Compte-rendu

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Mercredi 29 juin

Pacific Palisades, Californie


L’écran de la Tesla afficha Daredevil en même temps que se faisait entendre le début de la BO du film. Louis avait traversé Barstow et se dirigeait vers San Bernardino. Il ordonna au système de prendre l’appel.

— Salut Ironman, j’ai obtenu les infos que tu attendais sur Rochambault et Brown.

— Je t’écoute, tu peux prendre ton temps, j’ai encore plus d’une heure de route.

— Le bateau de Rochambault, un Riviera de 72 pieds, est arrivé à Nassau en début de soirée, heure locale. L’information est confirmée par la capitainerie. Deux personnes à bord, le skipper habituel et Mick Brown. Le marin, un certain Pablo Lopez, est né en Floride en 1964, fils d’un immigré cubain de la première heure et d’une mère portoricaine. Rien à redire au niveau des fichiers de police, hormis les petits délits routiers habituels. Séparé de sa femme depuis vingt ans. Vit seul depuis cette date. C’est un salarié de Rochambault, qui s’occupe du bateau et organise des sorties de pêche pour son patron et ses amis. Mick Brown, lui, est bien le fils du sénateur de Virginie. Quarante-cinq ans, fils à papa, études médiocres, pas d’emploi sérieux. Il semble s’être rapproché de Rochambault lorsque ce dernier travaillait à New York pour la famille Trump. On trouve sa trace dans quelques affaires de mœurs, il a été un temps inquiété, mais toujours blanchi, sans doute grâce à des protections politiques, le sénateur Brown ayant longtemps été proche de Rudy Giuliani et Michael Bloomberg. Depuis quelques temps, il est souvent dans le sillage de William Rochambault, maintenant que celui-ci est revenu vivre en Floride. La DEA a un dossier sur lui, mais pas de preuves suffisantes pour une inculpation. On le soupçonne d’être un porteur de valise occasionnel. Je ne vois pas pourquoi il aurait fait le voyage à Nassau par la mer, si ce n'était pour en rapporter quelque chose qu’on ne peut pas passer en avion. Pendant la traversée, il a utilisé un téléphone satellite Iridium. Je n’ai pas pu identifier le correspondant, encore moins intercepter le contenu de la communication. Dès son arrivée à Nassau, il a pris une voiture qui l’a mené un peu à l’écart de la ville où il est resté peu de temps, avant de se rendre au Four Seasons. Il y est toujours.

— C’est cohérent. Rochambault et Brown semblent être en train de monter un petit trafic entre les Caraïbes et le continent. On va voir comment on peut un peu perturber le business de ces enfants de bonnes familles. Continue à surveiller nos deux amis, ajoute le marin sur la liste, même s’il a l’air clean.

— OK, Boss, à demain.

Louis avait franchi la passe de San Bernardino et roulait vers l’ouest en direction de Pasadena quand Spiderman s’annonça.

— Hello patron, j’ai eu de nouvelles touches sur les profils de John Mason, dans l’après-midi, à peu près deux heures d’intervalle.

— Intéressant, tu as pu les localiser ?

— Le premier contact provient du domicile d’une avocate de Montgomery, une certaine Elisabeth Stanton, associée d’un gros cabinet de la ville. Elle s’est contentée de survoler les sites. Le second est également localisé à Montgomery. Un privé du nom de Tom Simpson, pas très malin car il aurait pu au moins utiliser un VPN. Il a créé un compte et téléchargé les articles du blog. On a eu au même moment un appel sur la ligne de John Mason, en numéro masqué, mais la communication provenait aussi d’Alabama.

— Elisabeth Stanton a mandaté un privé pour s’informer sur John Mason, c’est donc qu’ils jugent la menace sérieuse. C’est très bon, ça. Je pense qu’ils vont chercher à reprendre contact avec les familles.

— Excuse-moi, mais je ne suis pas. Quelles familles ?

— Oui, c’est vrai, tu n’as pas les détails. Je vais t’envoyer les coordonnées de familles dont les enfants sont décédés lors d’essais cliniques, il y a deux ans. Trouve-moi tout ce que tu peux sur eux, même si les avocats ont dû s’efforcer de masquer les traces. Je veux surtout savoir quand Miller Stanton va reprendre contact avec eux. Il me reste une heure de route, je te fais suivre l’info dès que j’arrive.

Louis raccrocha pour reprendre le contrôle de la conduite. Sur les autoroutes urbaines de Los Angeles, il ne faisait plus confiance à l’Autopilot. Il traversa le quartier d’affaires puis Culver City et Santa Monica avant d’atteindre la villa de Chelsea. Il prit soin de mettre la voiture en charge et récupéra son sac de voyage avant de se diriger vers la maison. Il était familier de l’endroit, dont il avait les clés. Le grand salon était vide et les lumières de la terrasse éteintes. Il se dirigea vers la pièce qui servait de bureau à la Panthère Noire. La porte était entr’ouverte et il pouvait distinguer un peu de lumière. Il frappa.

— Entre Louis, je t’attendais.

— Comment sais-tu que c’est moi ?

— À part la femme de ménage, personne d’autre n’a le code du portail et tu m’avais annoncé ta venue. Tu est ponctuel.

— Le système de navigation de ta voiture est très efficace. Elle est intacte et en charge. Voici les clés.

Chelsea sauvegarda le fichier sur lequel elle était en train de travailler et mit l’écran en veille.

— Tu veux prendre un verre ?

— Ce ne serait pas un luxe, il n’y a pas de frigo dans la Tesla, même sur la Plaid.

— Sers-moi un bourbon et prends ce que tu veux. Tu me rejoins près de la piscine ?

Quand Louis arriva au bord du bassin, il ne pût qu’admirer le corps dénudé de sa patronne qui descendait les marches en face de lui. Ses orientations sexuelles avaient toujours été strictes et il n’avait jamais eu de relation avec une femme, même dans sa jeunesse. Il n’était toutefois pas insensible à la silhouette qui se présentait à lui. Halle Berry dans « Die another day », pensa-t-il, mais totalement nue. Chelsea et lui avaient souvent eu l’occasion d’en parler, et il savait que lui aussi avait un temps éveillé du désir chez sa partenaire, mais c’était il y a bien longtemps déjà. Il posa les verres sur la table et attendit que la nageuse ait effectué quelques longueurs. Après quelques minutes, elle vint vers lui enveloppée d’une serviette blanche, mettant en valeur le hâle de sa peau.

— Alors, qu’as-tu appris aujourd’hui ? demanda-t-elle en saisissant son verre.

Louis rapporta le résultat des surveillances mises en place par Daredevil et Spiderman.

— Tu vas balancer les infos concernant Will et Brown à la DEA ?

— Non, ils nous poseraient trop de questions. J’ai une idée un peu plus tordue, mais tu ne vas peut-être pas trop aimer.

— Tu m’intrigues. Dis toujours !

Celui qui se faisait appeler Ironman exposa les grandes lignes de son projet.

— Si tu lances ça, on ne maitrisera pas les conséquences.

— Non, c’est pour ça que je disais que ça ne te plairait peut-être pas. Je sais que tu es « Control Freak ».

— Après ce qu’il m’a fait, je n’ai pas de raison de le ménager. Il faut juste espérer qu’il n’y aura pas trop de dommages collatéraux.

— Il n’a ni femme ni enfant.

— Attendons encore quelques jours avant d’en arriver là.

— Pas de problème, c’est toi qui décides. D’ici là, je vais quand même réfléchir aux modalités de mise en œuvre.

Chelsea resta quelques instants songeuse. Son job était de collecter des informations et de les analyser. Associée à Louis et à son équipe, elle était particulièrement douée pour cela, mais jusqu’à ce jour, elle n’avait jamais eu à intervenir activement sur le destin des individus ou des sociétés qu’elle étudiait.

Son esprit revint à cette soirée de juin 1998 où Betty, William et les deux autres s’étaient servi d’elle comme leurs ancêtres le faisaient des jeunes esclaves. Qu’auraient fait sa grand-mère et le pasteur King dans une telle situation ? N’étaient-ils pas partisans d’une action non-violente ? Pour les autres, peut-être aurait-elle un peu de clémence, mais William était une ordure. Il l’avait violée, elle, mais aussi beaucoup d’autres, protégé par un système inique. Il méritait de souffrir.

— On va le faire, finit-elle par dire.

— Tu veux savoir où on en est avec Stuart et Betty ?

— Bien sûr.

Louis rapporta les progrès de Spiderman. Chelsea s’inquiéta pour les familles des victimes.

— Tu crois qu’ils peuvent s’en prendre à eux ?

— Les intimider plutôt, ce sont des gens qui ont été brisés par la maladie de leurs enfants d’abord, puis par la négligence du laboratoire. S’ils avaient voulu se battre, ils l’auraient sans doute déjà fait. Je crois que Stanton va commencer par leur rappeler les engagements de confidentialité qu’ils ont signés. Je vais essayer de me procurer une copie de ces contrats.

— Et ensuite ce sera à John Mason de jouer ?

— C’est cela, les réseaux sociaux feront le reste.

— Il ne nous reste plus que Marvin Holmes.

— Comme je te l’ai dit, c’est Black Widow qui s’en charge. Il se pourrait que ça prenne un peu plus de temps, mais je lui fait confiance. Elle me contactera quand elle aura du concret.

— Il est tard, j’ai encore un peu de travail sur le dossier de cet ingénieur et je voudrais m’en débarrasser rapidement, mais tu peux dormir ici si tu veux. La chambre d’amis est toujours prête.

— Je te remercie, mais je vais plutôt appeler un Uber et faire un tour en ville. Je suis un oiseau de nuit.

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