Rêve ou Hallucination(2/3)

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Pendant toute la nuit cette mère veilla sur moi. À l'aide d'une serviette mouillée, elle m'essuyait le front ainsi que le visage, puis quand la fièvre baissait, elle m'aidait à changer mes vêtements trempés avec d’autres secs. Bien que je ne pouvais me sentir que rassuré en sa présence, le changement d'époque m'avait profondément bouleversé. À chaque fois que je me réveillais, j'avais comme une boule au fond de la gorge qui m’empêchait de respirer. Et là, l'envie de crier me prenait.

Pour me rassurer, je pensais aussitôt à Sarah. Elle se trouvait certainement aussi perdue que moi ; je n'étais pas le seul à vivre cette étrange expérience. Seulement, cette logique, ne m’apaisait pas bien longtemps ; le souvenir de lui avoir troué l'épaule surgissait et finissait par me obséder.

Trois jours passèrent ou je ne pus vraiment me lever du lit. Ma soi-disant mère et la domestique, veillèrent sur moi à tour de rôle. Mon état était si grave, que j'ai cru à plusieurs reprises que j'allais y passer. Seulement, mon instinct me disait que ça ne pouvait finir de cette façon. Jallais certainement avoir une explication à tout ça, si jamais, je devais un jour quitter ce monde

Les hallucinations n’avaient duré que la première nuit. Leurs absences durant les deux derniers jours de fièvre, me rendirent encore plus triste. J'avais grand besoin de voir des visages connus, même s'ils ne se trouvaient que de pur produit de mon imagination, je les voulais quand même.

L'angoisse me submergeait à chaque fois que je me réveillais. C’était toujours la même maudite chambre que je voyais là, toujours la même table avec sa sculpture bizarre ; toujours cette même chaise qui d’après la domestique faisait partie du mobilier de Louis XIV. Et ce miroir qui me renvoyait mon reflet pour m'assurer que je me trouvais bel et bien ici. Rien n'avait changé. Ce n'était pas chez moi, ce n'était pas mon monde. Ou était passé ma réalité ? J'avais une grande confiance en la vie et puis, du jour au lendemain, elle m’avait trahi. L’enchaînement logique des événements fait de la journée d'hier le passé, et de celle demain l'avenir. Cependant dans mon cas, non seulement que mon actuel présent se trouvait dans un passé de deux siècles antérieurs mais aussi mon futur proche, allait être aussi âgé que mon arrière, arrière-grand-mère.

Chaque jour qui naît, est la continuité du jour qui le précède, les gens que l’on connaît, les lieux auxquels nous appartenons, les idées et les croyances qui nous habitent, ainsi la filiation familiale qui assure nos origines, tout cela, fait partie de ces choses qu'on appelle repères et qui nous permettent de surfer sur le concept de la logique pour ainsi rendre notre existence cohérente. Toutes ces choses-là, avaient soudainement disparu !

Je n'étais plus qui je croyais être, pas parce que j’avais perdu confiance en moi mais parce que j’avais perdu quelque chose de plus profond, le sens propre de l'existence. L'angoisse me submergeait comme jamais auparavant, avant même d'ouvrir mes yeux, elle était là, à me guetter. Prête à sauter sur moi pour me serrer le cou, pour me couper le souffle et pour m’étreindre jusqu’à faire résonner les battements de mon cœur dans les oreilles. Puis, comme on dit, on finit toujours par s'habituer à ces situations qui, au début nous paraissent inconcevables. On finit toujours par accépter l'inévitable. Je m’accrochais paisiblement à la main, de celle qui me la tendait. Je m'accrochais à celle qui soi-disant était ma mère comme pour me faire accepter par cette nouvelle réalité.

Pendant ces trois jours, les yeux fermés, je tâtonnais doucement autour de moi à la recherche de cette main qui, par sa seule existence réconfortait la mienne. En me voyant agir ainsi, cette mère me l'offrait à chaque fois qu'elle se trouvait près de mon lit. Si par malheur elle se trouvait un peu plus loin, je l’entendais se précipiter de là où elle était pour me la tendre à nouveau. Et quand elle se trouvait absente, je me contentais de tenir la main de la domestique. Elle avait pour consigne de toujours rester prêt de moi. Cette pratique devint une habitude et qui, par la suite finit par être mon premier repère.

Le quatrième jour, vers neuf heures du matin, d’Andrew arriva. Bien que je redoutais les nouvelles qu'il avait à m'annoncer, sa présence me fit énormément plaisir. Assis sur la chaise de Louis XIV en jouant à tourner son chapeau entre les mains, il déclara d’un ton alarmé : « Nous avons vraiment cru vous perdre, Kerwan ! »

Je lui répondis seulement par un sourire, il continua : « Dieu merci, le docteur a dit que ce n'était pas la typhoïde ! »

Je tressaillis à cette dernière remarque car j'avais oublié l'existence de cette maladie. Il reprit : « Nous avons informé toues vos connaissances de la gravité de votre état. Vous allez certainement recevoir des visites très prochainement. Cependant, je ne suis pas sûr qu’Élisabeth, votre fiancée ait été informée ! »

Devais-je prendre cette nouvelle comme bonne ou mauvaise ? Cela dépendait sûrement de la beauté de cette soi-disant Élisabeth, espérant qu'elle ne se trouvait pas aussi Banale que son prénom.

« Et pourquoi, donc ? questionnais-je Andrew. N'est-elle pas sensée le savoir avant tout le monde ? »

Il me regarda curieusement, comme si’il ne comprenait pas le sens de ma question. Puis, d’une voix hésitante, il me déclara : « Vos parents ne savaient pas trop s’ils devaient la prévenir...Ils pensent que c'est peut-être, un peu trop tôt. Ils ne sont pas sûrs qu'elle veuille vous revoir après l'incident. »

Je le regardai pendant un moment avant de lui demander tout en devinant déjà sa réponse : «De quel incident parlez-vous ?

–Je voulais dire... le jour où, par accident, vous avez tiré sur elle.

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