Bobby 1901-1928

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Je m’appelle Frédéric Gourdan, dit Bobby et je suis né en 1901 à Paris. Ma vie est plutôt banale si on oublie le fait que j’ai laissé passer ma chance d’épouser l’amour de ma vie et que cela a précipité ma mort vingt-sept ans plus tard.

Ah, ma Lucie, je pense que si je suis encore coincé ici c’est parce que je t’attends toujours.

J’avais alors dix-neuf ans et j’étais à peine un homme, mais à cette époque là nous maturions plus vite. Lucie avait dix-sept ans et elle était belle comme le jour, ses cheveux blonds, sa taille svelte et son sourire éclatant m’avaient ébloui.

Cependant elle était fille de médecin et moi d’épicier, nous n’étions pas du même monde. Mais nous étions amoureux et nous nous passions des mots doux lorsqu’elle venait aux commissions chez mon père et que je l’aidais à transporter son panier.

Un jour son père l’a promis en mariage au fils d’un de ses amis et je décidais de ne pas me battre pour elle. Je regrettais bien vite ma décision et devins jaloux de son époux quand je la croisais plus tard, son ventre s’arrondissant avec l’enfant qui y grandissait.

Cette jalousie, cette rancoeur perpétuelle finiront par me rendre malade. Ma santé étant déjà fragile je m’éteignis en 1928 dans cette même maison où se passe cette histoire.

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La maison était ancienne et en mauvais état, elle était en vente depuis très longtemps mais plus personne ne la visitait car des rumeurs disaient qu’elle était hantée. La nuit on entendait des geignements et des cris, disait-on et des objets déplassaient à leur guise. Bref autant dire que son prix et son emplacement était ses meilleurs atouts.

Estelle GrosJean, à peine 25 ans et son diplôme de journalisme en poche, tenait la plaquette de l’agent immobilier entre ses mains et regardait avec des yeux ronds et la bouche entre-ouverte, la ruine qui s’étalait sous ses yeux.

  • « Ah ouais, quand même… Souffla-t-elle doucement.
  • Heu, oui, mais je vous avais prévenu hein : des travaux à prévoir. Dit l’agent immobilier, déjà résigné. Bon, voulez-vous quand même la visiter ?
  • Oh oui, et plutôt deux fois qu’une ! Répondit-elle, ravie.

Un peu d’espoir réveilla le discours de l’agent, mais Estelle ne l’écoutait déjà plus, elle était en train de tomber doucement amoureuse de cette maison.

Elle relut alors la description de la plaquette : Charmante maison de ville de 80 m² avec deux chambres, cuisine, salle de bain, living-room, pipi-room, cave à vin, buanderie, atelier, cour et jardin privatif. Travaux à prévoir !

Les travaux ne lui faisaient pas peur, au contraire. Elle se voyait déjà en train de refaire la déco à son goût et puis pour le reste, son ami était bricoleur, il savait tout réparer.

Estelle entra donc après l’agent immobilier qui commençait déjà à ouvrir toutes les fenêtres et contempla ce qui allait devenir son futur foyer avec pleins d’idées de papier peint et de couleur de peinture en tête.

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Bobby observait une famille de souris au grenier quand il les entendit arriver. Une visite ? aujourd’hui ? ça faisait si longtemps qu’il n’en fut même pas fâché. Il descendit voir qui était ces intrus, résigné à devoir de nouveau les effrayer.

Plus les années passaient et plus ils étaient difficiles à surprendre. Plus personne ne croyait aux fantômes de nos jours et si on y croyait on en avait plus peur, on cherchait par tous les moyens à en prouver l'existence pour faire le buzz.

Ils étaient dans la cuisine, Bobby s’approcha près à se matérialiser quand il l’aperçu. Lucie ! sa Lucie était là ! Il l’avait enfin retrouvée. Elle était aussi belle que dans ses souvenirs, blonde comme les blés, jeune et svelte en pleine santé et à ce moment-là, ses yeux émerveillés passaient au travers lui regardant autour d’elle cette maison avec émerveillement.

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Les papiers furent vite remplis et signés, les deux partis n’en croyant pas leur chance et bientôt Estelle s’installa dans sa maison. Bruno, son ami s’installa peu de temps après avec elle mais il était moins ravi de cet achat et râlait de devoir se coltiner tous les travaux.

Bobby essaya alors de rentrer en contact avec celle qu'il pensait être sa Lucie, mais Estelle était si occupée par ses projets qu’elle ne l’entendait pas ni ne le voyait. La nuit cependant elle rêvait qu’elle faisait les courses dans une épicerie du coin habillée comme sa grand-mère, c’était assez bizarre.

Quand les travaux furent presque finis et que la maison commençait à ressembler à quelque chose, Bobby était extenué, il n’avait plus du tout d’énergie pour continuer à hanter Estelle. Il prit alors une décision, il allait se réincarner pour vivre avec cette femme qui ressemblait tant à sa Lucie, car oui, il avait enfin compris que ce n’était pas elle.

Peu de temps après, La jeune femme apprit avec joie qu’elle était enceinte. La maison était enfin devenue calme, tout comme ses rêves.

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