Rhapsodie hongroise 2/3
Aussitôt que je m’étais arrêté la servante applaudit avec enthousiasme. Je cherchai à l'impressionner davantage en lui jouant Rhapsodie Hongroise, mais, madame black, la cuisinière, l'appela pour l’aider. Son nom était : Anna.
« Pourriez-vous revenir plus tard ? J’aurai besoin de vos conseils. Lui demandai-je
- Si Monsieur a besoin de mon avis alors, je suis heureuse de le lui donner ! répondit-elle sans hésiter. »
Anna galopa avec aisance comme une petite fille qui joue à la marelle et disparut de derrière la porte.
Une légère tension se faisait sentir dans mes doigts. Je négligeai aussitôt cette douleur, il n’y avait plus de temps à perdre ; Rhapsodie Hongroise était en attente de se faire créer. Mais exécuter ce morceau comme un professionnel, était impossible. Il avait fallu que je m’entraîne presque toute une journée pour aboutir à quelque chose de semblable.
A l’heure du déjeuner, j’avais dû m’arrêter. Mon père était absent ; il n’y avait que ma mère. Elle resta silencieuse pendant tout le repas. Aussitôt, que je finis de manger, je demandai qu’on me ramène un stylo et du papier pensant que cela pouvait me faciliter la tâche en l’écrivant. Hélas la mission semblait être bien plus compliquée. Ce n'était pas parce que je ne savais pas l’écrire, mais plutôt, à cause de mon incapacité à faire marcher la plume. Pourtant, je la trempais presque en entier dans l’encrier ; ça ne marchait toujours pas. J’adoptais plusieurs postures en espérant que l'une d'entre elles me permettent d'écrire. Lorsque je m’allongeais complètement parterre, debout ou même accroupi ou à quatre pattes, ça ne donnait toujours rien. Finalement, j’explosai de colère, froissai la feuille et la jetai par terre.
Il se pouvait que la chose qui était responsable de ma venue ici, me refusait son écriture. Ce n'était tout de même pas sorcier de faire marcher une plume. Je décidai de me plaindre à mon créateur à voix haute et tête baissée : « Voilà, je m’en remets encore une fois à vous. J'estime avoir été très passion jusque-là. Je ne me suis pas trop plaint de ce qui m’arrivais. Pourtant, il y a de quoi devenir fou ! Je ne dis pas que vous êtes responsable de tout ça. À moins que vous ayez laissé involontairement faire les choses. Mais le fait que je sois mis dans la peau d'un pianiste et que par-dessus le marché on m’interdit d’écrire ou de jouer Rhapsodie Hongroise, c'est inadmissible ! »
Je m’arrêtai un instant, conscient que la colère risquait de déplaire à mon créateur et changeai aussitôt d’attitude en baissant d'un ton : « Mais, si Seigneur…si vous me laissez l'écrire puis la jouer, je vous promets de détruire la partition après quelques heures. Une fois au moins dans ma vie, je la jouerai devant un public. Et soyez-en-sûr, je préciserai que ce n'est pas de moi ! Alors qu’en dites-vous ? »
Il n'allait pas faire une exception en me répondant. Je n’étais surtout pas le bon prophète. Et si cela avait été le cas, je n'allais sûrement pas m’en tenir à ne conclure qu'un seul marché.
Je défroissai le morceau de papier puis, la plume entre les mains, je restai dans cette position pendant quelque moment sans la bouger. Si jamais la mascarade recommençait cela prouverait que le marché n'avait pas été conclu. Je voulais tellement l'écrire. Avoir l'illusion que c'était moi son créateur, que je n’osais plus mouvoir la plume.
« S'il vous plaît mon dieu…laissez-moi le faire, je détruirais la partition aussitôt après…laissez-moi prétendre que je suis son compositeur ne serait-ce qu'un instant. » Ma main se mit encore une fois à bouger comme par enchantement. Quelle merveille, Rhapsodie Hongroise été en train de naitre avant l’heure. J'écrivais sur la page froissée puis sur une autre page et encore sur une autre pour finir par utiliser une quinzaine. N'allez pas croire que j'ai cru un instant que si ma plume écrivait c'était grâce à une intervention divine. Si elle n'avait pas fonctionné jusque-là c'est peut-être que je m’y prenais mal. De toute façon, on galère toujours quand on fait les choses pour la première fois.
Après avoir terminé l’écriture, je revins vers mon piano pour interpréter ma nouvelle création. Je restai toute l’après-midi à essayer tant bien que mal à jouer le morceau mais ce n'était toujours pas ça. Il fallait encore faire quelques modifications de la part d’un professionnel au niveau de l’instrument pour aboutir à quelque chose. Des modifications avant leur temps.
Vers le soir, quand Andrew fut de retour, il me trouva tranquillement assis dans le salon en train de feuilleter un livre. Il ignorait sûrement l'acharnement qui m'avait animé toute la journée et qui m'avait fait oublier pendant quelques instants l'existence de Sarah.
« Contant de vous voir reprendre goût à la vie ! me dit-il. Votre mère m’a dit que vous avez joué du piano toute la journée ! »
« Tiens donc, les nouvelles, par ici, vont plus vite que la musique, pensais-je. » Comme j'avais envie de rentrer dans le vif du sujet, je le questionnai de la même manière que je faisais avec mes hommes. C’est-à-dire, balancer toutes les questions en une fois pour que la personne en face se presse de à faire un rapport complet.
- Andrew, l'avez-vous vu, avez-vous pu lui parler ? Comment sa famille a-t-elle réagit en apprenant que vous veniez de ma part ? Avez-vous vu son père ? Vous êtes-vous expliqué ?
- Mademoiselle Collins était dans l'incapacité de me recevoir, dit-il en se laissant tomber sur le fauteuil d’en face… on me fit attendre une petite heure avant de m’informer. Je restai pendant tout ce temps en compagnie de Monsieur Collins.
- Avez-vous parlé d'elle ?
- Non, pas vraiment ! Nous avons parlé d'autre choses. En revanche, il m'a demandé de vos nouvelles.
- Andrew, m'exclamais-je un peu irrité, vu la situation dans laquelle je me trouve, il n'y a rien qui m’intéresse hormis le fait de savoir comment revenir dans mon époque, et le fait de savoir si Élisabeth est en réalité, Sarah Shaheen ! »
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