Colère, tu n'auras pas mon coeur. 

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La colère. Ce fut ma pire ennemie d’avant. Elle est un souffle indicible, chez moi. C’est la respiration coupée, saccadée qu’il faut retenir même lorsqu’elle menace mon corps comme une vague prête à tout dévaster. Je ne sais pas comment j’ai fait pour la travailler, sûrement pas grâce aux autres puisqu’ils ne font que l’améliorer et la renforcer. J’ai décidé, une fois où j’ai blessé quelqu’un que j’aimais, de ne plus la laisser sortir et de faire en sorte qu’elle reste enfouie sous ma peau. Une promesse pour moi. J’avais à cœur de la tenir. On ne peut pas dire que c’est facile, ni que c’est impossible. C’est complètement possible, c’est ce que j’ai fait, je l’ai affiné, pendant des années, jusqu’à ce qu’elle soit comprise puis mieux traduite. Le travail sur soi-même est long, mais j’ai la chance d’être patiente. Alors j’ai appris à la dompter, je lui ai posé des questions et je me suis remise en question à chaque fois qu’elle m’apportait ses réponses. Elle a débordé à plusieurs reprises, c’est ainsi qu’elle s’immisce entre nos âmes. Normal. Il faut parfois échouer pour mieux marcher ensuite. Dire des choses que l’on ne pensait pas, je trouve personnellement que c’est ce qu’il y a de pire. Pour l’avoir vécu, pour avoir blessé alors que j’aimais, je n’avais plus envie qu’elle soit la maîtresse de mes pensées. La colère n’est pas incontrôlable, contrairement à ce que l’on pense. C’est juste qu’elle prend le dessus quand on la laisse faire. J’ai arrêté de laisser faire.

Alors j’ai enfin travaillé. Et au fond de moi, j’ai commencé à progresser là-dessus. Quand elle prenait le dessus, je suis allée marcher, écrire, envoyer des coups de pied dans les murs invisibles, pleurer, j’ai d’abord trouvé des substituts pour la remplacer, pour essayer qu’elle ne fasse pas de raz-de-marée chez les autres car il n’y a aucune raison que l’on subisse la rage qui m’anime. J’ai appris le calme. Seule. Il n’y a pas meilleur professeur que soi-même pour travailler l’école de sa vie. C’est mon apprentissage, dans la classe je ne me notais pas, je récompensais mes efforts par une personne plus saine, plus douce et plus gentille. Finalement, j’étais en train de devenir l’amie que j’ai toujours voulu être. Et cette version de moi-même prenait le pas sur la colère. C’est aussi comme cela que j’ai pris un peu de confiance en moi, minime mais présente. Avant, elle était absente, désormais elle était là, pour bercer mon intérieur en train de s'apaiser.

En effaçant le passé, j’ai pu aider mon présent. En cessant de laisser aller la colère qui non seulement abimait les autres mais me détruisait aussi, j’ai réussi à effacer des habitudes idiotes mais insolentes : répondre aux méchants commentaires sur YouTube de personnes que j’aimais pour les défendre, être sur la défensive lorsque l’on ne rejoignait pas mes idées, couper la parole brusquement et répondre méchamment lorsque l’on me piquait sur mes défauts ou même quand on me parlait normalement. Pour se faire, j’ai commencé par me taire. Si l’on dit que la parole est d’argent, c’est certain que le silence est d’or. J’ai simplement appris à écouter. C’est quelque chose qu’on nous reproche depuis tout petit avant même de nous l’enseigner. Écouter s’apprend, c’est certain. Il ne suffit pas d’ouvrir grand les oreilles et de hocher la tête pour être réceptif. C’est ce que j’ai fait, me taire. Baisser aussi le volume de ma voix, j’ai compris qu’il fallait que je sois tolérante si je voulais qu’on tolère aussi ce que je disais. Ça fonctionne dans les deux sens, moi qui me plaignais sans cesse de toutes ces histoires de réciprocité.

Je ne dis pas que ce fut facile et que c'est venu comme ça. J'ai passé des heures et des heures à me retenir, à tout contrôler pour qu'elle ne sabote pas tout le travail effectué, j'ai sangloté car ça ne fonctionnait pas toutes les fois. Mais l'on s'habitue à tout, même aux bonnes habitudes. Alors voilà.

Je sais que j’ai réussi à rénover cet intérieur de moi que je n’appréciais pas. Le mur s’est rétabli, j’ai ajouté du ciment et les pierres qu’il manquait. La colère a été remplacée par un silence quand elle m’anime. Je préfère me taire et aller marcher plutôt que de la laisser s’exprimer. Je sais qu’elle n’apportera rien de bon dans ces instants-là. Il faut parfois répondre silencieusement lorsque l’on nous blesse, et c’est ce que j’ai choisi. Le silence quand on se moque de moi. Le silence quand on me juge. Le silence quand on me blesse. Le silence quand on me regarde méchamment. Ce silence n’est pas intériorisé, il sera extériorisé plus tard dans des écrits, cachés dans mon ordinateur, ceux que seul mon cœur peut lire. Et ça fait des textes que j’apprécie de relire, parce que j’observe que j’ai grandi. La colère n’est plus une ennemie, elle est assise à côté de moi, mais elle n’atteint plus les pensées. Apprivoisée, je la regarde depuis sa cage dorée. Je ne lui ouvrirai pas les portes, je n’ai plus besoin de la solution de facilité pour me sentir exister.

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