Samedi 9 janvier en matinée. Hôtel "Maison de Ville", Nouvelle-Orléans.

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Il ne fallut pas plus de quelques minutes à Dumont pour comprendre que la Commissaire Van Der Steen n'avait pas passé la nuit dans sa chambre. Dommage pour elle pensa-t-il, l'établissement était charmant, avec ses petites terrasses privatives et son patio central qui respirait la tranquilité. Un lieu idéal pour se reposer, à l'écart de l'agitation de la ville.

Il n'avait eu aucune difficulté à retrouver la trace de la mystérieuse fonctionnaire, qui semait derrière elle des indices comme le petit poucet des cailloux. Elle n'avait pas même pris la peine d'utiliser une fausse identité sur le registre de la compagnie de navigation, ni même en s'inscrivant dans l'établissement. Il s'était d'ailleurs demandé ce qui pouvait justifier l'abandon systématique de sa couverture. Se savait-elle brûlée ?

Son patron avait insisté pour qu'il se lance à sa recherche. La poupée vaudou, si elle ne la disculpait pas, soulevait bien des questions sur son implication dans cette affaire. Quelqu'un ne portait manifestement pas la haute fonctionnaire dans son coeur. Aubrac, de son côté, mettait un point d'honneur à mettre la main sur Mama Colonel. Il semblait persuadé que sa nièce Blanche lui amènerait la clé de l'affaire. Mais personne dans le quartier espagnol ne semblait savoir où elle avait bien plus s'envoler. Dumont descendit au rez-de-chaussée et y retrouva le réceptionniste. Il lui rendit la clé.

— Elle n'a pas dormi ici, lança-t-il.

— C'est ce que je me tue à vous dire, Commissaire.

— Inspecteur. Inspecteur-adjoint pour être précis.

— La p'tite dame est arrivée hier en milieu d'après-midi, avec pour seul bagage le sac que vous avez du voir en haut. Elle est montée prendre possession de sa chambre et elle est redescendue aussi vite. Elle est revenue moins de deux heures plus tard avec ses paquets et un carton à chapeau.

L'inspecteur contempla le sac en papier qu'il tenait dans sa main droite. "La Folie Bergère". Sous le logo qui représentait une tête féminine stylisée, une adresse. Il s'y rendrait sitôt qu'il en aurait fini ici.

— Et vous dites qu'elle est repartie à la nuit ...

— Oui. À dix-neuf heure trente précise. Je le sais car elle m'avait fait commander une voiture. Elle était sacrément belle. Un peu bizzarement habillée, mais sacrément belle. Je ne l'ai plus revue depuis.

L'employé lui tendit un agenda, lui indiquant du doigt une ligne griffonée au crayon. Dix-neuf heure trente. Juste une lettre, V, et un chiffre. Trois. Le numéro de la chambre. Dumont pris note du nom de la société de taxi. Il jeta un oeil à l'horloge du réceptionniste et fit la grimace. Le dernier vapeur partait à dix-huit heures.

— Vous auriez une chambre pour cette nuit ?

— Bien sûr. Il n'y a pas affluence, juste après les fêtes.

— Je vais vous la prendre. La moins chère.

Aubrac allait râler, c'était sûr. Les tarifs de la Maison de Ville dépassaient largement les plafonds autorisés par son administration, mais c'était pour la bonne cause.

Quand il quitta l'hôtel, un petit chien attira son attention. Ou plutôt était-ce le jouet de fortune avec lequel le canidé se débattait qui l'intrigua. Quand il tenta de le lui prendre, le chiot, croyant qu'il voulait s'amuser avec lui, se prit au jeu. Dumont du déployer des trésors de patience et d'ingéniosité pour parvenir à lui chiper le morceau de tissu. Il se releva, déplia l'objet tout emberlificoté. Son compagnon à quatre pattes bondissait en tous sens en japant et en remuant la queue. Pour lui, le jeu ne faisait que commencer. Sidéré, Dumont repporta son attention sur sa trouvaille. Il n'y avait aucun doute, bien qu'il fut en partie déchiqueté, il avait bien sous les yeux un sous-vêtement féminin. Il le glissa dans le sac en papier et fila droit vers La Folie Bergère.

***

La commerçante qui le reçut était ravissante. Elle l'accueillit avec un sourire éclatant, qui disparut quand il lui montra sa plaque. Le policier précisa qu'il n'en aurait que pour un instant et ne souhaitait que lui poser quelques questions dans le cadre d'une affaire qui, en principe, ne concernait pas directement la boutique.

— Je recherche une jeune femme. Tout porte à croire qu'elle s'est rendue ici hier après-midi. Un mètre soixante, plutôt mince, avec une coupe iroquois.

L'inspecteur-adjoint se rendit compte qu'il n'avait pas même une photographie de la Commissaire.

— Oui. Je vois très bien. Elle est venue ici hier après-midi, délara la jeune femme.

Bingo.

— Vous en êtes sûre ?

— Évidemment. Impossible de ne pas la remarquer. En outre, la somme qu'elle a dépensée ici suffit à ce que je ne l'oublie pas.

— Que vous a-t-elle acheté ?

— Une robe de soirée, un chapeau. Des ... des accessoires féminins.

— Précisez ...

La vendeuse fit mine de se concentrer.

— Un corset, quelques menus accessoires.

— Des sous-vêtements ?

— Non, pas de sous-vêtements, si ce n'est le corset.

— Des chaussures ?

Elle fit la moue.

— Ma foi non. Elle portait des bottes et a essayé la robe pieds nus.

— Comment était-elle habillée en arrivant chez vous ?

Elle mit un moment avant de rassembler ses idées.

— Je me souviens bien de ses bottes, je n'en avais jamais vues de pareilles. Très ajustées, montant jusqu'en haut du mollet. De nombreuses boucles en métal. D'épaisses semelles aussi, ça la grandissait. Un long manteau de cuir noir. Une jupe très courte, elle descendait à peine à la moitié des cuisses. Très ... scandaleuse. Même à Paris, personne n'oserait porter ça.

Dumont sortit la petite culotte du sac en papier et la tendit à la vendeuse, qui eut un léger mouvement de recul.

— Reconnaissez-vous ceci ?

— Les clientes se changent dans la cabine, s'offusqua-t-elle. Je ne me permettrais pas de ...

— Mais est-ce que ça pourrait lui appartenir ?

La jeune fille contempla l'objet défraichi avec un petit air de dégoût.

— Je vous assure ne pas avoir vu cette dame en sous-vêtements. Mais si ça peut vous aider, il me semble que cela pourrait être sa taille.

C'était déjà ça, pensa Dumont.

— Vous a-t-elle dit où elle devait se rendre ?

— Non. J'ai cru comprendre qu'elle devait assister à un événement mondain, mais même ça je ne puis en être sûr. Elle a plaisanté, quand j'ai voulu emballer la robe dans une housse de soie. Elle m'a dit "c'est pour consommer de suite". Je ne suis pas certaine d'avoir vraiment saisi.

— Et vous n'avez aucune idée d'où elle allait ...

— J'en suis désolée Inspecteur, mais non. Je peux juste vous dire qu'on ne s'habille pas comme elle avait prévu de le faire pour se rendre à un repas de famille. Où qu'elle fut allée, elle a du faire forte impression.

— Merci mademoiselle. Ne soyez pas désolée, vous m'avez aidée plus que vous ne le pensez. Si elle s'est rendue hier à un événement public, je trouverai très vite où. Même à la Nouvelle-Orléans, les distractions ne sont pas pléthore.

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