A propos d’Elie  

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Je me trouvais assis sur un banc au bord de la plage quand j’appris la nouvelle. Je croyais par là, que c’était mon jour de chance. Ma longue attente allait enfin être récompensée. Mais j'avais tout faux. L’expérience que je vécus quelques heures après me poussait dans une terrible confusion où le fait même d’essayer d'en sortir ne faisait qu’empirer, exactement comme dans des sables mouvants.

Ce jour-là, il faisait chaud mais pas suffisamment pour me faire bouger de mon siège. Des enfants étaient au bord de l'eau à s'amuser, alors que leurs parents se doraient au soleil sans leur prêter la moindre attention. Je ne comprenais pas pourquoi certains prenaient la peine de les mettre au monde et finissaient au bout du compte par les négliger. Était-ce à cause de leur instinct naturel, qui les poussait de façon inconsciente, à se reproduire pour perpétuer la race humaine ?

Cette question souleva quelque part en moi, un profond mal-être, mais elle n’était pas l’unique raison. Les cris agaçants et assourdissants des enfants y étaient aussi pour quelque chose. Ils me pénétraient, en faisant remonter en moi, des souvenirs longuement endormis. La vie n'avait pas été tendre, j'avais dû développer une sorte de bouclier en guise de protection contre son âpreté. J’avais appris à remplacer les pensées qui me faisaient souffrir par d’autres moins terribles.

Afin de me protéger, je le balayai bien vite ce souvenir désagréable en pensant aux raisons pour lesquelles ma femme Mira m'avait quitté. Elle voulait des enfants, alors que moi non. Ça n’avait jamais été dans mes projets. D’ailleurs, j'avais été sincère dès le départ, il était hors de question pour moi d'en avoir. Bien sûr, au tout début, elle avait accepté mes conditions, mais à fur et à mesure que le temps passait, sa soi-disant horloge biologique indiquait sur l'écran de ses pensées, que c'était le moment de les faire. Elle finit par partir en suivant un destin qui la conduisit sagement dans une autre direction. Deux années plus tard elle eut des jumeaux.

Un jour, je l’aperçus avec ses fils dans un supermarché. Ils ne dépassaient pas les six mois. Je me cachai rapidement et continuai de l'observer de là où j'étais. Elle avait l'air tellement sereine que je ne pouvais me sentir qu’heureux. Ce bien-être sur son visage, n'avait été formé que de mon absence. J'avais contribué à son bonheur en m'écartant de son chemin. Je n'avais pas envie de lui gâcher ces instants de plaisir en allant à sa rencontre. Son visage aurait obligatoirement changé et aurait perdu cette gaieté naturelle en adoptant une expression de culpabilité, car c’était toujours comme ça qu’elle m’accueillait depuis notre rupture. Et puis, qu'aurais-je pu lui dire ? Mis à part des banalités comme : « Ils sont mignons » et « ils te ressemblent un peu. » Je n’aurais pas su quoi répondre d’autre !

En me remémorant tout cela, voilà que j’entendais mon téléphone sonner. Au bout du fil, c'était mon chef. Et comme d'habitude, Il allait sûrement me parler du match d'hier soir ou d’un truc dans le genre. Mais j’avais c'était tout autre chose. 

« Élie, tu ne devineras jamais ce que j'ai à te évéler ! » me déclara-t-il. Je l’encourageai à m’en dire davantage.

« La jeune femme que tu poursuis depuis dix-huit mois, se trouve dans une maison de la vieille ville, avec deux autres individus recherchés. Nous les encerclons depuis peu.

— Je ne sais pas si je vais arriver à temps ! répondis-je, en bondissant du banc et en me pressant vers la voiture. Je suis à Tel Aviv. Il faut que j'aille à la maison, récupérer mon arme... Ralentis l'assaut si ce n'est pas trop te demander, et tiens-moi au courant.

— Ok.

— Si jamais vous y allez sans moi, tâchez de la garder en vie !

— Élie, je ne peux rien te garantir !

— Fais de ton mieux... je compte sur toi. »

Je raccrochai aussitôt en démarrant la voiture. Mon appartement se trouvait à cinq minutes de là où j’étais. En récupérant mon arme, je ne pus m’empêcher de prononcer tout bas, une prière à laquelle je ne me référais que rarement « Mon Dieu, protégez-moi et faites que je ne tue personne ! »

Avant de sortir, je remarquai une grosse enveloppe sur la table. Mon père avait dû me l’apporter en faisant un saut chez moi. Pour des raisons que j’ignorais, ce courrier était arrivé chez lui à Jérusalem. Pressé par le temps, je pris l’enveloppe et la palpa entre mes doigts de façon à deviner son contenu. Le nom de l’expéditeur était européen, Carla Jenkins. « Mais qui cela pouvait bien être ? pensai-je. L’adresse est lisible mais il manque quand même le nom du pays... bizarre ! » Après quelques tentatives pour reconnaître l’expéditeur, je décidai de laisser ceci pour plus tard et sortis sans plus attendre. Je ne savais pas à ce moment-là que, si j’avais jeté un coup d’œil au contenu, tout ce qui s’était produit par la suite, n’aurait jamais eu lieu.

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