Deux heures plus tôt : der Spinnenmeister

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Debout, mains sur les hanches et pieds légèrement écartés, la tête penchée sur le côté, l'homme contemplait son oeuvre, dubitatif. Quelque chose semblait le chiffoner, un détail peut-être qui devait lui échapper, l'empêchant d'apprécier à son juste prix le tableau qu'il avait sous les yeux. La femme, toujours inconsciente, était suspendue aux poutres de la charpente, bras en V. Bien que ses pieds nu touchassent le sol, ses jambes ne la portaient plus, si bien que ses bras seuls devaient supporter le poids de son corps. Il fit la moue. Normalement, la douleur dans les membres supérieurs aurait du la tirer de son coma depuis un moment déjà. Peut-être Otto y était-il allé un peu fort.

Johan-Ferdinand contourna le corps nu crucifié, amena délicatement la tête en arrière et contempla la plaie au sommet du crâne. Bobette s'en sortirait avec quelques points de suture mais comme pour toute blessure à la tête, elle avait abondament saigné. Observant le filet carmin qui s'écoulait le long de la nuque, puis entre les omoplates, il sut ce qui manquait à son tableau. Il plaqua sa main à la naissance des fesses et, remontant le long de la colonne vertébrale dans une caresse appuyée, s'appliqua à recueillir dans sa paume le liquide vital. Le sang était poisseux, la coagulation était en cours. Il revint face à la fille, sembla hésiter. Plaqua sa main sur la bouche entrouverte et d'un geste sûr, traça d'un trait un large sillon rouge qui, filant le long du cou, entre les deux petits seins et sur le ventre, venait mourir sur le pubis de la suppliciée.

Johan-Ferdinand fit trois pas en arrière. Elle était parfaite. Mais atrocement inerte. Il se dirigea vers l'âtre et se saisit d'un des seaux qu'Otto avait, sur son ordre, disposé à moins d'un mètre seulement des flammes. La glace n'avait pas fini de fondre. Il en transvasa ce qu'il put dans un autre récipient et fit l'appoint avec de l'eau liquide, obtenant au final un plein seau d'eau froide à souhait.

La douche glacée arracha à Bobette un cri de surprise, la tirant du même coup de sa torpeur.

— De retours chez les vivants Madame la Commissaire ?

La jeune femme, le regard affolé, se tortillait autant que ses liens le lui permettaient. Elle semblait ne pas comprendre ce qui lui arrivait. Elle cria. De rage plus que de peur, pensa le bourreau.

— Arrêtez de gigoter ainsi. Vous ne ferez qu'empirer les choses.

Elle secoua une fois encore ses liens, comme pour en éprouver la solidité.

— Qu'est-ce qui vous prend ? aboya-t-elle. Détachez-moi !

— Tout doux ma jolie. Je te détacherai quand tu m'auras donné ce que je veux.

— Qu'est-ce que vous racontez ? Vous avez eu ce que vous vouliez! !

Il rit. Avant d'afficher un visage dur et déterminé.

— Je ne parlais pas de ça, fit-il en lui assénant une claque sur le sexe.

Elle serra les genoux et les dents.

— Vous savez ce que je veux, reprit-il, impassible. L'amulette.

— Quelle amulette ? Je ...

La giffle lui cloua le bec, faisant valdinguer sa tête.

— N'essaye pas avec moi. Nous ne jouons pas dans la même catégorie. Et nous savons tous deux de quoi il s'agit.

— Merde, j'comprends rien à ...

La deuxième giffle, assénée du revers de la main, fit éclater la lèvre supérieure.

L'homme tourna sur lui-même, trépignant comme un chien fou, et dans un mouvement circulaire, asséna à la malheureuse un formidable coup de poing dans l'estomac. Elle se tordit de douleur, autant que ses liens le lui permettaient, et tenta vainement d'aspirer l'air qui se refusait à emplir ses poumons.

— Regarde-toi. Tu es ridicule. On dirait un poisson qui se débat dans une épuisette.

Il lui décocha un ultime coup de poing qui lui entailla la pommette gauche. Elle défailla, à deux doigts de perdre connaissance. Il la rappela à lui d'un petite claque sur la joue.

— Ta résistance est stupide. Stupide et inutile. Car je finirai par obtenir ce que je cherche. Et tu vas m'y aider.

Menton sur la poitrine, elle fixait le sol. Il lui releva brutalement brutalement la tête, la tirant par les cheveux.

— N'est-ce pas que tu vas m'y aider ?

— Va te faire foutre !.

Elle contractait tous ses muscles, comme pour mieux encaisser les coups qui ne manqueraient pas de pleuvoir. Il la contempla en souriant.

— Je vois. Tu es une dure, c'est ça ? Mais tu es stupide. Aussi stupide que ce petit fonctionnaire.

Son sourire se fit plus large encore quand il la sentit tressaillir.

— Charles-Henry de la Minaudière ...

Von Herpzmel leva les yeux au ciel.

— Avec un nom comme celui-là, je ne m'attendais pas à ce qu'il tienne si longtemps. Enfin, je veux dire, à ce qu'il mette si longtemps à mourir. Parce qu'il m'a très vite avoué qu'il t'avait remis l'amulette. Et des rumeurs courent comme quoi tu t'étais montrée très ... convaincante.

Il rit.

— Pourquoi l'avoir tué alors ? murmura-t-elle.

Il leva les yeux au ciel, inclina la tête, comme s'il hésitait sur le sens à donner à la réponse. Se décida.

— Mais... pour le punir. Et aussi un peu par plaisir.

Il éclata de rire.

— Nous avions un accord tous les deux. Il devait me vendre l'artéfact. Vingt mille mark-or, une jolie somme n'est-ce pas ? Dont un quart en guise d'acompte. Que je n'ai bien sûr jamais revu.

Il inclina la tête sur le côté, encore une fois, et mima la déception.

— Tu comprends que je sois quelque peu... désapointé. Mais c'est moins la perte de ces cinq mille mark qui m'attriste que la disparition de cette putain d'amulette !

Il avait hurlé ces derniers mots. Furieux. Mais il reprit très vite son calme.

— Aussi, je suis bien décidé à remettre la main dessus. Avec ton aide bien sûr.

Bobette détourna la tête. Silencieuse. Johan-Ferdinand tira à lui un sac de voyage en cuir élimé et entreprit d'y farfouiller. Il releva la tête un instant.

— Ma trousse, fit-il fièrement en désignant le bagage.

Il en extraya une petite bobine de fil et une paire d'épais ciseaux avant de revenir à sa patiente et de découper un long brin. S'approchant de la jeune femme, il lui saisit l'oreille. Il la tritura délicatement durant un moment.

— Qu'est-ce que vous faites ? lança la jeune femme.

— J'attache ce fil à tes anneaux. Enfin, à deux de tes anneaux, je ne voudrais pas t' arracher l'oreille entière. Pas encore. Voilà, c'est parfait.

Il entreprit de dérouler un second brin, tout en continuant ses explications.

— C'est un mélange de soies. Les vers produisent cette fibre remarquablement solide, mais savais-tu que la soie d'araignée est infiniment plus résistante encore ? Celui-ci provient d'une espèce exotique. Sa résistance à la rupture est dix fois supérieure à celle de la soie classique. Mais il est aussi plus élastique. Aussi, en le combinant avec un fil issu de la culture du ver, on obtient un fil d'une résistance hors norme, mais aussi relativement rigide.

Les ciseaux tintèrent. L'homme lui mit le brin sous les yeux.

— Vois comme il est fin. Ce fil est une merveille de la nature, sublimé par la technologie du Reich. Ce seul morceau qui doit faire... quoi ? Deux mètres ? Me coûte à lui seul une petite journée de salaire.

Il se saisit de l'anneau qu'elle portait au téton gauche et entreprit d'y enfiler la soie. Mais elle se contorsionna si violemment qu'il n'y parvenait pas.

— Je vois que tu as compris. Mais arrête de bouger, sinon je n'y arriverai pas.

Elle n'obtempérait pas, gigotant de plus belle, telle une libellule prisonnière de la toile d'une veuve noire. Sans se départir de son calme, l'allemand s'écarta et se saisit d'un levier. Il l'actionna deux fois, trois fois, retendant le cordage qui maintenait le bras gauche. Il passa de l'autre côté, fit de même avec un second levier. Bobette pendait maintenant par les bras, les pieds à dix centimètres du sol. L'homme lui passa un troisième cordage autour de la cheville et vint le fixer à un anneau au sol, un peu à l'écart. Elle se débattit encore quand il fit de même avec son autre jambe.

— Vous me faites mal, cria-t-elle.

— C'est un peu le but, fit-il sur le ton de la plaisanterie.

Il tira violemment sur la corde avant de la fixer dans un second anneau. Elle pendait maintenant écartelée, crucifiée.

— Tu es grotesque, dit-il en la contemplant. On dirait une étoile de mer qui sèche au soleil, pendue à une corde à linge.

— Vous êtes malade !

Il se remit à la tâche, fixa l'extrémité du fil au piercing. Redécoupa deux brins et fit de même sur l'autre sein, puis sur l'anneau qu'elle portait à la naissance du sexe.

— C'est très joli ces bijoux, fit-il en contemplant son oeuvre. Je n'avais encore jamais vu ça, enfin, jamais à cet endroit, mais c'est très joli. Ca fait mal quand on les place ?

— Enfoiré ! Enfoiré !

Il passa ses doigts sur son sexe, écartant délicatement ses chairs.

— Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je m'occupe aussi de ceux que tu as sur les lèvres de ton sexe, tu parleras avant. Au pire, celui-ci suffira.

Il tira délicatement sur le fil relié à l'anneau qui ornait le capuchon de son clitoris, distendant légèrement la peau.

Elle sanglotait maintenant.

— Tu craques ? Oh non, je t'en prie, patiente encore un peu. Ca devient tout juste intéressant. Tu ne voudrais pas me priver de mon plaisir, n'est-ce pas ?

Il enfila un gant, attrapa un des fils, et enroula dans ses doigts l'extrémité libre. Sans prévenir, il balança à toute volée son bras, comme s'il assénait une giffle violente, arrachant deux des anneaux qu'elle portait à l'oreille.

Elle poussa un cri strident. Il vint examiner l'oreille blessée.

— C'est propre, déclara-t-il. Une belle déchirure, mais tu as toujours ton oreille, et elle n'est pas trop abîmée. Mais ça pisse le sang. Ça fait mal ?

— Enfoiré ! Sale enfoiréééé ! hurla-t-elle.

— Tssst. Tu n'es pas en position de me manquer de respect.

Il saisit le fil relié à l'un des tétons. S'écarta. Elle se cambra, les yeux exhorbités. Elle hurla quand l'anneau déchira le téton, emportant un lambeau de chair. Il saisit le sein, examina la plaie.

— Pas joli joli ... c'était plus net à l'oreille.

Ses doigts se refèrmèrent sur le second filin.

— Ce ... ce ne sera pas nécessaire, hoqueta-t-elle.

— Comment ça ?

— La plaquette ... je l'ai planquée ... dans le bayou. Mais je vais vous y conduire.

Il tira doucement sur le fil. Déçu.

— Déjà ? Mais non, ça commence seulement à devenir intéressant.

— Non ! Non !

— Il fallait parler avant. C'est comme ce petit fonctionnaire. Il voulait parler alors que je venais à peine d'enfoncer ma lame dans ses parties.

Bobette hurla. La rage et la frustration laissaient doucement la place à la terreur. Son bourreau débobinait à nouveau le fil de soie, le découpant tous les deux mètres environ. Il en attacha un à chacun de ses anneaux intimes. La jeune femme pleurait en silence.

— Je vais te faire confiance, annonça-t-il.

— ...

— Ca me coûte car j'aurais aimé proursuivre l'expérience plus avant. Mais je vais en rester là. Tu vas me mener à cette plaquette. Gentiment. Et à la moindre entourloupe, au moindre faux pas ...

Il tira un coup sec. Pas suffisament pour la blesser, mais assez pour la surprendre et lui faire mal. Quand il l'eut détachée, elle se laissa choir. Il jeta devant elle une épaisse veste de toile grossière.

— Mets ça. Il gèle à pierre fendre. Et je ne voudrais pas non plus que tu déclenches une esclandre en t'exhibant ainsi sur le port.

(1) Der Spinnenmeister : le maître des araignées

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