Chapitre 4
La nuit réduisait terriblement la luminosité, mais Alan avait très bonne mémoire. L’habitude et l’impatience guidaient ses pas agiles sur la falaise vers la grotte. Il entra et respira une fois encore cet air iodé pour relâcher un long soupir d’aise.
Il s’avança vers l’eau au fond de la grotte pour y braquer sa torche. Il n’y avait rien. Malgré la peur qui le faisait trembler, la déception donna un coup supplémentaire à son moral.
Alan planta la torche comme la veille, avant de se diriger vers la fresque. Il prit ses pinceaux, mais eut le plus grand mal à se concentrer. Il corrigea certaines choses, espérant que la présence se manifeste bien assez tôt.
Une heure plus tard, il entendit un petit bruit étrange et sentit de nouveau un regard posé sur lui. Contrairement à la dernière fois, il se retourna lentement, s’adressant à haute voix sans chercher à distinguer de nouveau quelque chose.
- Je sais que vous êtes là. S’il vous plaît, ne partez pas. Je ne vous veux aucun mal.
Il avait adopté la voix la plus douce possible. Il se rendit toutefois compte que s’il n’avait aucune intention de nuire à cet être, il n’était pas certain que cela soit réciproque.
Il termina de se retourner pour se diriger lentement vers la torche. Quelque chose se tenait derrière le gros rocher. Il ne pouvait rien distinguer, mais son instinct ne le trompait jamais.
Alors qu’il se prépara à prendre sa torche pour tourner autour du rocher, une voix cristalline le fit s’arrêter net.
- S’il te plaît, ne t’approche pas plus.
Alan fut saisi d’une étrange impression et obéit sans réfléchir. La voix qui raisonnait doucement dans la grotte était celle d’une fille. Elle était particulièrement belle, douce, sensible. Presque chantante.
Un long frisson parcourut l’échine d’Alan, qui répondit en écartant les bras comme pour montrer encore plus ses intentions pacifistes.
- D’accord, je ne bouge plus. Qui es-tu ?
Après quelques secondes d’hésitation, la jeune fille répondit.
Je m’appelle Milena.
Alan fut rassuré par cette voix et s’assit par terre en tailleur.
- Bonjour Milena, je m’appelle Alan. Je suis ravi de te rencontrer.
- Alan…
Un silence s’installa de nouveau. Alan poursuivit ses questions.
- Milena, était-ce toi la dernière fois ? Est-ce que tu viens souvent ici ?
La réponse arriva après une nouvelle hésitation.
- Oui. Mais tu n’étais pas censé me voir. Je viens souvent ici. J’aime te voir peindre.
Alan fut touché par les paroles de sa mystérieuse interlocutrice.
- Je…eh bien merci. Ce n’est pas grand-chose.
- Pour moi, c’est merveilleux.
- Tu…habites ici ? Depuis longtemps ?
- Oui. Je vis ici depuis très longtemps.
Alan hésita à poser la question qui lui brûlait les lèvres : qui était-elle et surtout…qu’est-ce qu’elle était ? Comment une fille seule pouvait vivre dans un tel endroit sans nourriture, sans présence humaine ? Pourtant, il n’osa pas assouvir sa curiosité, de peur de braquer son interlocutrice.
- Qu’est-ce que tu aimes faire, Milena ?
- J’aime nager. Et chanter. Oui, j’aime beaucoup chanter.
- Est-ce que je pourrais t’entendre…chanter ?
Milena hésita à nouveau.
- Seulement si tu me fais une promesse.
- Laquelle ?
- Tu dois résister à la tentation de t’approcher de moi.
Alan trouva cette promesse étrange. Mais il se laissa prendre au jeu.
- C’est promis.
Après un nouveau silence, une lente mélopée s’éleva dans la grotte. Et Alan fut immédiatement subjugué par ce qui parvenait à ses oreilles. La voix de Milena était magnifique, la plus belle chose qu’il avait entendue. Sa voix était douce et puissante à la fois. Dans son corps, il sentait une chaleur immense, une sorte de tendresse mâtinée d’un étrange désir charnel. Alors que la musique se poursuivait pendant de longues minutes, Alan lutta contre son propre corps afin de ne pas avancer vers sa source. La curiosité le dévorait.
Mais il résista. Une promesse était une promesse. Et pour lui, cela avait énormément de valeur.
Le chant cessa et Alan reprit ses esprits. Milena finit par parler de nouveau, d’une voix étonnée.
- Je te remercie d’avoir honoré ta promesse. Tu es le premier homme à l’avoir tenue.
Alan fut quelque peu surpris par cette information.
- Tu as vu d’autres hommes ici ?
- Pas depuis longtemps.
- Tu serais partie si je m’étais approché de toi ?
- Non.
- …qu’est-ce qu’il se serait passé ?
- J’aurais été obligée de te tuer.
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