La générosité
Les jours qui suivirent n'avaient pas été une période d'adaptation facile. J'étais comme un prisonnier qui se trouvait à purger une peine sans en connaître la sentence. Combien de temps je devais rester ici ? Je ne pouvais le dire. Le plus difficile n'était pas de vivre comme un homme de leur époque, mais d’accepter cette nouvelle vie sans connaître les vraies raisons de ma venue. Souvent dans les histoires qu'on me racontait étant plus jeune, il était dit qu’afin que le héros évolue dans le sens où tout le monde s’accorde à dire : le bon, il devait impérativement être confronté à des épreuves le plus souvent inattendues. Et il ne s’en sortait que s’il avait compris le but de celles-ci. Le sens même de l’épreuve n'était-elle pas l'élévation spirituelle qui est sensée changer notre perception des choses ? Éclaircir notre compréhension sur certain point obscur, illuminer notre existence afin de comprendre la tâche que nous sommes venues accomplir. Mais à vrai dire, que connaissais-je de la réalité ? Il n’y avait que les films ou les contes pour m’embellir l’esprit. La réalité était bien plus compliquée que tout cela. Sa monotonie me rassurait mais en même temps, elle m’éprouvait. Il est en premier lieu, difficile d’interpréter ses épreuves, elles ne sont pas aussi claires que dans le cinéma.
Ce bouleversement soudain, était encore plus incompréhensible. Qu'avais-je comme histoire réelle et similaire pour pouvoir comparer ? La singularité était bien là. Je n'avais jamais été trahi par la vie auparavant. Voilà qu'elle tirait en dessous de moi ce tapis qui me soutenait, afin que je tombe.
La vie m'a trahi en m'imposant un phénomène qui n'avait aucune logique. Toute image qui n'a pas de sens est associée à une hallucination, un rêve éveillé, ou un délire alors que, ce que je vivais n'avait rien de tout cela.
Il y avait des jours où cela me rendait fou. Je restais enfermé dans ma chambre refusant de voir qui que ce soit. Et, d'autres jours, où je jouais le jeu. En m'exaltant dans ma nouvelle passion, le piano, en explorant cette nouvelle relation que j’entreprenais avec ma soi-disant mère et en me promenant dans ce nouveau monde avec Andrew. Ces promenades n'avaient été effectuées seulement dans les alentours de ma demeure. Je n'étais pas encore prêt à affronter la pauvreté du dix-neuvième siècle.
Le jour où je décidai de le faire, j'ai dû vomir pendant tout le restant de la journée. L'état pitoyable de la plupart des gens était inimaginable. La puanteur, la saleté et le manque d'hygiène sont les meilleurs mots pour qualifier tout cela. Même si le fait d'avoir servi un état colonial m'anesthésia tout sentiment de révolte envers l'injustice, je ne pouvais être indifférent à ce que je voyais. Ne plus endosser le rôle de l'inspecteur m’avait permis aussi de mettre mes sentiments à nu et me trouver plus proche de mon cœur. Mes intérêts n'étaient plus mis en jeux, désormais, je regarderais l'injustice bien en face.
La plus proche des villes se trouvait à une vingtaine de kilomètre de la demeure des Driscoll. Elle était à peine plus grande qu'un village. Le quartier des riches se composait de trois rues en parallèle alors que celui des pauvres et des classes moyennes était largement plus grand. Des veuves avec leurs enfants mendiaient quelques sous. Le visage de ces femmes, n'exprimait aucune émotion que celui de la misère. Pâles et maigres, elles convoitaient tous les marchants à la recherche de quoi faire vivre leurs progénitures. Certains des enfants étaient orphelins, ils faisaient ce qu’ils pouvaient pour perpétuer leur existence. Ils vendaient ce qu'ils trouvaient, mangeaient ce qu'ils récoltaient ou volaient et, dormaient là où c'était possible. bien qu’ils eussent toutes les raisons pour se sentir malheureux, ils possédaient en eux, une joie de vivre sans mesure. Leur insouciance due à ces quelques années d’existence, leurs permettais au moins, d’apprécier la vie comme elle venait.
Les riches passaient devant eux, sans vraiment les remarquer. Certains leur jetaient, quand même, quelques pièces alors que d'autres, jetaient tout fièrement des regards méprisants.
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