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Fort Lauderdale, Floride

Vendredi 1er juillet

La jeune femme blonde revint sur la terrasse donnant sur l’océan, habillée légèrement. William Rochambault lui tendit cinq billets de cent dollars sans prononcer un mot. La fille prit l’argent et posa un baiser sur la joue de son client.

— Tu peux m’appeler quand tu veux ! dit-elle joyeusement en quittant l’appartement.

Will ne répondit pas et se dirigea vers la cuisine pour préparer un expresso. Pendant que le café coulait, son téléphone se mit à vibrer sur le plan de travail.

— Salut, c’est Mick. Je ne te dérange pas ? Tu es seul ? demanda son correspondant.

— Oui, c’est bon. Tu es dans le secteur ?

— Je suis à Miami Beach, je peux être à Fort Lauderdale dans moins de vingt minutes. Rappelle-moi l’adresse.

— Je te l’envoie par texto.

En dehors de la maison de Marathon, Rochambault n’avait pas d’adresse permanente. Il avait pour habitude d’habiter temporairement des appartements ou des villas libres, appartenant à l’une ou l’autre des sociétés de son groupe. Les administrateurs s’accommodaient de cet arrangement, qui n’avait jusqu’à présent pas attiré le regard des agents du Trésor. Pour le moment, il occupait un appartement situé sur le front de mer, au niveau de Central Beach. Mick Brown se manifesta à l’interphone une demi-heure plus tard, porteur d’une petite valise.

— Voilà la marchandise, dit-il en posant la mallette sur le bar séparant la cuisine du grand salon.

— Tu l’as testée ? demanda Will.

— Non, je ne suis pas équipé pour ça, mais le dominicain m’a juré que c’était leur meilleure qualité.

— Tu crois qu’il allait dire qu’il te vendait de la merde ? On va déjà goûter, reprit Will en ouvrant la valise.

Quatre petits paquets de poudre blanche étaient soigneusement calés à l’intérieur. Rochambault en prit un et l’ouvrit délicatement avant de prélever un échantillon sur la pointe d’un couteau. Il l’approcha de sa narine et inspira fortement. Après quelques secondes, il hocha la tête de satisfaction.

— Elle déchire ! Emporte la mallette au studio et appelle Martin pour qu’il l’analyse. Qu’il me communique le résultat au plus vite. Qu’est-ce qui est prévu pour la livraison ?

— Le vendeur met la marchandise à notre disposition à l’endroit de notre choix, sur le territoire dominicain. Paiement en bitcoin.

— Bon, je crois que je vais aller faire un tout à Saint Domingue pour y découvrir de nouveaux talents ! Regarde de ton côté comment faire transiter le chargement.

— Pourquoi pas un avion privé ? Ce ne sont pas les aérodromes discrets qui manquent dans le secteur. On planque la came dans les flight cases et on amène un groupe pour enregistrer ici.

— Oui, ça peut se faire. Trouve-moi l’avion, moi je me charge des musicos.

— Tu prévois de passer au studio ?

— J’y serai dans l’après-midi.

— On se retrouve là-bas, conclut Brown avant de quitter l’appartement.

Rochambault prit le temps de s’habiller avec soin et de se préparer un autre café, puis il appela le numéro de Will Roch Records.

— Soledad, je vais avoir besoin d’un billet d’avion pour Saint Domingue, pour dimanche soir ou lundi. Regardez ce qu’il y a comme vols directs. Pouvez-vous chercher aussi avec qui on a déjà travaillé en République Dominicaine ? Un manager ou un studio d’enregistrement.

— C’est noté, répondit la voix au bout du fil, je vous recontacte dans quelques minutes.

Quelques minutes plus tard, l’assistante rappelait.

— Voila, dit-elle, vous avez un vol American qui part de Miami à 18 :45, arrivée à Saint Domingue à 22 :04, il y a une heure de décalage. Sinon, le matin, départ à 8 :40, arrivée à 12 :00.

— Prenez le vol du soir, dimanche. Et pour les musiciens ?

— On a déjà a travaillé avec Gato Negro, il y a deux ans et avec les studios Rondon Music et Magic Lab. Vous voulez leurs adresses ?

— Oui, merci envoyez-moi un texto.

— Vous prévoyez de passer au bureau prochainement, il y a des contrats à signer !

— Cet après-midi, répondit Will agacé avant de raccrocher.

Will essaya de se rappeler à quoi pouvait ressembler celui qui se faisait appeler Gato Negro, sans succès. Il n’était pas fan du style Merengue et ne travaillait pas beaucoup avec les dominicains. Il préférait les cubains et surtout les jamaïcains, mais il y avait un marché pour ce genre en Floride et Will Roch Records ne pouvait totalement l’ignorer.

L’homme qui se faisait appeler le chat noir, répondit rapidement d’une voix trainante, teintée d’un fort accent hispanique.

— Senor Rochambault, c’est un plaisir de vous parler, ça faisait longtemps que je n’avais pas eu de vos nouvelles.

— Il y a beaucoup de cultures et beaucoup de musiques dans les Caraïbes, je donne leur chance à tous les genres.

— Les américains ont toujours préféré les cubains, pour les cigares, le rhum et les musiciens. Et pourtant, ils vous ont virés de leur ile sans indemnités il y a plus de soixante ans !

— Que voulez-vous, nous autres gringos, nous sommes nostalgiques.

— Bon, qu’est-ce que vous voulez faire cette fois ? Bachata ou merengue ? J’ai aussi de bons groupes électro ou reggaeton.

— Je crois qu’on va rester sur le merengue pour le moment. Vous pourriez m’organiser un petit casting pour lundi prochain ? Chez Rondon Music par exemple.

— Je peux vous envoyer des liens YouTube si vous voulez.

— J’aime bien me faire une idée en live, vous voyez ?

— C’est comme vous voudrez ! Je vais voir ce que je peux vous proposer. Je vous confirme ça d’ici ce soir.

— Envoyez-moi quand même les vidéos, compléta Will.

En Californie, l’écran du portable de Louis afficha Daredevil.

— Salut Ironman, Rochambault et Brown se sont rencontrés ce matin, à Fort Lauderdale. Leurs téléphones ont borné en même temps à l‘adresse d’un immeuble appartenant à l’une des sociétés de Rochambault. Ils sont restés ensemble une quinzaine de minutes puis Brown est reparti pour rejoindre Will Roch Records, la société de production de Rochambault. La cible principale a ensuite eu deux fois son bureau avant d’appeler un producteur de musique à Saint Domingue. Il s’agit de Manolo Cortez, qui se fait appeler Gato Negro. Il est assez connu là-bas dans le milieu des musiques locales. Enfin, il y a un vol réservé pour Rochambault de Miami à Saint Domingue dimanche soir.

— Merci, tu ne les lâches pas, ni l’un ni l’autre. Il va bien falloir qu’ils cherchent un moyen de transport et pour ça ils vont inévitablement passer des coups de fil.

— Dommage qu’on n’ait pas pu équiper leurs mobiles !

— On a déjà leur localisation et les numéros qu’ils appellent, c’est pas mal.

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