, personne pour le comprendre. Dans une sorte de fantaisie, dans des peintures au goût de bleu, il marche douloureusement, difficilement, sur le chemin obscur et confus du questionnement à propos de sa tempête intérieure. Chaque pas devenait une souffrance volontaire, cela allait avoir du bon, espère-t-il. Pour chaque coup porté, chaque fausse amitié, chaque amour non ressenti, il exercerait sa justice, nuits froides pour nuits froides. Il avait des comptes à régler avec la vie. Le hall glorieux en impose, se répète le jeune garçon. En un réflexe immédiat dû aux blessures du temps, il sort son épée longue, en obsidienne, et clair-obscur ainsi qu'un bouclier à l'allure de barrage, un tonneau pesant une tonne, une sorte de condensé de matière pétrifiée, de mémoires entachées de la violence qui précède. Une fois concentré, il se retrouve à l'intérieur du château dans le ciel, tout près de celui qu'il croyait être son ennemi : le Roi des Vents.
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