le rêve
Je ne saurais dire le nombre de fois où j'avais dû regarder les photos mais, assez pour mémoriser le moindre détail. Son visage s’était gravé à tout jamais dans mon esprit. Un regard innocent, un sourire rayonnant et une joie de vivre sans limite. À force de les voir, j'avais l'impression de la connaître. L’émotion qui se lisait à travers ce doux visage ne pouvait être que réconfortante. À aucun moment elle ne se forçait à sourire, c’était purement naturel. Cette joie que Sarah possédait dans son passé et moi qui ne l'avait jamais eue, était devenue mon objet de désir. Je lui en voulais d’en avoir eu autant. J'avais été étudiant comme elle et je n'ai jamais eu, aussi loin que je m'en souvienne, un sourire aussi vrai que le sien.
La visite de la tante me laissa un peu perplexe car je ne comprenais toujours pas ce qu'elle voulait. Venir jusqu'au commissariat pour me demander d’être assez tendre en arrêtant sa protégée, me parut assez bizarre. Les deux fois où j'avais échoué en essayant d'attraper Sarah me firent réfléchir sur le vrai objectif de la tante. La première tentative pour la coincer fut manqué de peu car je n'avais pas été assez prudent. Profitant de mon hésitation, elle s'était très vite évadée. La deuxième fois, c’était perdu d'avance ; elle s'était déjà échappée avant même que nous réussissions à pénétrer dans l'appartement ou elle se trouvait. Je commençais à perdre patience et la frustration de ces échecs vint s'accumuler à mon mal-être jusqu'à que je devienne follement obsédé par sa capture.
A quinze minutes de la vieille ville, je me souvins du rêve de la nuit précédente. Jusqu’où l'obsession me menait-elle ? Puisque cette jeune femme faisait déjà partie de mes rêves. Le sentiment de frustration s'intensifiait surtout quand j’allais enfin mettre la main sur elle car, soit le rêve changeait soudainement et elle n’en faisait plus partie ou soit je me réveillais. Mais le rêve de la nuit dernière était tout autrement. Pour une fois, ce n'était pas le sentiment de frustration qui prédominait. Il s'était présenté de cette façon : au tout début, je me trouvais assis avec ma mère dans ma maison d'enfance. On ne se parlait pas, on ne faisait que se regarder exactement comme la dernière fois qu'on s'était vu dans un café parisien. Même dans mes rêves, j’arrivais à la mépriser toujours autant. Le dégoût fut à son comble puisqu'elle s’était mise à se déshabiller. Alors que moi je m’approchais d'elle comme si je m’apprêtais à avoir une relation incestueuse. Quelle horreur ! Quel sentiment désagréable ! Heureusement qu'au moment où je la touchais elle se transforma en Sarah la fugitive. Et là, pour la première fois, elle fut à l’origine d’un rêve érotique. Cela ne me déplaisait guère. Après avoir possédé ses photos, c'était évident que je m'autorisais certaines libertés. À vrai dire, et c’est quand même bizarre qu’au moment où je ne courais plus après elle, elle s'était enfin laissée approcher.
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